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II

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LA MUSIQUE COMPARÉE A LA PEINTURE

La mélodie se compose d’une série de sons entendus successivement et choisis de manière à satisfaire l’oreille: soit comme valeur (ou durée), soit comme intonation (ou hauteur), soit enfin comme force (ou intensité).

De même que l’oreille est charmée par une belle mélodie, de même l’œil pourrait être satisfait par une succession de couleurs bien choisies.

Mais l’expérience prouve que la comparaison n’est pas exacte: l’œil n’éprouve aucun plaisir à percevoir une série de couleurs, même quand on les choisit parmi les plus agréables (ou, comme l’on dit, les plus douces à la vue). Bien plus, l’œil se fatigue très vite à regarder une succession de couleurs, quelle que soit d’ailleurs la durée des impressions lumineuses.

Le P. Castel, savant jésuite (né en 1688, mort en 1757), imagina le clavecin oculaire, instrument à l’aide duquel il voulait charmer les yeux par de véritables mélodies colorées; mais on reconnut bien vite que les prétendues mélodies étaient insupportables.

L’harmonie musicale est une sensation qui résulte de l’audition simultanée de plusieurs sons formant un accord (ou une dissonance, quand l’accord est désagréable).

Nous citerons quelques faits qui prouvent que l’harmonie existe pour les couleurs comme pour les sons. Et même, sous le rapport de l’harmonie, l’éducation de l’œil peut se faire comme celle de l’oreille; chacun sait que la musique moderne admet des successions d’accords absolument défendues par les maîtres du temps passé ; avec l’habitude, la tolérance s’établit et les oreilles contemporaines les plus délicates finissent par admettre Wagner après Beethoven; comme celles de nos pères ont fini par accepter Beethoven après Mozart.

Dans une certaine mesure, il en est de même des harmonies de couleurs; mais il faut bien se garder de pousser trop loin la comparaison. C’est ce que M. Auguste Laugel a très bien démontré dans son excellent ouvrage (l’Optique et les Arts):

«La musique, comparée aux autres arts, s’en distingue tout d’abord par une différence capitale; elle est, qu’on nous permette le mot, une forme dynamique de l’art; la sculpture, la peinture et l’architecture en sont les formes statiques.

«La première, en effet, use d’un élément qui manque à ces dernières, je veux dire du temps; son œuvre naît, s’étend, se développe, prend une sorte de vie.

«Une symphonie est un drame qui a un commencement, un milieu, une fin; la pensée de l’auditeur est entraînée par les mouvements des sons, elle s’attache non seulement à la mélodie, mais encore à chacune des voix secondaires dont les chœurs composent l’harmonie; les rôles changent sans cesse, un instrument se tait, un autre prend sa place; le rythme tantôt se ralentit et tantôt se précipite. L’âme voltige en quelque sorte au-dessus des flots sonores, comme les oiseaux de mer se balancent sur la vague capricieuse: plaisir charmant, qui nous permet de suivre nos propres rêves à travers la toile flottante et légère de l’harmonie.

«On ne peut entendre deux fois tel morceau de Beethoven ou de Mozart avec des émotions identiques, car il s’opère toujours un mariage mystique entre la pensée du maître et notre propre pensée, errante, fugace, aujourd’hui plus forte et plus agile, demain plus languissante. Ce qui naguère semblait un cri de joie et de triomphe nous paraîtra quelque jour une menace ou un ricanement ironique; les mêmes mélodies peuvent bercer nos joies et nos douleurs, remuer nos espérances ou nos craintes, répondre aux soupirs de nos amours heureuses ou aigrir les blessures du désespoir.»

«La musique est l’art idéal par excellence; elle n’est pas une langue précise, analytique; elle ne se prête pas, comme les langues parlées, aux raisonnements, aux déductions; cependant elle a déjà quelque chose d’une langue, elle est l’expression vivante, animée, mobile, bien que vague encore, de tous les sentiments humains.

«L’œuvre des autres arts est au contraire toute statique; les palais, les temples, les statues, expriment aussi une pensée; mais cette pensée est fixe, immuable. La sculpture et l’architecture travaillent ou du moins croient travailler pour l’éternité. Les chefs-d’œuvre de la peinture sont plus frêles; mais ils ne changeraient pas davantage, si le temps respectait leur fin épiderme de couleurs autant que les robustes assises de la pierre, ou les rondeurs du bronze ou du marbre.»

Les couleurs

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