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SYNONYMIE.

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Table des matières

Nous croyons utile de commencer par rapporter tous les noms qui sont ou qui ont été donnés au tabac par les différents peuples et à différentes époques.

Garcie du Jardin et Magnenus assurent que le vrai nom de cette plante chez les Indiens est picielt.

Au Paraguay, où le tabac paraît avoir existé de tout temps, il est connu par les Guaranis sous le nom de pety, qui est le même mot que petun employé pour le désigner sur les bords de l’Amazone et des plaines du Brésil. Ces deux mots sont onomatopéens, car par la manière de les prononcer ils indiquent assez parfaitement le bruit que produisent les lèvres lorsqu’elles laissent échapper la fumée du cigare ou de la pipe.

Nous empruntons à M. Alfred Demersay les diverses dénominations par lesquelles on désigne le tabac, en Amérique, en Afrique et dans l’Océanie.

Pety, tabac ; d’où les noms de petygua, ustensile dont on se sert pour humer le tabac; petynguara, buveur de tabac; apetymbù, qui exprime l’action qui consiste à chasser la fumée du tabac par la bouche et par les narines, chez les Guaranis du Paraguay .

Au Brésil, on le nomme petun ou petum. En constatant son antiquité aux Indes occidentales, Pison, le premier qui ait bien décrit les plantes du Brésil, lui a donné le nom de petume ou tabacum. Suivant le dictionnaire de la lingoa gerat, publié en 1795, la plante est désignée sous le nom de pytyma, Pytyma cuî est le nom du tabac en poudre, et le mot pytyma tyba en exprime la culture.

Les habitants du Nicaragua l’appellent ynpoqueto .

Il se nomme encore:

Quavhyelt (Hern) quauhietl ou quauryell, en mexicain ;


Tamoui (selon Ant. Biet), dans la Guyane;


Siré, par les Bagnouns, les Cassangues et les Mandingues.

L’altération du mot tabaco a produit les dénominations suivantes:

Tawac (d’après Dupetit-Thouars), chez les Esquimaux;

Ou-baco, nom de la plante, chez les Papels et les Brames;

E-baqué, nom de la plante chez les Feloupes;

Tammako, chez les habitants des îles Carolines .

Kapada, tabac haché, et dunkol (feuille fumante), dans l’île de Ceylan, d’après Strachan .

Tumac, Bengali.

Tambacu et Bujjirbhang, hindustani.

Voici, d’ailleurs, le nom du tabac chez différents autres peuples:

Oroonoko, dans le Maryland ;

Toback, allemand, danois, suédois;

Tobacco et snuff, anglais;

Dukan, arabe;

Bujjerbhang et tumbroco, japonais;

Sang-yen, chinois;

Thuoc, chinois et cochinchinois;

Tumbaku, dukanais, hindou;

Tabaco, espagnol, italien, portugais:

Tabak, hollandais, polonais, russe;

Tambracu, malais;

Tiotion, russe;

Zchichir, circassien;

Dhumrapatra et Tamrakoota, sanscrit;

Poghei elley, tamoul;

Tamer et Tutun, Tartarie;

Poghako, Tellinga;

Doonkola, cyngali;

Tüttün, arabe, turc;

Tαμπαϰoς, grec.

«Chose étrange, dit M. Alf. Demersay (loc. cit., notes), pendant que l’ancienne dénomination haïtienne du tabac se répand dans l’univers, celle qui fut adoptée jadis par les habitants du Paraguay et du Brésil se conserve dans nos provinces. Les Bretons désignent encore le tabac sous le nom de betum ou betun (Legonidec, Dict. breton-français).

En France, la plante a reçu différents noms qu’il importe de rappeler: c’est ainsi qu’André Thevet, qui, le premier, en 1556, l’a importée, lui a donné le nom d’herbe angoulmoisine, du nom de la province française où furent faites les premières tentatives de culture de cette plante.

Quatre ans plus tard, l’herbe angoulmoisine n’étant sans doute pas encore parvenue à la cour où Jean Nicot la fit connaître, reçut le nom de Nicotiane, que le duc de Guise proposa en souvenir du nom de Jean Nicot qui l’avait envoyée de Portugal.

Un peu plus tard, la reine Catherine de Médicis s’étant déclarée protectrice de cette plante, un courtisan ne manqua pas de dire qu’il fallait la nommer herbe à la reine, nom qui fut adopté et sous lequel le tabac, pendant quelque temps, fut plus spécialement désigné.

Plus tard, Jacques Gohori, Parisien, auquel on doit un petit ouvrage sur le tabac a cherché à faire prévaloir les noms de Médicée ou Catherinaire du nom ou du surnom de la reine, en même temps qu’il avait à cœur de faire adopter son livre par la cour. Dans ce but, il s’adressa à Botal, médecin et chirurgien singulier qui avait entrée au Louvre:

«Botal prit la chose en considération particulière, dit Gohori, et lui récita comment le livre fut présenté à sa requeste à la royne mère du roi, avec son docte médecin, M. Vigor, son ancien amy, pour entendre de Sa Majesté, s’il luy seroit agréable que ce discours fust publié et duquel de ses noms il luy plairoit que l’herbe fust appelée ou Catherinaire, de son propre nom, ou Médicée, de son surnom.»

Nous avons cru devoir rapporter ce passage pour démontrer que ce n’est pas de la reine que vint l’idée de ces deux noms pour l’adoption desquels elle fit néanmoins de grands efforts sans y parvenir.

Quelques mémoires du temps rapportent que le grand prieur de France, de la maison de Lorraine, était un priseur infatigable, et son avidité était à ce point remarquable, surtout au moment où le tabac commençait à être employé, qu’il en consommait trois onces par jour. Les priseurs, dans l’enthousiasme du néophytisme, désignèrent le tabac sous le nom d’herbe du grand prieur, lequel eut pendant quelque temps les honneurs de la vogue .

Les amateurs exaltés de l’Espagne ont appelé le tabac panacée antarctique, herbe à tous les maux, sans doute à cause des vertus que l’on croyait lui reconnaître. Herbe sainte, sacrée ou divine, «parce que certaines personnes, dit Brunet , croyent qu’elle rend ceux qui en usent avec discrétion sains et purs, en modérant les mouvements de la concupiscence, et corrige les humeurs du corps qui troublent les organes des sens et qui excitent trop ceux de la volupté (page 33).»

Le cardinal de Sainte-Croix, nonce en Portugal, et Tornabon, légat en France, l’ayant les premiers introduite en Italie, la plante y fut connue sous les noms d’herbe de Sainte-Croix et de Tornabonne, ce dernier nom lui ayant été donné par Cæsalpin.

Quelques auteurs l’ont appelée baglosse antarctique, et les ennemis acharnés du tabac lui ont donné le nom de jusquiame du Pérou, afin sans doute de la faire regarder comme un poison, et ainsi jeter sur elle de la défaveur.

Oviedo, au livre XI, chap. v de ses histoires, écrit que dans l’île espagnole où de son temps le tabac croissait à foison, les habitants l’appellent perebeçenue. Mais la description qu’il en donne semble à Garcie du Jardin se rapporter au hannebane (jusquiame) noir.

Enfin c’est aux Espagnols, qui la connurent les premiers, que l’on doit le nom de tabac, tiré, au dire de plusieurs auteurs, du nom de Tabago, l’une des petites Antilles, ou de Tabaco, province du royaume du Yucatan, où ils la rencontrèrent, dit-on, pour la première fois, ou bien encore de Tabasco, ville faisant partie de l’ancienne intendance du Mexique. Cependant, nous lisons une lettre pleine d’érution de M. Ferdinand Denis, qui cherche à prouver que le nom du tabac est tiré de tabacco, nom que les habitants de Saint-Domingue donnaient à leur pipe primitive, ainsi que le rapporte Oviedo,

D’un autre côté, Christophe Colomb, avant d’aborder à Tabago, avait déjà débarqué sur la plage de Cuba en 1492. L’historien de ce grand homme dit positivement que Christophe Colomb envoya des éclaireurs dans l’île de Cuba, et que ceux-ci rencontrèrent en chemin beaucoup d’indiens, hommes et femmes, avec un petit tison allumé, composé d’une sorte d’herbe dont ils aspiraient la fumée. Or, ces petits tisons, cigares ou pipes, portent le nom de tabagos.

Barthélemy de Las Cazas écrivait, en 1527: «Les Indiens ont une herbe dont ils aspirent la fumée avec délices. Cette herbe est dans une feuille sèche, comme dans un mousqueton pareil à ceux que font les enfants pour la Pâque du Saint-Esprit.

» Les Indiens l’allument par un bout et sucent ou hument par l’autre extrémité, en aspirant intérieurement la fumée avec leur haleine, ce qui pro duit un assoupissement dans tout le corps et dégénère en une espèce d’ivresse. Ils prétendent qu’alors on ne sent presque plus la fatigue. Ces mousquetons ou tabagos, comme ils les appellent eux-mêmes, sont en usage parmi nos colons; et comme on les réprimandait sur cette vilaine coutume, ils répondaient qu’il leur était impossible de s’en défaire. Je ne sais quel goût et quel profit ils pouvaient y trouver.»

Enfin nous présenterons, d’après la vieille traduction française d’Oviedo, la description de l’instrument primitif auquel le tabac doit son nom:

TABACCO.


«Les Indiens de ceste isle, entre autres uices auxquels ils sont addonnez, en ont un fort mauuais. C’est qu’ils prennent ie ne scay quelles, qu’ilz appellent tabaccos, quand ilz veullent sortir hors du sens. Ce qu’ilz faisoient auec la fumée ou parfum d’une certaine herbe, qui est a ce que iay pu entendre comme un arbrisseau qu’on appelle en castillan Veléno, uulgairement hanebane ou iusquiame qu’ilz prênent en ceste sorte. Les caciques et principaux auaient petits bastons creux fort polis et bien faicts de la grandeur d’enuiron une paulme et de la grosseur du petit doigt de la main, qui ont deux petits tuyaux respondant à un, comme il est icy peinct, le tout d’une pièce, ainsi les mettaient en leurs narines et l’autre bout simple en la fumée de l’herbe qui ardoit. Ilz brusloient les feuilles de la dicte herbe fort entremeslées et enuelopées, comme les pages de court ont coustume se donner des fumées ou chamouflets, et ainsi prenoient et receuoient la uapeur et fumée, une, deux, trois et plusieurs fois tant qu’ilz pouuoient iusques à ce qu’ilz demeuroient sans aucun sentiment, longtéms estendus en terre, yures et endormis d’un griëf et fort pesant sommeil mais ceula qui ne pouuoient auoir ces petits bastons prenoient et receuoient cette fumée avec tuyaux ou petites cannes de glayeulz ou roseaux, ilz appellent cet instrument à deux tuyaux et petites cannes auec lequel ilz reçoiuent le dict parfum tabacco .»

Comme on le voit, le mot tabago ou tabacco était connu bien avant l’île qui porta plus tard un nom semblable, et par conséquent il est plus que probable que le mot espagnol est emprunté à l’instrument ou à la substance dont les naturels se servent pour fumer.

Monographie du tabac

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