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HISTORIQUE.

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Table des matières

Quoi qu’il en soit, il n’est plus douteux que le tabac est originaire du Nouveau-Monde, et que les hardis navigateurs sous la conduite de Christophe Colomb en apprirent l’usage de ses premiers habitants .

Bien que Liébaut, au dire de de Prade , ait avancé que le tabac était originaire de l’Europe, et qu’avant la découverte du Nouveau-Monde on l’a rencontré dans les Ardennes, cependant Garcias ab Horto et J. Ch. Magnenus disent positivement qu’il est originaire de l’Amérique. Remarquons cependant que l’opinion de Liébaut n’a rien d’improbable, puisque chaque partie du monde paraît avoir son espèce de tabac; mais rien ne prouve que Liébaut ait raison.

S’il est certain que, découvert par les Espagnols vers l’année 1520, ce fut le docteur François Hernandez, de Tolède, qui, le premier, l’envoya en Espagne et en Portugal, que l’Italie en dut l’introduction au cardinal de Sainte-Croix et à Tornabon, que ce fut par les soins du capitaine François Drake, que l’Angleterre s’enrichit de cette plante , il semble plus difficile pour qui n’a pas pris la peine de faire des recherches suffisantes, de savoir au juste à qui, d’André Thevet ou de Jean Nicot, revient l’honneur d’avoir introduit le premier le tabac en France. Or, non-seulement de vieux ouvrages rapportent cet honneur à Thevet, tel que Magnenus, qui dit positivement: «Primus in Galliam semen detulit Thevetus» ; mais M. Ferdinand Denis, dans sa Lettre sur l’introduction du tabac en France, nous prouve que Thevet est le premier qui ait apporté les graines de l’herbe estrange de laquelle nous parlons, et il est temps de réparer l’injustice qui lui fut faite malgré ses réclamations incessantes.

«Quant aux amateurs de tabac, quant aux fumeurs de tous les pays, dit M. Ferdinand Denis, ils doivent avoir pour André Thevet une gratitude sentie et une sorte d’affection chaleureusement expliquée, le culte en un mot que l’on rend à la mémoire de tout homme qui a étendu le cercle de nos jouissances .»

Or, si l’on consulte l’ouvrage que Thevet a publié en 1558 , on trouve ce passage extrêmement remarquable qui prouve que, reconnaissant les propriétés singulières du petun, il dut en effet rapporter les graines du pays qu’il avait visité.

«Il y a, dit Thevet, aultre singularité d’une herbe, qu’ils nomment en leur langue, petun, laquelle ils portent ordinairement avec eux, parce qu’ils l’estiment merveilleusement profitable à plusieurs choses; elle ressemble à notre buglosse.

» Or, ils cueillent soigneusement ceste herbe, et la font seicher à l’ombre dans leurs petites cabanes. La manière d’en user est telle: ils enveloppent, estant seiche, quelque quantité de ceste herbe en vne feuille de palmier qui est fort grande, et la rollen comme de la grandeur d’une chandelle, puis mettant le feu par un bout, en reçoivent la fumée par le nez et par la bouche. Elle est fort salubre, disent-ils, pour faire distiller et consumer les humeurs superflues du cerveau. Davantage prise en ceste façon, fait passer la faim et la soif pour quelque temps. Par quoi ils en vsent ordinairement, mesme quand ils tiennent quelques propos entre eux; ils tirent cette fumée et puis parlent: ce qu’ils font coustumièrement et successivement l’un après l’aultre en guerre, où elle se trouve très-commode. Les femmes n’en usent aucunement. Vray est que si l’on prend trop de ceste fumée ou parfun, elle enteste et enyvre comme le fumet d’un fort vin. Les chrestiens estant aujourd’hui par delà, sont devenus merveilleusemeut frians de ceste herbe et parfun.»

Est-il possible de supposer qu’un homme puisse reconnaître de telles propriétés à une plante, sans qu’aussitôt il lui vienne à l’idée d’en rapporter des plants ou de la semence, afin d’en faire profiter son pays?

En effet, M. Ferdinand Denis nous apprend qu’un moine de l’ordre respectable des Cordeliers, fort ami de Villegagnon et qui n’était autre que Thevet rapporta soigneusement, dans le pan de sa robe, des graines de petun prises à Nicterohy, si l’on veut parler l’idiome des Tamoyos, ou de Guanabara, si l’on préfère la langue des Tupis. Les graines de tabac brésilien ont germé, grâce à ses soins, sur notre sol, quatre ans avant l’époque indiquée par tous les historiens. Toutefois, il est certain que la culture du petun ne s’est pas immédiatement répandue; selon toutes probabilités, quelques matelots de Rouen ou du Havre ont profité incognito de la précieuse importation; et cette circonstance si concluante est. attestée par quelques ouvrages postérieurs, il est vrai, à la publication de la France antarctique, mais qui ne laissent guère de doute sur le point qui nous occupe .

Ainsi nous sommes de ceux qui cherchent à rendre à Thevet toute la gloire qu’il mérite dans cette circonstance. Mais si ce moine a rapporté d’Amérique les semences du petun, s’il les a fait germer, et si, le premier, il a cultivé le tabac en France, il faut bien le dire, c’est à Jean Nicot que l’on doit de l’avoir, par sa haute position, pour ainsi dire rendu populaire. Voici, au dire de Neander, comment a été faite cette seconde introduction du tabac dans le cœur de la France. Jean Nicot, ambassadeur de Charles IX près de la cour de Portugal, se trouvant à cette cour, s’avisa d’aller visiter l’officine de Lisbonne; là , un gentilhomme flamand, qui n’était autre que le célèbre Damian de Goes , alors garde des papiers royaux, lui fit présent de cette plante estrangère, apportée depuis peu de la. Floride. Le diplomate l’accepta volontiers «comme plante transmarine, non jamais veue,» la fit soigneusement entretenir, et bientôt il ne fut bruit que de l’herbe à l’ambassadeur. (Ferd. Denis.)

L’histoire rapporte que Nicot envoya de Lisbonne à Catherine de Médicis, en même temps que des graines de tabac, une petite boîte pleine de tabac en poudre; que cette reine y prit tant de plaisir, qu’elle ne tarda pas à contracter la passion de priser.

Comme on le voit, à André Thevet revient l’honneur d’avoir, le premier, introduit le tabac en France. Mais à cette époque où les relations de la province avec Paris étaient extrêmement difficiles, l’herbe angoulmoisine ne fut sans doute connue à la cour que par les soins de Jean Nicot. Quiconque se rappelle et tienne pour vrai cet adage latin: Regis ad exemplar totus componitur orbis, comprendra que la reine Catherine de Médicis, ayant mis le tabac à la mode par le plaisir qu’elle éprouvait à priser, et le prenant sous sa protection, des essais de culture, qui réussirent, furent tentés; que les courtisans, qui prisèrent d’abord pour complaire à leur reine, en contractèrent bientôt l’habitude, et que peu à peu l’exemple gagnant de la cour à la ville, le tabac parvint peu à peu à une très-grande faveur.

Au reste, on dit aussi que François Drack, capitaine anglais, en avait fait transplanter en France, plusieurs années avant Nicot. (Brunet, loc. cit. p. 37.) Mais M. Grenet fait judicieusement observer que cela ne peut être, puisque Drack fit son premier voyage en 1567, époque où le tabac était déjà connu en Espagne et en France .

Les anciens connaissaient-ils le tabac? Cette question bien difficile à résoudre l’a pourtant été affirmativement par Jean Ménandre . Cet auteur, qui paraît avoir consulté les anciens écrivains, confiant dans le témoignage d’Alexandre de Tyr et d’Hérodote, dit que les Scythes et les Thraces s’enivraient avec la fumée d’une herbe qu’ils jetaient dans le feu, et que les Babyloniens se servaient de cette même herbe et en aspiraient la fumée. Il n’hésite pas à assurer que cette herbe n’était autre que du tabac. Mais nous verrons plus loin que l’habitude de fumer des herbes était déjà ancienne, et que cette coutume appliquée à diverses plantes aura pu induire en erreur le savant médecin de Brème.

Monographie du tabac

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