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LA NUIT DE NOCES

Table des matières

IL est deux heures du matin. Le bal est encore dans toute sa splendeur. Les jeunes compagnes de la mariée nouent leurs premières intrigues et se penchent nonchalamment, sous l’œil de leurs mères, sur le bras de leurs cavaliers.

Tout à coup un léger murmure, un chuchotement se font entendre. La reine de la fête a disparu.

Lui est encore là, cherchant par un entrain factice à tromper l’ennui de l’attente.

Elle arrive, en compagnie de sa mère, dans la chambre nuptiale, resplendissante de fraîcheur et de coquetterie.

La mère l’aide, pour la dernière fois, à sa toilette de nuit.

Tournons un instant la tête.

Elle est couchée. Sur un meuble, la chaste couronne de fleurs d’oranger, doux souvenir dans les jours de douleur. Plus loin, sur un fauteuil, toute la belle toilette de la mariée, disposée avec art et reposant sur les bottines de satin blanc.

Dans le fond, un nid de mousseline et de dentelle, sous les flots de laquelle se cache une charmante jeune fille dont le frais visage montre des yeux légèrement voilés par la fatigue et le désir de l’inconnu. Sa tête doucement repose sur le léger duvet d’un splendide oreiller.

A côté, un second oreiller attend une autre tête.

Sa mère est toujours là, ayant peine à contenir ses larmes. Adieu ses rêves!

Demain, une barrière infranchissable se sera élevée entre elle et son enfant.

Sera-t-elle heureuse dans l’avenir?

Elle ne peut se résoudre à quitter sa fille. Le moindre bruit, le moindre craquement, la font frissonner. Encore quelques minutes. Autour de son cou sont jetés, charmant collier, les deux bras de son ange. Entre mille baisers, elle lui répète à chaque instant ses dernières recommandations.

Tout à coup, le parquet gémit. C’est lui!! Encore un dernier baiser, et la pauvre mère s’en va le cœur bien triste et bien gros.

Elle s’est vite blottie dans la ruelle, l’œil demi fermé. Mais aux mouvements saccadés des couvertures, à sa respiration inégale, entrecoupée, à son cœur qui bat à rompre sa poitrine, on comprend quelle doit être son émotion.

Une douce clarté règne dans l’appartement.

Il a ouvert la porte d’une main timide et tremblante comme celle d’un voleur. Il arrive doucement au milieu de la chambre, cherchant à assourdir encore le bruit de ses pas sur le moelleux tapis.

Il la croit endormie.

Arrêtons-nous ici, Lecteur, quelques instants.

J’ai toujours présente à la mémoire l’histoire si commune d’une jeune femme tombée de chute en chute, d’amant en amant.

«Le jour de mon mariage, disait-elle, j’aimais mon mari; le lendemain, je l’avais en horreur. Dès la première nuit il foula aux pieds tout sentiment de pudeur. Il me traita comme la dernière de ses anciennes catins. Ne prenant en pitié ni jeunesse, ni innocence, ni douleur, il ne mit bas les armes qu’après avoir satisfait sa brutale passion. Il me fit peur et grand mal en même temps. Je n’ai jamais pu lui pardonner.»

Une autre, fort belle, d’une grande richesse de formes, racontait que, la première nuit, son chaste époux s’arrangea de manière à la voir vêtue d’air et de lumière. Il trouvait dans cette contemplation un nouvel et puissant excitant à ses désirs.

Elle se vengea en lui donnant bientôt plusieurs concurrents.

J’ai souvent entendu dire par une vieille et honnête dame de grand sens que, de de nos jours, on ne respectait plus les femmes.

«Quelles mœurs avez-vous donc maintenant? Vous avez tellement hâte de jouir de toutes vos privautés que vous traitez nos filles comme des places à emporter d’assaut. Attendez donc un peu qu’on vous en livre avec plaisir toutes les clefs.»

Je suis tout à fait de l’avis de cette dame.

Revenons au jeune marié.

Petit à petit il s’est approché du lit.

Il contemple son bonheur. Peu à peu il s’enhardit et prend un baiser sur le front de sa bien-aimée, qu’il croit toujours endormie. Elle tressaille à ce doux contact et se tourne lentement vers lui.

«Vous ne dormiez donc pas, ma chérie?

— Non, ami, je sommeillais un peu; je suis fatiguée,»

Alors commence cette douce et tendre mélodie de baisers, de propos interrompus, d’entrelacements, de pressions cœur à cœur.

Il n’ose encore prendre place au nid. Soudain la mélodie s’accentue-davantage, s’il est possible.

Plus de lumière.

Le nid renferme les deux oiseaux.|

A travers les rideaux blancs de la fenêtre, l’astre des nuits laisse à l’aurore le soin d’éclairer de ses pâles rayons cette première fête de l’amour.

Pendant ce temps, deux têtes confondues en une seule soupirent de tendres serments entrecoupés de: «Je vous aime! je vous aimerai toujours!»

Au souffle de ces deux haleines de feu, sous l’empire des caresses, des attouchements exquis du jeune époux, l’harmonie s’établit entre ces deux êtres.

Ils vibrent à l’unisson.

La symphonie de l’amour peut commencer.

Le pardon est acquis d’avance pour les premières douleurs de la courte période de transition.

Tels devraient toujours être, à mon sens, avec légères variantes seulement, les préliminaires du premier acte conjugal intime.

La suite se devine.

Je ne ferai qu’une seule recommandation qui paraîtra peut-être superflue, mais repose sur un grand nombre d’observations de tous les médecins.

Le premier rapprochement exige beaucoup de douceur et de lenteur dans l’action.

Quelques petits conseils encore. Que l’époux respecte sa femme après une première étreinte; qu’il laisse aux premières douleurs le temps de s’apaiser. Elle lui sera reconnaissante de tant de sagesse et de modération. Cela lui ferait tant de peine de penser, de croire même qu’elle est pour lui un simple instrument de volupté, et non sa compagne à jamais.

Dans les rapports conjugaux, la décence et la chasteté doivent régner en souverains. L’amour aime l’ombre et le mystère.

Il faut laisser aux hommes blasés les orgies des lupanars ornés de glaces qui multiplient les groupes lascifs.

Dans l’état actuel de nos moeurs, une fois un mariage arrêté entre les parents, on laisse à peine au futur époux le temps de faire la cour à sa fiancée.

En Allemagne, les fiançailles s’accomplissent avec une solennité presque aussi grande que chez nous le mariage. Cette période dure quelquefois plus d’un an. Durant la guerre, il m’est arrivé plusieurs fois, dans mes pérégrinations médicales, de causer avec plusieurs jeunes officiers et médecins qui ne cessaient de me répéter: «Quand donc cette maudite guerre finira-t-elle? Et ma blonde fiancée qui m’attend. Tenez, voici l’anneau de nos fiançailles.»

En France, la vivacité du caractère, la fièvre des désirs, s’accommoderaient difficilement de ces longs délais.

Les Allemands du Nord, et les Allemandes surtout, ont le tempérament si froid, si peu voluptueux, que les plaisirs de la conversation, de la danse et surtout de la table suffisent à leur bonheur. Telle est la règle. Et c’est presque toujours à l’excitation de l’ivresse au premier degré qu’ils doivent le réveil du sens génital. Autrement dit, l’Allemand n’est réellement amoureux, dans le sens positif du mot, qu’après boire.

Il en est bien peu, en effet, parmi eux qui, le soir, au sortir de leurs tavernes, aient conservé tout leur sang-froid. Aussi la plupart du temps, Cupidon doit à Bacchus la ou les faveurs dont il jouit.

Tous les observateurs sérieux sont d’accord à ce sujet, et j’ai pu moi-même, à plusieurs reprises, contrôler l’exactitude de leurs assertions.

Dans l’Allemagne du Sud, au contraire, le caractère, les allures, la suractivité des passions, se rapprochent des nôtres.

L’examen de ces conditions, différentes selon les pays, suivant lesquelles se conclut un hymen, m’a fait apprécier cette parole pleine de sens pratique d’un homme déjà avancé en âge, qui avait cruellement expié son manque de tact et de délicatesse au début de son mariage.

Dans l’état de nos mœurs, disait-il, en raison de la trop grande légèreté avec laquelle nous contractons l’acte le plus important de la vie, le jeune mari devrait faire plus ou moins longtemps, après la déclaration du oui fatal, la cour à sa femme, avant la consécration intime.

Du rôle bien entendu de la femme dépend l’avenir de la société. Pendant les vingt maudites années de l’orgie impériale, la famille existait seulement de nom. Une jeunesse superficielle, bruyante, avide de faciles plaisirs, bientôt usée et blasée, tel était le triste résultat du laisser aller général. Cette profonde démoralisation éclata dans toute son horrible nudité lorsque la patrie fut en danger. Témoins, jusqu’à ce jour, impuissants de cette décadence, de ces défections, il nous faut, si nous avons à cœur de reprendre le premier rang, commencer dès aujourd’hui l’œuvre de la régénération.

Le plus beau rôle certainement appartient à la femme, qui fait l’enfant et doit préparer le citoyen. Sachons donc, dès le premier jour du mariage, l’entourer de toute notre affection, de toute notre vénération.

La petite bible des jeunes époux

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