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IV

Table des matières

DEPUIS quelque temps, tante Dorothée trouvait son cousin de plus en plus original. Il se promenait à grands pas autour de sa chambre ou dans son cabinet de consultation, en agitant ses bras en façon de télégraphe Chappe, et écrivait des formules sur des feuilles de papier qu’il semait dans toute la maison.

Ce manège intriguait la veille fille qui secouait la tête en disant: «On ne prend pas les mouches avec du vinaigre!»

Si ce proverbe pouvait signifier quelque chose en ce cas, c’était probablement qu’elle, Dorothée, personnifiant la mouche, ne se laisserait pas prendre aux manières de M. Maurepas.

Un soir que Marc revenait des «Tilleuls», son père lui annonça qu’il avait un voyage à faire au Havre, qu’il resterait sans doute parti huit jours.

Dorothée, présente, déclara qu’on profiterait de cette absence pour faire un rangement général. Marc savait ce que ces deux mots signifiaient. La maison allait être bouleversée d’un bout à l’autre, les meubles déplacés, les tentures dépendues; on ne pourrait plus poser le pied nulle part; on mangerait à la cuisine, sur le coin d’une table, au milieu des piles d’assiettes et des rangées de verres. Deux fois par an, Mlle Dorothée se livrait à ces déménagements que M. Maurepas redoutait à juste titre.

La saison était admirable, et septembre commençait, continuant toutes les splendeurs d’août. Marc profitait de ses vacances.

Mme Rouvière lui avait acheté une bicyclette sur laquelle il faisait chaque jour de longues promenades aux environs.

M. Maurepas était revenu du Havre avec un air mystérieux et satisfait.

Vers la fin. de janvier, il fit une nouvelle absence, plus courte cette fois. A son retour, il assembla Marc et la cousine Dorothée en conseil de famille.

«J’ai une grande nouvelle à vous annoncer. Je vais quitter Vignereux pour aller au Brésil.»

Marc et sa tante sursautèrent.

«Au Brésil! dit Marc, si loin!...»

Mlle Dorothée leva les bras au ciel pour le prendre à témoin que M. Maurepas avait toujours été fou...

«J’ai conclu une affaire qui traînait depuis quelque temps, reprit celui-ci. Je pars comme médecin d’une compagnie qui va construire un chemin de fer au Brésil.

— Et nous? interrogea Marc.

— Vous? fit le médecin comme si la question se posait à lui pour la première fois; vous?... Eh! mais, vous me suivrez, naturellement», ajouta-t-il après réflexion.

Mlle Dorothée eut un geste d’horreur.

«Jamais! s’exclama-t-elle. Moi, au Brésil! moi, en Amérique! Jamais! Je retournerai en Auvergne. J’ai un toit pour couvrir ma tête, Dieu merci!

Quelques jours après, le docteur alla prendre congé de Mme Rouvière.

«Vous êtes bien décidé à partir, monsieur Maurepas?» questionna celle-ci.

Le père de Marc affirma que sa décision était irrévocable. Il était complètement désabusé de la profession de médecin rural. Les paysans ne se décidaient guère à recourir à ses soins qu’à la dernière extrémité, et après avoir épuisé tous les remèdes de bonne femme et fait appel aux lumières du rebouteux. Encore fallait-il avoir un cheval et parfois deux, courir par tous les temps et à toutes les heures, par des chemins de traverse, pour visiter les cinq ou six bourgades où était éparpillée sa clientèle. Par contre, l’imagination de M. Maurepas, restée aussi jeune et aussi ardente que celle de son fils, lui montrait le Brésil comme un pays délicieux et une terre enchantée dont il fit à la jeune femme une description pompeuse. Son interlocutrice vit bien qu’elle perdrait son temps à essayer de le désabuser.

«Mais Marc? objecta-t-elle seulement. Le climat n’est-il pas dangereux pour un enfant de cet âge?»

M. Maurepas ne répondit pas tout de suite. Pour la première fois, il envisageait qu’il pouvait y avoir des inconvénients à emmener le petit garçon.

«Mais qu’y faire? dit-il tout haut, comme répondant à sa pensée.

— Pourquoi ne me laisseriez-vous pas Marc pendant votre absence?» proposa Mme Rouvière.

Le docteur repoussa d’abord cette idée, mais Mme Rouvière insistait et il ne tarda pas à se rendre, heureux au fond de penser que son fils n’aurait pas à courir les risques d’une installation toujours difficile et souvent dangereuse.

Marc pleura d’abord en songeant à la séparation. Il y avait une réelle affection entre lui et son père, en dépit des bizarreries de ce dernier. D’un autre côté, la pensée de quitter sa protectrice lui causait aussi une peine profonde; il finit donc par acquiescer à un arrangement qui satisfaisait tout le monde.


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