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ОглавлениеCHAPITRE 3
Miséricorde - Rose
Je ne sais pas quoi dire ou quoi faire pour qu'il me croie. Je ne mentais pas en disant que j'étais quelqu'un qui tient parole.
Je remarque alors, à nouveau, que ses cheveux lui tombent sans cesse devant le visage et je m'interroge sur le nombre d'années qui le sépare de la civilisation. Il ne parle pas très bien et hésite chaque fois qu'il veut émettre une pensée à voix haute, mais j'arrive à le comprendre. C'est déjà pas mal.
- Je ne sais pas quoi faire pour que tu me croies, soupiré-je finalement.
- Moi, te crois, dit-il et un immense sourire se forme sur mon visage.
Je ne sais pas ce qui lui a fait changer d'avis, mais je suis soudainement fière de moi parce qu'il semble être vraiment têtu.
- Tu peux me suivre alors, rétorqué-je alors que je me tourne pour quitter cette forêt.
Alors que je pense qu'il est en train de suivre mes pas, je remarque, peu après, que ce n'est pas du tout le cas. Au contraire, il marche, mais dans l'autre sens.
- Hé ! Qu'est-ce que tu fais ?
Il ne s'arrête pas, il poursuit seulement sa route.
- Putain de merde, tu commences vraiment à me saouler ! Je te propose une énorme somme d'argent pour quitter ce stupide bois rempli d'insectes et de vermines, et toi, tu restes là, à te balader à poil !
Je hurle presque, j'en ai conscience, mais cet homme est en train de me taper sur le système et je ne suis franchement pas d'humeur.
J'ai vraiment besoin de ma dose, ça devient urgent.
- Ici, ma maison. Toi, pas chez toi. Laisse-moi.
Il ne se retourne même pas en s'exprimant et mon esprit s'échauffe. Je crois que je vais le tuer. Sans rire.
- Je n'en ai pas fini avec toi, Oliver ! je crie une dernière fois, mais je ne sais pas s'il m'a entendu parce que je ne le vois plus.
Il se déplace à une vitesse telle que, en quelques secondes, il a complètement disparu de mon champ de vision.
~
Le lendemain, lorsque j'arrive au campus, je passe une main sur ma robe afin d'en lisser les plis, tentant de cacher le bleue qui apparaît sur le haut de ma cuisse. Elle vient d'un grand couturier qui travaille en collaboration avec ma mère. Ma génitrice, après avoir eu une longue carrière dans le mannequinat, cherche à étendre son règne avec le projet d'ouvrir une ligne de vêtements. Elle me fait alors porter quelques-unes de ses créations pour en faire la promotion, en avant-première. Je me dois donc de la porter avec « dignité et l'attitude d'une vraie femme », comme elle dit.
- Salut, chérie, chantonne Aaron en posant son bras autour de mes épaules.
Aaron est mon petit-ami depuis quelques semaines, peut-être deux mois.
- Hey, je réponds en lui tirant la nuque pour l'embrasser.
Sa langue s'infiltre dans ma bouche au moment où la cloche sonne et c'est avec peine que l'on se sépare l'un de l'autre.
Je l'aime bien ; il est cool et on a pas mal de choses en commun. Ce n'est pas le genre de garçon que l'on présente à ses parents, certes - à cause de ses piercings et de ses tatouages - mais je m'en fiche. Mes parents n'ont pas besoin de savoir avec qui j'occupe mes nuits.
- Tu as trouvé un endroit tranquille où l'on peut faire nos échanges ? me questionne-t-il alors que je m'éloigne pour rejoindre ma classe.
Aaron est un peu plus âgé que moi, de deux ans. Il ne fait pas d'études comme moi, mais il travaille dans un garage à deux rues d'ici. Et j'avoue préférer cela parce que le voir dans sa combinaison de garagiste me donne toujours une énorme bouffée de chaleur.
- Peut-être, j'y travaille, lui garantis-je en m'éloignant.
Je m'installe, un peu plus tard, à ma place habituelle, aux côtés de mon meilleur ami, Matthew.
Il me fait un grand sourire en me voyant et je ne peux m'empêcher de le lui rendre. C'est un ami en or. Il a toujours été là pour moi et il sait qu'il peut compter sur moi, quoi qu'il arrive.
On se salue rapidement avant que le professeur n'arrive.
Je suis en troisième année de Droit et Science Politique à l'IEJ de Bordeaux et je me demande chaque jour qui passe ce que je fais là. N'est-ce pas paradoxale d'étudier le droit le jour et de consommer de la drogue la nuit ? Oui, ça l'est totalement. C'est l'histoire de ma vie.
Sans le vouloir, mon esprit dérive sur la veille.
Cet Oliver est un sacré lourd dingue. Ses cheveux longs, ses cicatrices et son corps boueux indiquent clairement qu'il n'a rien à voir avec moi. Je ne sais pas ce qu'il fout dans cette forêt, ni depuis combien de temps il y est, mais je ne peux pas le laisser là-bas - même s'il ne mérite pas vraiment ma sympathie vu comment il s'est comporté.
Ce n'est pas de la charité puisque je cherche simplement l'endroit parfait pour vendre de la drogue, mais je mentirais en disant que je ne me sens pas un minimum coupable de le laisser seul dans cette forêt.
Je n'ai pas très bien dormi la veille ; je n'ai pas arrêté de chercher une solution à tous mes problèmes, quels qu'ils soient. C'est encore l'histoire de ma vie : ressasser et essayer de sortir de la merde dans laquelle je suis enterrée.
Au nom de la justice que j'étudie, ne serait-ce pas juste d'aider cet étranger ?
Je ne sais pas ; il est vraiment bizarre. Mais qui ne le serait pas en vivant dans la même situation que lui ? Je peux au moins le faire partir et lui donner de quoi se refaire une vie. Je me sentirais mieux et il est probable que lui aussi.
~
C'est en traînant des pieds que je rentre dans la forêt qui borde la propriété de mes parents, et m'y enfonce à nouveau. Je ne sais pas exactement ce que je fais là, mais j'y suis.
J'observe les feuilles danser entres elles, et le vent qui vient compléter ce doux tableau avec son agréable chant. Plus je viens ici, plus je me demande pourquoi je n'ai pas fait ça plus tôt. Le même sentiment que la veille me chatouille : la liberté. J'expire un long souffle de ma bouche, tentant de vider mes poumons de mes souffrances. Mes yeux finissent par se fermer.
J'attends quelques secondes comme ça avant de sortir une feuille à rouler. Je prépare mon joint avec habitude, comme si j'avais fait ça toute ma vie alors que je me drogue seulement depuis quatre ans.
Je tire plusieurs taffes avant de réellement me sentir bien. Je plane légèrement. C'est comme si mon corps n'était plus en ma possession et que j'étais une simple spectatrice de ma vie. Et c'est mieux comme ça. Je préfère voir ma pitoyable vie à travers les yeux d'une autre plutôt que de la vivre, la sentir me ronger de l'intérieur, me frapper de plein fouet. Je peux être moi-même sous l'effet de la drogue ; je n'ai plus besoin d'être quelqu'un d'autre pour plaire à mes parents, pour être regardée, admirée, comprise.
Ici, dans ces bois, droguée, je me sens vivante.
Un bruit me sort immédiatement de ma torpeur.
Je m'attends à voir débarquer l'autre fou, le mec à poil d'hier. En réalité, j'admets qu'il était pas mal pour un mec qui vit dans les bois.
Ça y est, je déraille. Je suis en train de déconner complet. C'est à cause de la drogue, elle m'enlève le peu de filtre qu'il me reste.
Soudain, je faillis mourir sur place lorsque quelqu'un me saute littéralement dessus. Des bras m'encerclent par derrière, mais je n'arrive pas à réagir, malgré ma panique.
- Bonsoir, bébé, murmure Aaron à mon oreille.
Un sourire vient se plaquer sur mon visage.
- Que fais-tu ici, Aaron ?
Je me retourne et enserre son cou.
- J'admets t'avoir suivi. Mais j'ai une bonne excuse !
- Ah oui ?
- Cette robe te donne des formes irrésistibles… Alors je n'ai pas résisté. Tu partages ?
Je lui tends mon joint qu'il amène directement à sa bouche. Il en tire quelques taffes avant de soupirer. Lui aussi en avait bien besoin, visiblement.
- C'est la nouvelle collection de ma mère, dis-je en quittant ses bras pour me frotter le visage.
- De quoi ? demande-t-il, ailleurs.
- La robe.
- Oh, elle est jolie. Tu pourras le dire à ta mère de ma part.
Je hoche distraitement la tête. Ma mère ne le connaît même pas ; elle sait simplement qu'il existe en l'ayant croisé, mais elle ne l'a jamais vraiment rencontré. Et je n'en ai pas envie. Donc il n'y a aucune chance que le compliment parvienne à ses oreilles. De toute façon, elle n'a vraiment pas besoin d'Aaron pour entendre ce genre de conneries.
- Et si on passait aux choses sérieuses, Rose ?
Je hausse un sourcil, lui faisant croire que je ne vois pas où il veut en venir.
Jouer les prudes, c'est ce qui marche avec les Bad Boys dans son genre. Ils ont alors la nette impression qu'ils sont au-dessus de nous, qu'ils peuvent nous apprendre un tas de choses. Des choses qui ne me font pas nécessairement trembler de désir, mais il n'a pas besoin de le savoir. Son égo aurait du mal à s'en remettre, je pense.
- Quelles choses sérieuses ?
Il ne lui faut que quelques secondes pour me projeter contre un arbre.
Sa bouche fond sur la mienne à une vitesse déconcertante et je ne sais pas vraiment comment réagir. Mon cerveau est embrumé par ma consommation quotidienne, mais je réponds tout de même à son fiévreux baiser. Tout à coup, il se détache légèrement pour éteindre le joint contre l'arbre et le jeter un peu plus loin.
J'aurais bien envie de lui signaler qu'il pollue la planète, mais je ne suis pas certaine que ce soit le bon moment pour parler de ça.
Ses mains viennent agripper mes hanches avec force et un gémissement quitte ma bouche. Et je ne sais pas trop si c'est parce qu'il me fait mal ou si c'est parce que je me sens bien. Tout se mélange dans ma tête ; je ne suis plus maîtresse de mon corps. Je réagis par mécanisme, par habitude.
J'accroche ses épaules et remonte doucement jusqu'à son cou. Je le sens vibrer contre moi tandis qu'une de ses mains remontent au niveau de ma poitrine. J'arrête de l'embrasser pour le laisser caresser de ses lèvres la peau de mon cou. Je ferme les yeux et me contente de suivre le mouvement, ouvrant parfois la bouche pour soupirer.
Tout à coup, des picotements surgissent sur mon visage et ce sentiment me fait ouvrir les paupières.
Oliver est là.
Il me regarde. Enfin, nous regarde. Je suis la seule à le voir, puisqu'Aaron est trop occupé à suçoter la chair de mon cou. Sa tête est penchée et ses sourcils sont froncés, comme s'il se demandait à quel genre de spectacle il était en train d'assister. Sans prévenir, sa langue glisse sur ses lèvres. Ce mouvement, aussi bénin qu'il puisse paraître, fait monter en moi une petite vague de chaleur. Douce et chaleureuse, elle vient s'immiscer à l'intérieur de mes pores et provoque un gémissement de ma part. Je me laisse alors emporter par ce ressenti et ferme à nouveau les yeux.
Lorsque je les rouvre, il n'est plus là. Oliver est parti.