Читать книгу Les metteurs en scène - Edith Wharton - Страница 11
III
ОглавлениеDix jours plus tard, M. Sellers, toujours retenu à la chambre par la goutte, pria Waythorn de passer chez lui en allant à ses affaires.
Le chef de l’association, assis au coin de la cheminée avec son pied bandé, salua son visiteur d’un air embarrassé.
—Mon cher, je suis désolé d’être obligé de vous demander un service gênant.
Waythorn se tut, et l’autre reprit, après un silence pendant lequel il cherchait visiblement à préparer ses phrases:
—Le fait est que, lorsque je suis tombé malade, j’avais entrepris une affaire assez compliquée pour... Gus Varick.
—Oui... et après? dit Waythorn, en voulant le mettre à l’aise.
—Eh bien! voici ce qui s’est passé. Varick est venu me trouver la veille du jour où j’ai été pris par cette crise de goutte. Il devait avoir eu quelque bon «tuyau», car il avait précisément gagné environ cent mille dollars. Il vint me demander mon avis, et je lui conseillai de s’adresser à Vanderlyn.
—Ah! diable! s’écria Waythorn.
Il comprit en un clin d’œil ce qui s’était passé.
L’affaire était tentante, mais exigeait des négociations. Il écouta avec calme Sellers, qui lui expliquait la situation, et lorsque ce dernier eut terminé, il demanda:
—Vous croyez que je devrais voir Varick?
—Je ne pense pas que je puisse le voir encore moi-même. Le docteur est inflexible sur ce point, et cette affaire ne peut attendre. Il m’en coûte de vous demander ce service, mais au bureau vous êtes le seul à connaître la chose à fond.
Waythorn resta un instant silencieux. Il lui importait fort peu que Varick fît de bons placements, mais il fallait aussi penser à la réputation de la maison Sellers-Waythorn, et il trouvait difficile de refuser à son associé le service qu’il lui demandait.
—Très bien, répondit-il, je le verrai.
Dans l’après-midi de ce même jour, Varick, appelé par téléphone, vint au bureau. Waythorn, l’attendant dans son cabinet, se demandait ce qu’en pensaient les jeunes clercs. Au moment de son mariage les journaux avaient appris au public tous les détails des précédentes mésaventures conjugales de Mrs Waythorn, et il se rendait compte des sourires qu’esquisseraient les visages des jeunes en introduisant Varick dans son cabinet.
Varick se comporta à merveille. Il paraissait à l’aise, sans pour cela manquer de dignité, et Waythorn avait conscience de faire lui-même moins bonne contenance. Varick n’ayant aucune habitude des affaires, l’entretien dura environ une heure, pendant laquelle Waythorn lui expliqua avec une précision scrupuleuse tous les détails de la transaction proposée.
—Je vous suis infiniment reconnaissant, lui dit Varick en se levant. Le fait est que je ne suis guère habitué à manier de grosses sommes d’argent, et je ne veux pas me laisser dindonner.
Il sourit, et Waythorn fut obligé de reconnaître la bonhomie de ce sourire.
—Il me paraît assez singulier et agréable de pouvoir payer comptant ce que je dois, continua Varick. J’aurais vendu mon âme il y a quelques années pour avoir cette chance-là.
Cette allusion fit tressaillir Waythorn.
Il avait bien entendu raconter qu’une des causes principales du divorce des Varick avait été un manque d’argent, mais cependant il ne lui semblait pas que Varick eût prononcé ces paroles avec intention. Il lui paraissait plus naturel d’admettre que le simple désir d’éviter la question délicate l’avait conduit à une phrase ambiguë. Waythorn ne voulut pas se montrer en reste de politesse.
—Nous ferons de notre mieux pour vous aider, dit-il. Je vous crois engagé dans une excellente affaire.
—Oh! j’en suis convaincu. Et je vous remercie infiniment...—Varick s’arrêta embarrassé.—Je pense que la chose est réglée maintenant, mais si...
—S’il arrive quoi que ce soit avant la rentrée de Sellers à son bureau, je vous reverrai moi-même, répondit tranquillement Waythorn.