Читать книгу Mesmer et le magnétisme animal, les tables tournantes et les esprits - Ernest 1816-1880 Bersot - Страница 14
Deslon demande une enquête à la Faculté. — Souscription pour rappeler Mesmer. — Il revient et fait un cours. — Société de l’Harmonie. — Discussion d’intérêts avec ses élèves. — Irritation de la Faculté contre les membres mesméristes: formulaire, radiations. — Mesmériennes et desloniennes. — Controverses dans les livres.
ОглавлениеCependant Deslon, encore sous le coup de la radiation, paya d’audace, se présenta devant la Faculté, proposant d’opérer sous ses yeux, et consentant à être jugé par elle. Mesmer s’en émut, craignant de voir son secret divulgué ou compromis, et des disciples qu’il avait, l’avocat Bergasse, le banquier Kornmann, ouvrirent une souscription, qui devait être de cent personnes au moins, à cent louis par personne, moyennant quoi le maître les instruirait de sa découverte. Cette souscription monta bientôt à trois cent quarante mille livres. Mesmer, rappelé par cette offre et inquiet du côté de Deslon, revint. Les auditeurs s’engagèrent au secret, et se formèrent en une Société de l’Harmonie, qui eut des affiliations dans plusieurs villes, à Strasbourg, à Lyon, à Bordeaux.
Ce fut le temps des succès et de la lutte. Lutte de Mesmer avec ses élèves, qui prétendaient avoir acheté le droit de répandre la découverte du magnétisme animal, et la répandirent en effet dans des cours publics, Mesmer prétendant l’exploiter seul et la porter dans diverses villes, moyennant des souscriptions de cinquante louis par personne. Lutte de Mesmer et de Deslon, qui se partagèrent les partisans du magnétisme. Lutte de la Faculté contre ceux de ses membres qui seraient tentés de défendre la doctrine nouvelle, avec l’invention d’un formulaire à signer, sous peine d’exclusion. (D’Onglée et Varnier refusèrent et furent exclus.) Lutte des disciples contre l’opinion dans divers manifestes, et de l’opinion contre eux dans des vaudevilles, des pièces de vers et des livres sérieux ou satiriques.
Notre temps ne sait plus qu’il s’éleva alors un vrai schisme. Il y eut des mesmériennes et des desloniennes, implacables ennemies. Dès que les maîtres furent brouillés, les disciples se brouillèrent. Mesmer avait pour lui son autorité de chef d’école, son âge et ses nombreux prodiges en diverses contrées; Deslon avait pour lui les grâces de la jeunesse et de l’esprit. La réputation de Mesmer était faite, grande séduction! celle de Deslon était à faire, grande tentation! Enfin, pour des âmes passionnées, ce n’est pas assez d’une religion, il faut une secte; il ne suffit pas d’aimer quelque chose, il faut haïr quelqu’un. Mesmériennes et desloniennes se haïrent donc de tout leur cœur; il ne plut pas de sang, mais des malices, qui firent tort un peu à tout le monde. Mesmer et Deslon, voulant arrêter cette guerre fâcheuse, se réconcilièrent, il y eut une trêve entre les partis, mais les hostilités reprirent bientôt, amenèrent des scènes très-vives, et finirent en scandale, ce qui força Mesmer et Deslon à se séparer de nouveau. Notez que les partis étaient nombreux et considérables: grâce à la vogue et à la faveur de la reine, le magnétisme ne tenait pas moins que la moitié de la Cour.
Il parut pour et contre le magnétisme nombre de brochures et de livres, dont on peut voir le détail dans Deleuze (Histoire critique du Magnétisme animal). Le P. Hervier, docteur en Sorbonne, se distinguait même parmi les enthousiastes: il chantait le retour de l’âge d’or, le triomphe du mesmérisme sur la maladie et la mort. Entre les adversaires était Berthollet, qui, après avoir suivi le cours de Mesmer pendant un mois, se retira en disant qu’il n’avait rien vu ni entendu de nouveau ou de solide, rien de plus que ce que produit chez tous les animaux le penchant à l’imitation; et Thouret, le futur directeur de l’Ecole de médecine lors de sa réorganisation, pour ôter au magnétisme son prestige, voulut lui ôter sa nouveauté. D’abord, sur cet esprit vital universel, il n’y a qu’à choisir les textes dans les savants qui précèdent. Mais, sur la ressemblance de cet esprit avec l’aimant, il y a des rapprochements curieux. Paracelse regardait l’homme comme un aimant avec deux pôles, le pôle arctique étant à la bouche. Il ajoutait même: «Si, au-dessus d’une barque dans l’eau, on suspendait exactement, par quelque art, un homme en équilibre, sa face se tournerait toujours naturellement vers le nord.» Quant à la marche de l’agent magnétique et à ses vertus, Pierre Borel a écrit avant Mesmer: «Les émanations s’étendent à des distances très-grandes en tous sens, par la réflexion des rayons de la lumière et l’action du vent.» Et Libavius pense qu’on peut le réfléchir comme la lumière par un miroir, et le diriger ainsi sur un individu. On rapporte, ajoute-t-il, que c’est ainsi que le basilic se tue lui-même, et que les femmes, imprégnées de poison, en se regardant trop souvent dans une glace, le réfléchissent sur leurs yeux et leur visage. Un des auditeurs de Deslon, Doppet, disait ingénieusement, justement, de l’aveu de Deleuze: «Ceux qui savent le secret en doutent plus que ceux qui l’ignorent» Il fallait de plus rudes coups pour accabler le magnétisme; ils ne lui furent pas épargnés.