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Le magnétisme en province. — Découverte du somnambulisme par le marquis de Puységur. — Magnétisme spiritualiste: le chevalier Barbarin, l’abbé Faria. — Les cataleptiques de Pététin. — Transformation du mesmérisme. — Progrès des Sociétés de l’Harmonie: Lyon, Bordeaux, Bayonne, Strasbourg, etc.

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Chassé de Paris, le magnétisme se réfugia en province, mais il s’y transforma par une aventure étrange. MM. de Puységur avaient été des auditeurs de Mesmer, et convaincus. Retirés dans leur terre de Busancy, près de Soissons, ils magnétisaient en imitant les effets du maître, quand un jour se produisit un phénomène entièrement inattendu. Laissons parler le marquis de Puységur: «C’était un paysan, homme de vingt-trois ans, alité depuis quatre jours, par l’effet d’une fluxion de poitrine. J’allai le voir. La fièvre venait de s’affaiblir. Après l’avoir fait lever, je le magnétisai. Quelle fut ma surprise de voir, au bout d’un demi-quart d’heure, cet homme s’endormir paisiblement dans mes bras, sans convulsions ni douleurs! Il parlait, s’occupait tout haut de ses affaires. Lorsque je jugeais ses idées devoir l’affecter d’une manière désagréable, je les arrêtais et cherchais à lui en inspirer de plus gaies. Il ne me fallait pas pour cela de grands efforts; alors, je le voyais content, imaginant tirer à un prix, danser à une fête, etc. Je nourrissais en lui ces idées, et par là je le forçais à se donner beaucoup de mouvements sur sa chaise, comme pour danser sur un air qu’en chantant (mentalement) je lui faisais répéter tout haut. J’ai pris le parti de magnétiser un arbre; j’y ai fait venir mon premier malade; sitôt qu’il a eu mis la corde autour de lui, il a regardé l’arbre, et a dit, pour toute parole, avec un air d’étonnement, qu’on ne peut rendre: Qu’est-ce que je vois là ? Ensuite sa tête s’est baissée, et il est entré en somnambulisme parfait. Au bout d’une demi-heure, je l’ai ramené à sa maison, où je lui ai rendu l’usage de ses sens.» Dans une autre lettre, il continue: «Quand il est dans l’état magnétique, ce n’est plus un paysan niais, sachant à peine répondre une phrase; c’est un être que je ne sais pas nommer. Je n’ai pas besoin de lui parler; je pense devant lui et il m’entend, me répond. Vient-il quelqu’un dans ma chambre, il le voit si je veux; il lui parle, lui dit les choses que je veux qu’il lui dise, non pas toujours telles que je les lui dicte, mais telles que la vérité l’exige. Quand il veut dire plus que je ne crois prudent qu’on en entende, alors j’arrête ses idées, ses phrases au milieu d’un mot, et je change son idée totalement..... Les malades affluent autour de mon arbre; il y en avait ce matin plus de cent trente. C’est une procession perpétuelle dans le pays; j’y passe deux heures tous les matins. Mon arbre est le meilleur baquet possible; il n’y a pas une feuille qui ne communique la santé..... Mon homme, ou pour mieux dire mon intelligence, m’apprend la conduite que je dois tenir. Suivant lui, il n’est pas nécessaire que je touche tout le monde: un regard, un geste, une volonté, c’en est assez; et c’est un paysan, le plus borné du pays, qui m’apprend cela. Quand il est en crise, je ne connais rien de plus profond, de plus prudent et de plus clairvoyant que lui.» Cela se passait en mars et mai 1784. Le marquis de Puységur a laissé la réputation incontestée d’un homme éclairé et d’un homme de bien.

Un curieux, Clocquet, receveur des gabelles à Soissons, attiré par ce spectacle, nous l’a retracé. Après avoir décrit, comme il le mérite, l’orme célèbre de Busancy, arbre antique, immense, mais très-vigoureux encore et verdoyant, au pied duquel coule une fontaine de l’eau la plus limpide, il décrit la foule des malades assis sur des bancs circulaires en pierre, enlaçant avec la corde qui part de l’arbre les parties souffrantes de leur corps, et formant la chaîne en se tenant par le pouce. Parmi eux le maître en choisit quelques-uns, et, les touchant de ses mains, ou leur présentant sa baguette de fer, il les fait tomber en crise parfaite, qui dégénère en sommeil. Les malades dans cet état, qu’on nomme médecins, «ont un pouvoir surnaturel, par lequel, en touchant un malade qui leur est présenté, en portant la main même par-dessus ses vêtements, ils sentent quel est le viscère affecté, la partie souffrante, ils le déclarent et indiquent à peu près les remèdes. Comment le maître désenchante-t-il ces médecins? Il lui suffit de les toucher sur les yeux, ou bien il leur dit: Allez embrasser l’arbre.» Alors ils se lèvent, toujours endormis, vont droit à l’arbre; et bientôt après leurs yeux s’ouvrent. J’ai interrogé plusieurs de ces médecins, qui m’ont assuré n’avoir aucun souvenir de ce qui s’était passé pendant les trois ou quatre heures de leur crise. Tous les malades n’ont pas la faculté de tomber dans cet état.»

A Lyon, mêmes merveilles par d’autres procédés. Le chevalier Barbarin se mettait en prières près du lit du malade, et assez souvent le somnambulisme se déclarait avec les mêmes propriétés que nous avons rapportées. «On a, dit un témoin, présenté aux somnambules des sujets malades qui leur étaient inconnus; elles ont indiqué avec la plus grande exactitude les maux dont ils étaient affectés. Je les ai vues ressentir vivement les maux de ceux qu’elles magnétisaient, et le manifester en portant la main sur elles-mêmes aux mêmes parties.»

Trente ans plus tard, l’abbé Faria avait encore une autre méthode. Il faisait asseoir dans un fauteuil la personne à magnétiser, et l’engageait à fermer les yeux en se recueillant. Puis, tout à coup il lui disait d’une voix impérative et forte: Dormez! répétant, s’il le fallait, cet ordre jusqu’à quatre fois. Il se vantait d’avoir ainsi fait tomber en somnambulisme plus de cinq mille personnes.

Par une singulière coïncidence, il arrivait de la médecine antimagnétique d’étranges récits. Un médecin distingué de Lyon, le docteur Pététin, très-ennemi de la nouvelle doctrine, assurait avoir observé un cataleptique qui voyait, entendait et sentait par le creux de l’estomac et même par le bout des doigts et des orteils. Il le déclara en 1787, et consignait encore sept observations du même genre dans un mémoire publié après sa mort, où il attribuait ces faits à l’électricité animale accumulée en certaines parties du corps. Dans sa première relation, il expliqua les faits comme il voulut; les magnétiseurs les expliquèrent par le magnétisme.

Ainsi le magnétisme se transformait. A la place du baquet de Mesmer, c’étaient de simples attouchements ou des commandements; à la place des crises violentes, un sommeil réparateur; à la place des traitements publics et des excitations de la foule, ordinairement, des traitements particuliers, sous l’impression des merveilles racontées. Puis, dans les sujets magnétisés, des vertus nouvelles: l’obéissance absolue, pendant tout le sommeil, au magnétiseur, qui dirige à son gré leurs pensées et leurs sentiments; la faculté de deviner, sans aucune communication extérieure, les pensées du magnétiseur; la connaissance des maux des personnes qui leur sont présentées, et même le sentiment de ces maux dans leur propre corps; quelquefois l’indication des remèdes utiles. Enfin, outre les prévisions des crises à venir, une vertu qu’on désirerait bien avoir, mais qui n’est pas encore suffisamment constatée, le don de voir et d’entendre sans yeux et sans oreilles. Le somnambulisme ne se développait pas chez tous les magnétisés; mais à cette époque, on en vint à ce qu’un cinquième des malades magnétisés tombaient en somnambulisme plus ou moins parfait.

Tardy de Montravel célébrait (1785) les merveilles du magnétisme en ces termes: «L’âme plane, comme l’aigle, au haut des nues, pendant le sommeil des sens extérieurs. Dominant alors sur les opérations de la matière, elle embrasse d’un vaste coup d’œil toutes les possibilités physiques, qu’elle n’eût parcourues dans l’état de veille que successivement; mais sa vue est toujours bornée dans la sphère des sens, dont elle n’a pu se dégager entièrement. Si quelques motifs viennent déterminer plus particulièrement son attention vers une des portions de l’ensemble, elle voit alors cette portion dans le plus grand détail, tandis que le reste devient vague et confus.»

Porté par la première impulsion et par le bruit des prodiges nouveaux, le magnétisme se répandit dans les provinces. Les traitements magnétiques de Lyon, de Bordeaux, de Strasbourg, de Bayonne, où le comte Maxime de Puységur opéra jusqu’à soixante cures certifiées, devinrent surtout célèbres. Dans Strasbourg, la société de l’Harmonie était composée de plus de cent cinquante membres, et profitait tous les jours. Elle a publié des annales. Il y avait plus de quarante de ces sociétés en différentes villes; elles comptaient en France et à l’étranger plus de quatre mille associés. Thouret fait remarquer, comme un argument contre le magnétisme, que dans les pays d’universités, où le contrôle était plus facile, il ne réussit pas, à Montpellier, par exemple, et à Rennes, tandis qu’il prenait à Marseille et dans les petites villes de Bretagne. A Loudun, l’ancienne ville des possédées, il tomba complétement. Malgré des échecs, le magnétisme se développa hardiment en province. On entendit bien parler à Paris de ces merveilles; mais à Paris on ne s’occupe pas de la même chose deux fois de suite. Puis la Révolution approchait, avec ses préoccupations d’un autre genre: Beaumarchais et Mirabeau firent oublier Mesmer. Le magnétisme émigra, fut pour cela un peu suspect au retour, et dut reconquérir la place, ce qui est toujours plus difficile que d’y entrer une première fois.

Mesmer et le magnétisme animal, les tables tournantes et les esprits

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