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CHAPITRE PREMIER.

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Table des matières

SOMMAIRE.

Vents de sud-est et arrivée à Sainte-Hélène. — Curiosité des passagers. — Aspect sombre et désolé de l’île à l’extérieur. — Côtes acores et sûres pour la navigation. — Les vallons se réduisent à des crevasses. — Ravin de la prison. — Mouillage. — James-Town vu de la rade.

Le vent de sud-est, qui règne constamment dans les parages de Sainte-Hélène, oblige les navires qui arrivent d’Europe à faire un circuit par l’ouest, à s’avancer considérablement dans le sud, et à appuyer ensuite davantage vers lest jusqu à ce qu’ils se trouvent au vent de l’île. Ils n’ont plus alors qu’à se laisser aller vent arrière, ou à peu près, et pour l’observateur placé à terre ils semblent suivre la même route que s’ils venaient du Cap. Les navires à vapeur eux-mêmes sont habituellement forcés de manœuvrer de la même manière. Il est vrai que les bâtiments arrivant directement d’Europe à Sainte-Hélène sont fort peu nombreux; presque tous viennent au contraire de la Chine, des Indes, de la Réunion, ou tout au moins du cap de Bonne-Espérance. Aussi est-ce toujours du même point de l’horizon que l’on voit surgir chaque jour de nouvelles voiles, et c’est toujours aussi du côté opposé que l’on voit se diriger les navires qui s’éloignent de l’île. Les capitaines qui ont eu déjà occasion de suivre cette route, et qui savent à quoi s’en tenir sur les ressources de Sainte-Hélène, passent quelquefois sans s’arrêter; mais le plus souvent nécessité fait loi, et si une longue traversée a par trop réduit les approvisionnements, il faut bien faire contre mauvaise fortune bon cœur, et se décider à descendre à terre.

D’un autre côté, on voit fréquemment des navires déposer sur la jetée de James-Town des passagers qui ont exigé du capitaine avant de s’embarquer la promesse formelle de mouiller devant Sainte-Hélène. On devine facilement quel était leur but, mais aucun doute n’est plus possible quand on les voit, à peine débarqués, s’enquérir avec empressement des moyens de gagner Longwood. Ceux qu’un souvenir historique sollicite de cette manière ont depuis la veille interrogé l’horizon pour chercher au loin la place de cette curieuse étape de leur voyage. C’était à qui pourrait le premier démêler le profil de l’île au milieu des brumes qui, sous les tropiques, voilent presque toujours les confins du ciel et de l’eau. A mesure que l’on approche, on voit une masse confuse et noire s’élever au-dessus de l’Océan, ombragée par les nuages qui se groupent autour d’elle. A partir de ce moment, l’œil ne quitte plus ce qu’il a cherché si longtemps; il interroge chaque tache, chaque ligne, tout ce qu’il peut distinguer sur la surface d’un gris sombre qui se présente à lui; il cherche à y reconnaître des arbres, des maisons. Un moment le capitaine indique sur une hauteur, entre deux nuées, un point qu’il dit être voisin de la résidence de l’Empereur, mais déjà la vue est masquée par les roches les plus avancées de l’île, et le bateau continue paisiblement sa route le long d’une côte abrupte et décharnée, qu’il contourne de fort près. Les marins savent qu’il n’y a pas de roches à craindre, et on en profite pour considérer d’un œil étonné les prodigieuses hauteurs de ces rives, les blocs immenses de rochers entassés les uns sur les autres, et les mouettes qui paraissent être seules à habiter ce séjour de désolation. On cherche des vallons, on ne découvre que quelques maigres ravins, plus semblables à des crevasses, et dans ces ravins même on a peine à apercevoir quelque verdure, quelque trace de végétation; on ne voit que des bancs de roches noirâtres, sillonnés par d’innombrables filons serpentant sur toutes les faces de la montagne; nulle part on ne voit un coin pour mettre pied à terre, ni un chemin pour gagner les hauteurs. Il est impossible de rencontrer des rivages offrant un aspect plus inhospitalier que ceux-là. On contourne enfin un piton en forme de pain de sucre, et bientôt on se trouve en face d’un ravin au fond duquel est une prison, et qui est fermé par un retranchement; des triangles noirs se montrent par-dessus cette clôture, ce sont des baraques dans lesquelles on entrepose les noirs trouvés à bord des navires négriers capturés par l’escadre de la côte d’Afrique.

Au bout de quelques instants on entend filer la chaîne, et le navire s’endort tranquillement à l’ancre, en face de James-Town, entre d’autres vaisseaux cosmopolites comme lui, et deux ou trois pontons attendant leur tour de démolition. Saisis en flagrant délit de traite, un tribunal maritime spécial les a condamnés à la destruction.

En ce moment on a devant soi le vallon principal de l’île, formant une gorge étroite, resserrée entre deux versants escarpés et arides. Sur les premiers plans on découvre un retranchement fermant la vallée, quelques arbres au milieu des maisons, un clocher rectangulaire, surmonté d’une pyramide peu élevée; plus loin, sur un versant de la montagne, se dessine une route qui grimpe péniblement vers une maison blanche, entourée de quelques arbres. On se sent alors porté à penser que l’intérieur de l’île doit être plus fertile que les côtes, et que ce coin plus riant est l’indice d’une végétation plus riche. La suite montrera jusqu’à quel point cette espérance est fondée.

Enfin on peut remarquer à sa droite, au sommet des hauteurs qui surplombent la ville, deux groupes de constructions; ce sont deux établissements militaires: le plus élevé, et le plus éloigné en même temps, est High-Knoll; Ladder-Hill est le nom du plus proche. Ce dernier est même si près de la mer que l’on pourrait craindre de le voir s’affaisser dans l’abîme en écrasant les roches qui le supportent. Le nom de Ladder-Hill est justifié par cette longue balafre qui coupe obliquement le flanc de la montagne, et qui n’est autre chose qu’un long escalier fort roide, établi là de 1828 à 1829, à l’usage des gens ingambes.

VUE DE JAMES-TOWN. PRISE DE LA RADE


Il faut bien peu de temps à l’œil pour embrasser tout ce qui trouve place dans ce tableau, et le premier sentiment que l’on éprouve est une sorte de malaise. On appréhende le moment où l’on mettra pied à terre, comme si l’on devait être étouffé entre ces deux noires parois qui menacent d’engloutir la ville.

Sainte-Hélène

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