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LA GRANDE ARMOIRE

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— Que faire, mon Dieu! que faire? se disait Jacques se tourmentant sous le lit... Oh! les monstres! ajoutait-il un moment après en essuyant la sueur qui coulait de son front... Voler, assassiner ceux qui leur ont donné l’hospitalité, ceux qui, depuis six mois, les nourrissent, les accablent de leurs bienfaits!... Mais que faire?... que faire?... répétait-il en frissonnant et brûlant tour à tour. Oh! mon Dieu!... crier... appeler... aller les dénoncer?... Qui me croira?... quelle preuve donner de ce que j’avancerai?... jusqu’à ce cordon de sonnette qui est là, près de moi, et qui m’accusera plutôt qu’eux!... Si je dis qu’il a été coupé par eux, on ne me croira pas... on se moquera de moi, on me bafouera, on me chassera peut-être, et cette nuit ou une autre ils commettront leur affreux attentat. — 0 mon Dieu, qui êtes aux cieux, ajouta cet enfant en priant du fond du cœur, — mon Dieu qui donnez la force aux faibles, l’esprit au plus simple, aidez-moi, venez à mon secours. Conseillez-moi, oh! inspirez-moi, pour sauver madame la présidente, si bonne, si humaine, si saintement chrétienne; inspirez-moi, inspirez-moi!

En achevant cette touchante prière à Celui qui peut tout, Jacques allait probablement sortir de la cachette, lorsque des pas qu’il entendit près de lui le forcèrent à rentrer précipitamment sa tête, qu’il avait déjà avancée.

C’était la présidente, en compagnie de ses deux enfants et de la gouvernante, mademoiselle Cadette.

— A-t-on trouvé Jacques? demanda la présidente en entrant.

— Non, madame, et si j’osais... dit Cadette.

— Parlez, lui dit sa maîtresse.

— J’interdirais la porte du château à ce vaurien; car...

— Je ne veux pas qu’on dise du mal de Jacques, dit Guy interrompant la gouvernante... il me fait des cerfs-volants qui volent tout seuls.

— Et il fait comme les cerfs-volants, dit Cadette; il vole, lui aussi, mais d’une autre manière.

— Cadette, c’est mal de soupçonner cet enfant, dit la présidente d’un ton sévère; son père est un honnête homme, et le fils d’un honnête homme ne peut être un fripon.

Que devint Jacques en entendant et l’accusation que d’abord il n’avait pas comprise, et la défense qui lui avait fait comprendre l’accusation? D’un bond il allait sortir de sa cachette, lorsqu’il sentit aussitôt que c’était se perdre, et que sa position sous le lit motivait tous les soupçons de dame Cadette. Dans sa naïve dévotion, il pria Dieu de le rendre invisible, et Dieu l’exauça sans doute, car la journée se passa sans que ni Hubert ni Guy, qui ne quittèrent pas cette chambre, aperçussent le suspect.

La nuit vint que Jacques n’avait encore rien imaginé, et il se désolait. Le moment approchait; déjà de l’endroit où il était caché il avait assisté au coucher de Guy, il avait entendu le tendre baiser que sa mère avait déposé sur le front de son enfant, et ces douces paroles: «Dors bien, cher ange, et que demain se lève beau et riant pour toi. — Demain, pensa l’enfant du foulon, se lèvera peut-être sur le cercueil de cette bonne mère et sur celui de cet enfant!» Puis Jacques avait entendu le vieux seigneur de Pibrac se retirer dans son appartement et en pousser simplement la porte, sans prendre aucune précaution de sûreté, puis les domestiques se retirer un à un, la présidente entrer dans la chambre avec Cadette, et tout bruit cesser peu à peu dans l’intérieur du château.

Alors, à la lueur d’une veilleuse qu’on tenait toute la nuit allumée dans la chambre du jeune de Pibrac, Jacques vit, sans entendre même leur souffle et leur respiration, les deux pèlerins entrer dans la chambre où il était, s’approcher de l’armoire, l’ouvrir en faisant tourner la clef si légèrement, que rien ne put troubler la sécurité des deux femmes, dont l’une déshabillait l’autre en causant à haute voix, s’introduire dans l’intérieur de l’armoire, et rapprocher tout contre la porte, qu’ils laissèrent entre-bâillée pour leur livrer passage.

Les deux hommes étaient à peine blottis derrière les robes, qu’une circonstance à laquelle ni eux ni Jacques n’avaient songé, et qui faillit accélérer le moment de la perte de la présidente, se présenta: demoiselle Cadette parut, un flambeau d’une main et une robe de l’autre; elle posa le flambeau sur la table et s’approchait de l’armoire pour aller y suspendre le vêtement de sa maîtresse, lorsque Jacques la prévint par une résolution subite: Jacques était à l’armoire avant Cadette, l’avait fermée et en retirait la clef, comme Cadette l’aperçut.

Au cri que cette femme poussa, la présidente accourut; mais Jacques avait disparu.

Les petits savants: Contes historiques dédiés à la jeunesse

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