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PREMIÈRE PÉRIODE.

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La première période remonte aux âges les plus reculés et finit à la conquête de cette île par les Romains, vers l’an 460 de Rome (260 av. J.-C.). Cette période est naturellement la plus obscure. La plupart des peuples navigateurs de l’antiquité (Phéniciens, Grecs d’Ionie, Tyrrhéniens, Carthaginois, Ibères, Liguriens) passent pour y avoir fondé les premières colonies. «La tradition la plus accréditée, c’est que la Corse a été colonisée par les Phéniciens, qui se seraient en même temps établis en Sardaigne. Ils auraient été conduits dans ces deux îles par un fils de l’Hercule conquérant de l’Espagne et de l’Italie .»

Hérodote (liv. I, § 165) nous apprend que les habitants de Phocée, en Ionie, fuyant les armes de Cyrus, abandonnèrent leur pays, vers l’an 562 av. J.-C. et qu’après avoir essayé inutilement de s’établir dans les îles Œnuses, ils cherchèrent un refuge dans l’île de Cyrnos, où vingt ans auparavant, pour obéir à un oracle, ils avaient fait passer une colonie et fondé la ville d’Alalia (Aleria).

Suivant Diodore de Sicile, qui florissait vers l’an 44 av. J.-C., les Tyrrhéniens étaient maîtres de la Corse vers le milieu du Ve siècle, à l’époque où les Syracusains ruinèrent leur marine. Diodore représente l’île comme montagneuse et couverte de forêts , peu abondante en cours d’eau d’une certaine importance, mais pourtant riche en produits naturels, et habitée par des indigènes dont il vante la droiture, l’humanité et surtout l’esprit de justice. «Les esclaves que l’on tire de là sont les meilleurs esclaves du monde.....

«Les habitants se nourrissent de miel, de lait, de viande que le pays leur fournit largement. Ils observent entre eux les règles de la justice et de l’humanité avec plus d’exactitude que les autres barbares. Le même esprit d’équité paraît les conduire dans toutes les rencontres de la vie.»

Strabon, qui écrivait un demi-siècle après Diodore, nous a laissé, au contraire, un affreux tableau de la Corse et de ses habitants. Le croirait-on? un des principaux griefs de l’illustre géographe contre les montagnards corses, c’est leur répugnance invincible pour l’esclavage.

«L’île est peu peuplée. Le terrain y est âpre et généralement d’un difficile accès. Les montagnards corses vivent de brigandages... Ils sont plus sauvages que les bêtes mêmes... Toutes les fois qu’un général romain, après s’être avancé dans l’intérieur des terres et y avoir surpris quelque fort, ramène à Rome une certaine quantité d’esclaves, c’est un spectacle singulier que de voir leur férocité et leur stupidité. Ou ils dédaignent de vivre, ou ils restent dans une insensibilité absolue; ils fatiguent leurs maîtres et font bientôt regretter la somme, quelque petite qu’elle soit, qu’ils ont coûté...»

«On voit, dit Robiquet, qu’il y a opposition complète entre les deux tableaux...

«Strabon parle des prisonniers faits dans l’intérieur du pays, des montagnards idolâtres de la liberté. Les premiers esclaves faits en Corse habitaient sans doute les parties les plus voisines des côtes; leur commerce et leur mélange avec les étrangers avaient dû leur donner des mœurs bien différentes de celles des habitants des hautes montagnes, des vrais Corses... On trouverait encore parmi les derniers beaucoup d’hommes qui préféreraient la mort à l’esclavage ...

Ils pouvaient être justes entre eux et piller les Romains, leurs ennemis, les ennemis de leur liberté .»

Sénèque le philosophe n’est guère plus flatteur que Strabon, dont il semble emprunter le pinceau, dans ses appréciations sur la Corse et ses habitants. Relégué, sous le règne de Claude, à la suite d’une intrigue de cour, sur un rocher du cap Corse, et enfermé dans une tour qui porte encore son nom; aigri par les souffrances et par les privations d’un long et douloureux exil, et peut-être aussi par le châtiment que les femmes du cap infligèrent, dit-on, à son libertinage, le futur précepteur de Néron ne craignit pas de calomnier le pays et ses habitants, sans doute «afin d’intéresser les Romains en sa faveur et de rentrer en grâce à la cour impériale». Toutefois son opinion touchant l’origine du peuple corse est intéressante à connaître.

«L’île où je demeure a souvent changé d’habitants. Sans parler de l’antiquité, enveloppée dans la nuit des temps, je me bornerai à dire que les Grecs établis aujourd’hui à Marseille s’arrêtèrent d’abord dans cette île, après qu’ils eurent quitté Phocée. Les motifs de leur départ sont incertains: peut-être sont-ils dus à l’insalubrité du climat, aux progrès de la puissance italienne, à la pénurie de bons mouillages; mais on ne saurait les attribuer à la férocité des indigènes, puisque, en quittant la Corse, les Phocéens passèrent au milieu des peuplades les plus grossières et les plus sauvages de la Gaule...

«Aux Phocéens succédèrent les Liguriens , puis les Ibères, comme on peut s’en convaincre en étudiant les coutumes, l’habillement et la langue des habitants .»

Ainsi un premier fait historique bien avéré, c’est l’arrivée en Corse des Grecs d’Ionie, fondateurs d’Alalia (Aleria), qui tomba plus tard au pouvoir des Étrusques. En effet, nous savons par Diodore de Sicile que les Étrusques étaient maîtres de la Corse vers le milieu du Ve siècle avant l’ère vulgaire. «Il y a, dit-il, en Corse deux villes remarquables: Calaris (Alalia?) et Nicœa: Calaris, fondée par les Grecs d’Ionie, qui, après un assez long séjour dans cette île, en furent chassés par les Tyrrhéniens; Nicœa, qui fut bâtie par les soins des Tyrrhéniens après qu’ils eurent conquis l’empire des mers.»

Quant aux Carthaginois, «tout porte à croire qu’ils eurent en Corse des comptoirs, s’ils n’y dominèrent point en maîtres, comme en Sardaigne.» (Marmocchi.)

En effet, Polybe nous apprend qu’ils s’étaient emparés de toutes les îles des mers de Sardaigne et de Toscane quelque temps avant les guerres puniques.

Pomponius Mela, qui écrivait peu d’années après Strabon, va plus loin; il admet que les habitants de l’intérieur de l’île étaient d’origine carthaginoise, tandis que Pausanias, dans sa géographie phocéenne, les désigne sous le nom de Libyens indigènes . Les écrivains nationaux Jean de la Grossa, P. Cyrnœus, Filippini, Limperani et cent autres après eux, ne font que répéter ou commenter les récits et quelquefois les fables plus ou moins ingénieuses des auteurs anciens, touchant l’origine du peuple corse. Nous ne nous y arrêterons pas davantage.

En résumé, de l’examen rétrospectif qui précède, il résulte à l’évidence que la plupart des peuples navigateurs de l’antiquité, qui se disputaient la prépondérance dans la Méditerranée, ont dû avoir, dès les temps les plus reculés, des représentants dans une île que sa position géographique rendait si importante au point de vue commercial et militaire; mais rien ne prouve que ces premières colonies n’aient trouvé en Corse des habitants aborigènes ou autochthones. En effet, la Corse étant, au dire des géologues, une des terres européennes émergées des premières de l’Océan primitif, a dû être peuplée de fort bonne heure, s’il est vrai que l’espèce humaine, loin de descendre d’un couple unique, couvrait la terre dès l’origine sous forme de peuplades, comme la science moderne tend à le démontrer .

La Corse et son recrutement : études historiques, statistiques et médicales

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