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TROISIÈME PÉRIODE.

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Depuis la chute de l’Empire romain jusqu’à l’établissement des Génois en Corse (476 à 1347).

«Pendant cette longue période, la Corse eut à subir le contre-coup des malheurs sans fin qui résultèrent, pour l’Occident, de la décadence et de la dernière catastrophe de l’Empire romain.» Tous les fléaux qui arrêtent le développement d’une nation et entravent sa marche vers le progrès, — guerres civiles et étrangères, invasions, peste, famine, — fondirent sur elle, au souffle des tempêtes déchaînées par les hordes du septentrion. Vandales (457), Goths (567), Lombards, Byzantins, l’envahissent et la désolent à tour de rôle. Puis viennent les incursions des Sarrasins (713 à 810), qui sèment partout la dévastation et la ruine. Cet état de choses ne fit qu’empirer après la mort de Charlemagne (814), dont les pâles successeurs précipitèrent le naufrage de la puissance française en Italie. Alors aux désastres des invasions étrangères viennent s’ajouter les horreurs des guerres intestines, suscitées par l’ambition des seigneurs, ou barons du pays, en lutte permanente les uns contre les autres et contre leurs vassaux révoltés. Ces barons étaient pour la plupart les descendants des guerriers venus, dit-on, en Corse du temps de Charlemagne, pour combattre les Sarrasins sous la conduite d’un noble seigneur romain, le fameux Hugues Colonna . Ces barons, s’étant ainsi procuré des châteaux forts, des domaines et des titres féodaux, furent la souche de tous ces petits tyrans qui, faisant de leurs manoirs des places de guerre, et de leurs domaines des champs de bataille et de rapine, dominèrent en Corse jusqu’au commencement du Xe siècle et la remplirent d’agitations et de ruines.

«Rien de plus triste à lire que les pages où Jean de la Grossa raconte les luttes intestines, les guerres sans motifs, les trahisons infâmes, les cruautés inouïes qui eurent lieu pendant deux siècles entre ces seigneurs .» Profitant de l’état d’anarchie dans lequel le pays était tombé, déjà le plus puissant d’entre eux, le comte de Cinarca, vainqueur de ses rivaux, s’apprêtait à soumettre l’île entière à sa domination, lorsqu’une diète nationale (premier parlement populaire dont l’histoire corse fasse mention) se réunit à Morosaglia et se donna pour chef le valeureux Sambucuccio d’Alando, en lui confiant la mission de remédier aux maux de la patrie et de châtier l’insolence de ses oppresseurs. Après avoir repoussé dans ses États le seigneur de Cinarca, Sambucuccio songea à établir entre les divers districts de l’île une ligue ou confédération qui devait plus tard servir de modèle aux montagnards suisses. En conséquence, tous les droits seigneuriaux furent abolis et remplacés par un gouvernement populaire, dans toute l’étendue du pays affranchi, qui prit le nom de Terre de commune. «Chaque commune désignait à la pluralité des suffrages un podestat et deux juges ou pères de commune .» Ils étaient chargés de l’administration civile et de la police locale. On les renouvelait tous les ans; mais il était loisible aux électeurs de les maintenir dans leurs fonctions. Un suprême conseil (magistrat des Douze, du nom des 12 districts qui avaient adhéré à la ligue) était élu par eux, avec mission de faire les lois et les règlements. Enfin les pères de la commune choisissaient dans chacun des Etats émancipés un fonctionnaire, une sorte de tribun populaire qui, sous le nom de caporale, devait défendre les intérêts des pauvres et des faibles. Ce fait notable eut lieu au commencement du XIe siècle, en 1007 . «Ces germes une fois implantés dans l’île ne fu- «rent jamais étouffés, mais ils grandirent au milieu des «orages, ils ennoblirent la rude énergie d’un peuple véritable «enfant de la nature, et perpétuèrent un sentiment de patrie «et de liberté sans précédents dans l’histoire; et, à une «époque où tous les peuples civilisés du continent ne con- «naissaient que des formes de gouvernement despotiques, «ils donnèrent à la Corse la possibilité de créer la constitu- «tion de P. Paoli , née bien avant que l’Amérique eût «songé à revendiquer son indépendance et avant que la «France se fut mise en révolution.

«L’île n’eut ni serfs ni esclaves, chaque Corse était

«libre et participait à la vie de la nation par le tran-

«quille fonctionnement de la commune et de l’assemblée

«nationale, ce qui, à part l’amour de la patrie et le senti-

«ment du droit, forme la base de la liberté publique.

«Toute l’Europe les admirait (les Corses) et célébrait

«leur constitution comme le modèle de la liberté natio-

«nale.....

.....

«comme le meilleur monument que la sagesse politique

«ait élévé à elle-même dans le siècle de l’école de l’hu-

«manité.

«Ainsi une petite nation sans culture, sans industrie, et

«abandonnée à ses propres forces avait, dans le recueille-

«ment et le silence, surpassé en sagesse politique tous les

«peuples civilisés de l’Europe. Son gouvernement était

«issu, non de systèmes philosophiques, mais des besoins les

«plus intimes et les plus réels de l’âme humaine .»

La mort de Sambucuccio, arrivée en 1018, releva le courage des seigneurs, et l’anarchie recommença de plus belle. C’est alors que le saint-siége essaya de faire revivre les droits qu’il prétendait tenir de Charlemagne sur la Corse; «mais,

«trouvant les Corses difficiles à maintenir dans l’obéis-

«sance, parce qu’ils ne se laissaient pas entamer par les

«foudres canoniques, les papes s’avisèrent de les vendre,

«et les acheteurs ne manquèrent pas .» Pise et Gênes se mirent sur les rangs. Ce fut là le point de départ de la lutte acharnée qui s’engagea bientôt après entre les deux républiques rivales, lutte qui finit par la défaite des Pisans à la bataille navale de la Meloria (1284) et par l’établissement consécutif des Génois dans l’île de Corse (an 1347).

«Et voilà comment par une porte de derrière, mais, dont

«la clef était d’or, il est vrai, la papauté introduisit les

«Génois dans cette île .»

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