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LETTRE LXXVII

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À M. HARNESS

8 décembre 1811.

«Voici une formidable feuille de papier, sans dorure et sans encadrement noir, et par conséquent bien vulgaire et bien inconvenante, surtout pour une personne aussi sévère que vous sur l'étiquette; mais comme c'est aujourd'hui dimanche, je ne saurais m'en procurer de meilleure qualité, et quant à la grandeur excessive, j'y remédierai en ne la remplissant pas toute entière. Je n'ai pas vu Blaud depuis ma dernière lettre, mais nous dînons ensemble mardi prochain avec Moore, l'épitomé de toutes les perfections poétiques et personnelles. Je ne sais comment Blaud en aura fini avec Milles. Je prends peu d'intérêt à l'un ou à l'autre; qu'ils s'arrangent à leur fantaisie. J'ai fait tous mes efforts, à votre prière, pour les mettre bien ensemble, et j'espère qu'ils s'accommoderont pour leur mutuel avantage.

»Coleridge a donné des lectures où il traite mal Campbell. Rogers était présent, et c'est de lui que nous tenons la nouvelle. Nous ferons une partie pour aller entendre ce manichéen de la poésie. Pote va épouser miss Long, et n'en sera pas moins un malheureux. On dit que les ministres restent; sa Majesté est toujours dans le même état. Ainsi, à vous: voilà de la folie simple et de la folie double.

»Je ne connais qu'un homme qui ait été vraiment heureux, c'est Beaumarchais, l'auteur de Figaro, qui avait enterré deux femmes et gagnée trois procès avant l'âge de trente ans.

»Que faites-vous maintenant, mon enfant? vous étudiez, j'en suis sûr. Je désire vous voir prendre vos grades. Rappelez-vous que voici l'époque la plus importante de votre vie; n'allez pas tromper les espérances du papa, de la tante, et de toute la parenté, sans parler des miennes. Ne savez-vous pas que tous les enfans dont le sexe a été reconnu masculin ont été créés dans le but formel de prendre des degrés? et que moi, moi-même, je suis artium-master 7, quoique l'orateur public de l'université puisse seul dire comment j'y suis parvenu. De plus, vous devez être prêtre et réfuter le dernier ouvrage de sir William Drummond sur la Bible (qui, bien qu'imprimé, n'est pas publié), et les livres de tous les autres mécréans. Laissez-là tous les amusemens frivoles, et devenez aussi immortel qu'on peut le devenir à Cambridge.

Note 7: (retour) Deuxième grade dans les universités anglaises, répondant à celui de licencié.

»Vous voyez, mio carissimo, quelle peste de correspondant je suis; mais, une fois à Newsteadt, vous serez aussi tranquille que vous le voudrez; je ne vous distrairai plus de vos études, comme je fais maintenant. Quand voulez-vous fixer le jour pour que je vienne vous prendre, suivant qu'il a été convenu? Hodgson parle d'entrer en tiers dans notre voyage, mais nous ne pouvons l'admettre, au moins quant à l'intérieur de la voiture. Vous viendrez décidément avec moi, comme il a été dit, et n'allez pas vouloir faire assaut de politesse avec Hodgson à ce sujet. Je trouverai moyen de pratiquer de la place pour vous deux à l'aide de quelque stratagème. Si seulement Hodgson était un peu moins gros, nous nous emballerions plus aisément. A-t-il cessé de boire des spiritueux? c'est un excellent garçon, mais je ne crois pas que l'eau lui soit bonne, au moins intérieurement. Voulez-vous savoir ce que je fais en ce moment? je mâche du tabac.

»Vous ne voyez pas mes deux confédérés, Soupe Davies et Matthews 8; ce ne sont pas vos hommes: et comment se fait-il que moi, qui suis absolument hujusdem farinæ, j'aie pu me maintenir jusqu'ici dans vos bonnes grâces? Bonne nuit, je continuerai demain matin.

Note 8: (retour) Le frère de C.S. Matthews, l'ami qu'il venait de perdre.(Note de Moore.)

9 décembre.

«Le matin, je suis toujours mal disposé, et aujourd'hui le tems est aussi sombre que moi-même. La pluie et le brouillard sont pires qu'un sirocco, surtout dans un pays où l'on ne mange que du bœuf et ne boit que de la bière. Mon libraire, Cawthorne, sort d'ici; il m'a dit, avec une figure bien grave, qu'il est en traité pour un roman de Mme d'Arblay's, dont on demande mille guinées. Il veut que je lise le manuscrit, s'il termine; je le ferai avec plaisir, mais je me garderai bien de donner mon opinion à la légère sur cette dame, car je sais que le docteur Johnson a revu sa Cécilia. Si le libraire me donne ce roman, je le mettrai dans les mains de Rogers et de Moore, qui sont certainement des gens de goût. J'ai rempli la feuille; pardon, je ne le ferai plus. Peut-être vous écrirai-je encore; mais, que je le fasse ou non, croyez, mon cher William, que je suis pour toujours votre, etc.»

Œuvres complètes de lord Byron, Tome 10

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