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LETTRE LXXIX
ОглавлениеÀ M. HODGSON
Londres, 8 décembre 1811.
«Je vous ai envoyé, l'autre jour, un conte lamentable, les Trois Moines; maintenant voici quelque chose d'un style tout différent. Je l'ai écrit hier ou avant-hier, en entendant une vieille chanson:
Laissons-là ces accens lugubres, etc., etc.
»J'ai dans les mains un livre de sir William Drummond (imprimé, mais non publié), intitulé l'Œdipe Juif, dans lequel il essaie de prouver que la plus grande partie de l'Ancien-Testament est une allégorie, particulièrement la Genèse et Josué. Il se déclare théiste dans sa préface, et traite fort cavalièrement l'interprétation littérale. Je voudrais que vous pussiez le lire. M. W. me l'a prêté, et j'avoue qu'il vaut pour moi vingt traités comme celui de Watsons.
»Il faut que vous et Harness vous fixiez une époque pour votre visite à Newsteadt: pour moi, je suis toujours à votre disposition, à moins qu'il ne survienne quelque chose dans l'intérim…
»Blaud dîne chez moi mardi pour s'y trouver avec Moore. Coleridge a attaqué les Plaisirs de l'Espérance et tous les autres plaisirs. M. Rogers était présent et a eu celui de voir l'orateur jeter aussi indirectement quelques pierres dans son jardin. Nous nous faisons une partie d'aller entendre ensemble le nouvel art poétique de ce schismatique réformé; si j'étais l'un des grands astres de notre Parnasse, ou que j'eusse assez d'importance pour que le professeur s'occupât de moi, je ne l'écouterais certainement pas sans lui répondre. Car vous savez que, si un homme se laisse battre une fois impunément, c'est à recommencer tous les jours. Campbell se désespère, je n'ai jamais vu un homme si sensible; quel heureux naturel! j'en suis fâché, qu'a-t-il à craindre de la critique? Je ne sais si Blaud a vu Miller, qui devait le venir trouver hier.
»C'est aujourd'hui dimanche, jour dans lequel je ne me suis jamais amusé, si ce n'est à Cambridge, encore le souvenir de l'orgue n'a-t-il rien de bien agréable. Les affaires sont assez stagnantes dans la ville; tant qu'elles n'iront pas en arrière, c'est pour le mieux. Harness écrit, écrit, écrit, le voilà devenu auteur. Je ne fais rien que mâcher du tabac. Je voudrais que le parlement fût ouvert pour avoir le plaisir d'entendre les autres et peut-être aussi celui de me faire écouter à mon tour; mais je ne suis pas bien empressé là-dessus. J'ai bien des plans dans la tête: quelquefois je pense à retourner dans le Levant, et à visiter encore cette Grèce bien aimée. Je me porte bien, mais je suis toujours un peu faible. Hier Kinnaird m'a dit que j'avais l'air bien malade, ce qui fait que je suis rentré fort content chez moi.
»Vous ne cesserez jamais de boire du vin? voyez ce que c'est que d'avoir trente ans! si vous étiez de six ans plus jeune, vous pourriez renoncer à toutes les habitudes du monde. Vous buvez et vous repentez, vous vous repentez et buvez. Soupe est-il toujours langoureux et intéressant? Et comment va Hinde avec son infernale chimie? J'ai écrit à Harness, et il m'a écrit, et nous nous sommes écrit, et il ne nous reste plus qu'à nous écrire encore jusqu'à ce que la mort vienne enlever les plumes et les écrivains.
»L'Alfred-club a trois cent cinquante-quatre candidats pour six places vacantes. Le cuisinier a déserté nous laissant dans l'embarras, ce qui ne fait pas rire notre comité. Maître Brook, notre chef de service, a la goutte, et notre nouveau cuisinier n'est pas des meilleurs. Je parle d'après autrui, car qu'importe l'art de la cuisine à un homme qui ne mange que des légumes? Vous en savez maintenant autant que moi sur l'état de nos affaires. Nous avons toujours au club des livres et du repos, et quant à moi je les laisse diriger la cuisine à leur fantaisie. Faites-moi savoir ce que vous avez décidé pour notre partie de Newsteadt et croyez-moi toujours votre, etc.»
Νωαιρων