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LES LACS.

Table des matières

LES lacs sont un des traits les plus marquans du paysage; cette étendue d’eau qui succède à une continuité de montagnes, de vallons ou de plaines, offre de nouveaux points de vue; les travaux des pêcheurs, le mouvement du rivage, celui de la navigation, présentent des scènes différentes de celles de l’industrie champêtre; quelle variété de tableaux pour celui qui abandonne la route de terre pour monter sur une nacelle; là une prairie descend jusqu’aux flots en pente douce, ici sur une pointe qui s’avance, s’élèvent à fleur d’eau des cabanes groupées autour d’un clocher, plus loin les vagues viennent se briser contre les murs qui bordent la côte, les arbustes qui couronnent ces rochers inaccessibles, laissent pencher leurs branches jusque dans les ondes.

Les vents, les effets de lumière, varient à chaque heure de la journée, l’aspect de cette surface mobile et changeante, l’azur du ciel s’y réfléchit, le soleil fait étinceler chaque vague, les brillants nuages du soir les colorent, et lorsque tout est déjà sans éclat dans les campagnes, les eaux conservent encore la réverbération du firmament, tandis qu’à côté des reflets de la lumière mourante du jour, les rayons scintillans des étoiles ou de la lune viennent s’y briser et s’y multiplier.

Le matin d’un beau jour le lac est calme, pas un souffle ne l’agite, les édifices des bords se peignent dans l’onde transparente, le pêcheur y jette sa ligne, les bruits du rivage, les voix des habitans, les cris des oiseaux qui volent à sa surface, le son des cloches se transmettent à une grande distance. Un vent léger s’élève et l’aspect est déjà changé, une couleur bleue se répand sur les flots, les images disparaissent, le batelier abandonnant la rame, chemine rapidement et sans fatigue: dans une heure peut-être alarmé des sombres nuages qui couvrent le ciel, on le verra serrer les voiles de sa nacelle balancée par les vagues, assailli par la colonne de pluie, redoutant la foudre qui gronde sur sa tête, il craint de ne pouvoir gagner assez tôt le port voisin. Et lorsque l’hiver couv e la terre de frimats, que ces villages ensevelis sous les neiges, que ces rives sombres, que ces ondes noires au milieu des glaces, sont loin des rians tableaux que nous venions y chercher dans le tems de la verdure et des fleurs!

A des changemens si brusques et si complets, on pourrait ajouter la variété d’aspect, qui résulte de la différence des climats. On pourrait comparer aux lacs du septentrion ceux de l’Italie, à ces bords couverts de sapins et de bouleaux, opposer les rives que tapissent le laurier et le figuier, à la nature sévère, aux collines arides, aux sombres brouillards, aux tempêtes du nord, le ciel brillant du midi, aux ruines gothiques, de rians villages et d’élégantes villas.

Les lacs de la Suisse ont un genre de beauté qui leur est particulier, ils inspirent un intérêt qui tient au pays où ils se sont formés; ces masses d’eau renfermées par de hautes montagnes s’étendent souvent irrégulièrement, elles séparent de petits états qui ont des gouvernemens différens et des coutumes caractéristiques. Qui ne se souviendra long-tems après les avoir vus, de ces bords tantôt sauvages et inaccessibles, tantôt cultivés et couverts d’habitations, de ces bras qui paraissent brusquement aux regards, de ces anses au fond desquelles s’élève la capitale d’une petite République, ou un village hospitalier, de ces monumens historiques, de ces chapelles qui rappellent des événemens anciens et révérés, de ces hermitages placés sur le rocher, de ces îles verdoyantes au milieu desquelles paraissent le clocher d’une église ou les ruines d’un vieux château? De gaies embarcations sortent des différens ports, ce sont des paysans qui transportent leurs denrées dans un marché voisin, ce sont des pélerins qui se rendent dans un lieu consacré par la dévotion, des femmes vêtues d’habillemens nationaux, une population remarquable par la beauté de ses traits, fière de sa liberté et de son aisance.

La grandeur du lac de Genève suffirait seule pour le mettre au premier rang de ceux de l’Helvétie. A l’extrémité occidentale de l’arc de cercle qu’il forme s’élève la ville de Genève, dans l’endroit, où les eaux qui sortent du bassin forment un fleuve. Ce fleuve est supposé être la continuation da Rhône qui a son embouchure près du Boveret et on lui a donné le même nom.

L’aspect du lac près de Genève est différent de celui de la partie orientale; il est étroit, ses bords sont formés par des coteaux peu élevés, d’un côté l’horizon est borné à quelque distance par la chaîne uniforme du Jura; du côté opposé le Mont-Blanc, le Buet et d’autres sommités des hautes Alpes, terminent un bel amphithéâtre de collines et de montagnes.

Près d’Évian les Alpes se rapprochent du rivage. Vue de la Suisse, la côte du Chablais, qui présente tant de beautés de détail, ne semble qu’un mur sombre, au pied duquel on voit à peine assez de place pour la grande route et pour les habitations de pêcheurs qui bordent les rives.

A la hauteur de Lausanne, le lac change de direction, et tournant légèrement vers le midi, forme la seconde partie de l’arc, moins prolongée que celle de l’occident.

Le Jura qui avait suivi le lac, tourne et fuit vers le nord; il est remplacé par la côte basse du Jorat, qui occupe le devant du tableau jusqu’à Vevey; là, les Alpes qui se replient, entourent le bassin à son extrémité.

Ces trois différentes chaînes présentent des traits caractéristiques. On distingue le Jura à ses formes régulières, à sa couleur bleuâtre; ses flancs sont couverts de forêts coupées par des rochers.

Un grand nombre de villes, de villages et d’habitations couvrent les pentes arrondies du Jorat; on y distingue cette multitude de murs et de terrasses qui soutiennent les vignes de la Vaud; on voit jusqu’à leur sommet des champs et des terrains cultivés.

L’élévation et la masse des montagnes qui leur succèdent, leurs pentes rapides qui laissent peu de place à la culture; leur forme hardie et bizarre; les pointes et les arrêtes tranchantes de leurs cimes; la profondeur des vallons et des ravines qui les sillonnent, font reconnaître les Alpes.

Entouré par ces hautes montagnes qui forment un vaste cirque, le lac à son extrémité orientale prend un caractère imposant et sévère. Ces masses énormes qui pressent le rivage et qui semblent se précipiter dans les eaux, viennent y réfléchir leurs contours fortement dessinés, et leurs sombres forêts. La suite des sommités est interrompue par le Rhône qui, en frayant sa route, a creusé un large vallon. Il forme sur un espace de quelques lieues la limite entre les Cantons du Valais et de Vaud. Le fleuve coule dans une plaine nivelée par ses eaux, il se sépare en trois branches et arrive au lac en traversant les attérissemens qu’il a formés.

Les pêches du lac varient suivant la saison et les points du rivage. La truite qui pour frayer, remonte le Rhône à son embouchure et le descend à sa sortie, est arrêtée par des nasses près de St. Maurice et à Genève; dans les derniers mois de l’automne, on en prend d’un poids considérable. On fait avec le grand filet, au commencement de l’été, la pèche du féra sur un banc situé vis-à-vis le village de Cologny, nommé banc du travers; les nuits des mois d’Août et de Septembre sont employées à la pêche du même poisson, par les habitans de la rive du Chablais; pendant l’hiver ils font celle de la lotte, avec le petit Clet; ils tendent aussi des fils en grande eau. Quelquefois on coupe un arbre garni de toutes ses feuilles, on le place dans l’eau où on l’assujettit avec des fils de fer, qui, attachés aux branches, portent des poids à leur extrémité et le maintiennent ainsi dans une position verticale; pendant la chaleur les poissons viennent y chercher de l’ombre, dans les orages ils y trouvent un refuge; au moment de la pêche on entoure l’arbre de filets et on frappe l’eau à l’entour.

Un ouvrage du célebre naturaliste Jurine, dont on attend la publication, donnera la description exacte de tous les habitans de notre lac. Les oiseaux qui fréquentent ses rives ont été aussi décrits. On voit sautiller le long des bords la lavandière grise et la bergeronette, qui se nourrissent des insectes qui voltigent sur les eaux; le martin-pêcheur au brillant plumage: les oiseaux de marais se rassemblent à l’embouchure de la Dranse et du Rhône, dans les attérissemens et les roseaux de la côte. On voit voler d’une aile rapide au-dessus de l’onde, la mouette, qui va y chercher le poisson, et l’hirondelle de mer aux ailes blanches, qui l’enlève à la surface. Ces oiseaux se rassemblent souvent en grand nombre quand les flots sont agités, ils se jouent et se poursuivent, on les entend mêler leurs cris, au bruit des vagues et des vents.

La bécassine se confond par sa couleur grise avec les cailloux sur lesquels elle se pose; le chasseur la suit doucement le long du rivage ou côtoye les bords sur un bateau, l’oiseau fuit devant son ennemi, et s’il n’est prévenu, il s’envole en poussant un léger cri.

Le canard sauvage qui arrive pendant l’automne en grande troupe des pays du nord, passe une partie de la journée sur le lac, lorsque les eaux sont paisibles il s’y endort: alors l’habitant des rives qui le découvre de loin, part pour le surprendre dans un bateau construit exprès pour cette chasse, si étroit qu’il ne peut contenir qu’un seul homme; couché dans le fond, sa longue carabine posée sur la proue, il s’avance, faisant mouvoir son esquif par une rame placée au-dessous de lui, il s’approche sans être aperçu de la troupe qui repose, se confiant à la tranquillité des ondes, et à la pureté du ciel.

Dans les beaux jours de l’hiver, lorsque pas un souffle n’agite les eaux, on part pour la chasse au grèbe, dans un bateau garni de vigoureux rameurs; dès qu’on aperçoit la tête blanche de l’animal au-dessus de la surface calme et unie, une décharge générale le force à plonger; on est attentif à l’endroit où il reparaîtra, pour reprendre haleine: à l’instant on se dirige sur lui, et de nouveaux coups le font plonger encore; reparaissant et toujours poursuivi sans relâche, le grèbe, dont les stations dans le fond deviennent toujours plus courtes, se laisse enfin approcher et saisir, quelquefois même sans avoir été blessé.

Le Tour du lac de Genève

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