Читать книгу Le Tour du lac de Genève - George Mallet - Страница 8

Оглавление

LES PÊCHEURS ET LES LABOUREURS.

Table des matières

LORSQUE les coups de l’angelus rappellent dans leurs demeures les ouvriers dispersés sur la colline, lorsque le moment du repos arrive pour le laboureur, celui du travail commence pour les habitans des bords du lac; on munit les bateaux de filets et de cordages, les pêcheurs couverts de tabliers de cuir, attendent que l’heure soit arrivée, ils s’embarquent et vont prendre leur place à quelque distance du rivage; on voit toutes ces nacelles partir des ports voisins, se dessiner comme des ombres sur la surface rougie du lac et laisser après elles une trace brillante. Une ligne non interrompue de bateaux, placés à des intervalles égaux, s’étend sur une longueur de plusieurs lieues.

Parmi tant d’individus animés d’un même intérêt on ne voit jamais d’altercations, ils n’ont point de code pour les régir et dans un pays où les procès sont fréquens, ceux entre les pêcheurs sont presque inouis. Si on eût voulu fixer leurs rapports entr’eux, s’ils eussent cherché des avocats pour les défendre, et des juges pour décider de leurs droits, peut - être leur manière eut-elle été toute différente, mais jusques à présent des coutumes révérées entretiennent parmi eux l’harmonie, et on respecte les filets, confiés aux eaux dans la vaste étendue du lac, Depuis des siècles peut-être, chaque village, chaque famille a sa place fixée, et jamais on ne se permet de lui disputer une possession si longuement constatée. Le pêcheur juge de la hauteur à laquelle il doit se placer en voyant paraître sur la côte un clocher ou une maison qui lui sert de repère, il s’arrête et s’endort dans son bateau en attendant que l’obscurité lui permette de commencer son travail. Alors du rivage ou entend le mouvement de l’eau, et le bruit de la masse qui refoule le poisson. Le Dimanche la pêche ne commence qu’à minuit; lorsque le ciel est pur, ou que la lune est sur l’horizon, elle est ordinairement peu productive, c’est dans les mauvais temps qu’on a le plus de chance de succès. Le matin des bateaux partent en hâte pour les différentes villes de la côte, ils y portent le poisson qui a été pris dans la nuit, ce sont souvent de petits feras qui sont à la portée du pauvre. La voile qui apporte le repas de tant de familles est attendue impatiemment.

La vie des pêcheurs est une succession de grandes fatigues et de repos, de gains et de travaux infructueux; les hommes accoutumés à cette vie hazardeuse y renonceraient difficilement, quoiqu’ils n’y fassent jamais fortune. Les accidens sont rares sur le lac parce qu’on sait prévoir les tempêtes, et que presque partout on trouve des lieux où l’on peut aborder, cependant les orages s’y forment avec promptitude, des nuages paraissent subitement derrière les montagnes, mais la vallée étant très - étendue ils ne couvrent pas tout le bassin; souvent des colonnes de pluie se précipitent sur quelques points de la Suisse, on entend le tonnerre gronder dans l’éloignement et la côte du Chablais est éclairée par le soleil.

Le genre de vie des habitans des bords du lac, contraste avec l’existence calme et régulière des laboureurs, dont la demeure est placée sur les hauteurs; le sort qui a fait naître les uns sur la rive, les autres à quelques toises de distance dans les terres, a décidé de leur vocation; les enfans des pêcheurs suivent à l’état de leurs pères, et les cultivateurs se transmettent en héritage, le fond qui doit les nourrir.

Le jour est beau, le vent est favorable; assis à la proue le nautonier glisse rapidement sur la surface du lac, il arrive sans fatigue au port; quelques heures ont suffi au pêcheur pour gagner de quoi fournir à son entretien, il s’endort sous les arbres qui ombragent sa nacelle; pendant ce tems le cultivateur, accablé de fatigue, courbé sur la terre, mouillé de sueur, n’obtient à la fin de la journée qu’un modique salaire. Mais la nuit est froide et orageuse, un coup de vent a détruit les filets du pêcheur, il rentre le matin découragé. Contrarié dans sa marche le conducteur d’une barque est contraint de s’arrêter et d’attendre long-tems oisif un moment favorable; peut-être même surpris par l’orage, il voit son bâtiment balloté par les vents, il est forcé de jeter à l’eau sa cargaison de pierres, ou de bois; tandis qu’il lutte encore accablé de fatigue et d’inquiétude, le laboureur s’endort sans crainte au bruit de la tempête. La mère de famille qui n’a point vu revenir son mari est réveillée dans la nuit par le fracas des vagues qui se brisent contre les murs de sa maison, elle a cru en dormant voir le navigateur près d’être englouti, elle allume sa lampe dans l’espoir que cette lumière le dirigera vers sa demeure, et pleine de tristesse, elle adresse ses prières à l’image de la vierge qui a souvent été déjà la confidente de ses peines.

Si nous voulions chercher d’autres contrastes dans le genre de vie et les occupations du pays, nous parlerions des bergers qui pendant l’été habitent les chalets de la Memise, où occupés seulement de la fabrication du laitage et du soin de leurs troupeaux, ils semblent séparés du monde; nous suivrions les chasseurs de chamois sur les cimes escarpées des Alpes et aux pieds des glaciers; nous entrerions dans ces châteaux ruinés qui rappellent les anciens rapports des seigneurs et des vassaux. Les privilèges du système féodal n’existent plus, les orages de la révolution ont dépouillé un grand nombre de propriétaires, et ces vieux manoirs qui se rattachaient à des noms illustres, ont perdu l’intérêt que leur donnait une longue suite de maîtres de la même famille.

Le Tour du lac de Genève

Подняться наверх