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LES BORDS DU LAC.

Table des matières

LA route construite par Bonaparte sur les bords du lac, pour atteindre celle qu’il a fait percer dans le Simplon, commence au sortir d’Évian, elle forme sur un espace de quatre à cinq lieues une magnifique terrasse; obligée de fléchir et de céder aux contours du rivage et des montagnes, elle ne présente point l’ennuyeuse uniformité d’une route tracée en ligne droite; les travaux de l’art, la beauté de la vue, les différentes cultures et l’industrie des riverains, la varient encore. Des plantations d’arbres ont été faites le long des bords, des talus en pierres, sont placés dans tous les points où le lac menaçait d’envahir le chemin, de petits murs du côté de la colline bornent les propriétés. Lorsqu’on a dû couper les terres, des murs plus élevés, construits contre leurs escarpemens en préviennent l’éboulement; des ruisseaux pavés conduisent les eaux, des aqueducs reçoivent les torrents qui descendent des montagnes, de beaux ponts sont jetés sur les cours plus considérables; dans les points où le passage est pressé entre des rochers élevés et le lac, des constructions le défendent d’une onde profonde et menaçante, et forment un parapet de deux ou trois pieds qui rassure contre le danger d’une chute. La route se ressent déjà des injures du tems, les cours d’eau sont obstrués par les herbes, des bornes sont brisées ou arrachées; dans plusieurs points les talus ont été emportés par les vagues et le rivage est laissé exposé à leurs attaques. Battu par les vents et les ondes le vieux noyer est ébranlé, ses racines sortent du sable où elles se fixèrent, il s’incline chaque jour, un orage vient le détacher du sol et ses rameaux desséchés couvrent les lieux qu’ils ombragèrent tant d’années.

Cette route ouverte dans un but politique et pour assurer des opérations militaires, ne sert plus dans la profonde paix où nous vivons, qu’aux communications agricoles des habitans, et aux paisibles promenades des voyageurs; en automne surtout lors du départ et du retour de l’Italie, elle est couverte de passagers, les petites villes retentissent du bruit des chevaux et des claque-mens de fouets des postillons; on voit arriver avec rapidité les voitures de poste anglaises, au-dessus desquelles flottent le schall et le voile de la femme de chambre placée sur un siège élevé. La route du Simplon sert peu aux transports et il n’y a pas de mouvement de commerce.

Des villages de pêcheurs à demi cachés par les arbres qui les entourent, la Grande-Rive, la Petite-Rive, la Tour - Ronde, à peu de distance les uns des autres, abritent Une population nombreuse; de longs conduits soutenus par des piliers en bois vont chercher l’eau sur la pente de la colline, la transportent au - dessus des vergers des champs et des jardins, traversent quelquefois la grande route et viennent mettre en Mouvement la meule qui doit broyer le grain, écraser les fruits et les noix, ou briser l’écorce nécessaire au tanneur; le ruisseau fait aussi agir la scie qui sépare en feuilles minces, le tronc de bois qui se rapproche d’elle. Les filets dont on s’est servi pendant la nuit sont étendus sur des piquets le long de la grève; des pêcheurs les réparent, d’autres fabriquent des cordes avec la seconde écorce du tilleul; les bateaux sont retirés sur le rivage à l’ombre des noyers, on radoube de vieux bâtiments et la noire fumée du goudron s’élève dans les airs. Les femmes et les filles des pécheurs assises devant leurs portes fabriquent des filets; la navette passe et repasse, les nœuds se serrent sous la main rapide de l’ouvrière. Des enfans couvrent le rivage, ils imitent les travaux de leurs pères, et jettent leurs hameçons à l’embouchure des torrents; dans les jours d’été, on les voit se précipiter en riant, du haut d’un bateau dans le lac, et se familiariser avec un élément qu’ils doivent apprendre à braver.

Tantôt de la route on découvre l’immense bassin du lac et la côte de Suisse, tantôt un rideau de verdure voile à demi les flots, quelquefois l’on chemine à l’ombre des arbres, qui courbant leurs branches forment une avenue qui encadre les montagnes opposées. Des prairies et des forêts, des rochers taillés à pic, des pointes de terre qui s’avancent dans les eaux, des granges sous les châtaigniers embellissent cette route. De petites flottes parties du Boveret ou de St. Gingolph s’approchent du rivage; quelquefois la barque pesamment chargée de pierres ou de chaux, se trouve arrêtée par le calme; le conducteur attache une longue corde à l’extrémité du mât et fait remorquer son bâtiment. Ces grandes voiles qu’enfle un souffle imperceptible de vent, rasent le feuillage et projettent leur ombre sur le rivage, quelquefois deux barques ainsi conduites se rencontrent cheminant en sens inverse.

A la droite de la route s’élevent de hautes collines boisées, une terre fertile y nourrit des arbres remarquables par la beauté de leurs dimensions, des vignes qui entrelacent leurs rameaux à des perches rappellent la culture italienne, sous leurs pampres croissent du blé, du maïs, du chanvre ou des légumes. Près d’Evian les bords du lac sont occupés par les jardins et les enclos des habitans de la ville; en suivant les sentiers qui serpentent sur l’inclinaison de la montagne, on se trouve dans les prairies ou sous les bois de châtaigniers. Vues du lac ces pentes semblent ensevelies sous une épaisse verdure interrompue seulement par quelques points découverts et cultivés; lorsqu’on suit les sentiers qui se dirigent en tous sens sous ces ombrages, on découvre à chaque instant des objets nouveaux; la chapelle d’un village et son presbytère, un château détruit, demeure maintenant d’une famille de paysans, et dont les fossés à moitié comblés, la grande porte d’entrée, l’antique jardin, les charmilles que le ciseau n’aligne plus, rappellent des propriétaires d’une classe plus relevée et d’anciens souvenirs.

Ici la nature est laissée à elle-même et la végétation se développe sans contrainte. Les haies ne sont pas taillées, les vignes déploient au loin leurs guirlandes et les arbres étalent leurs rameaux, des clôtures placées plutôt pour indiquer la propriété, que pour arrêter le promeneur, le laissent sans peine passer d’un bois dans un autre, d’un champ dans une prairie et s’égarer au gré de ses pensées; tout sous ces ombrages est tranquille, tout y inspire le calme et la paix, le silence qui y règne contraste avec le mouvement des bords du lac, le jour doux et voilé, avec la brillante reverbération des eaux, le laboureur cultive son champ sans bruit, un bûcheron isolé abat un arbre au milieu des bois, et les seuls coups de la hache indiquent sa présence, rien n’annonce l’approche de ces petits villages dispersés sur la pente qui se présentent tout-à-coup aux regards, les maisons de paysans sont comme ensevelies au milieu des arbres fruitiers qui les entourent, et des haricots à fleurs qui du jardin s’élevant sur le toit, viennent protéger le rucher, placé du côté du levant. Les jours brûlans de l’été ajoutent encore au charme que l’on éprouve en se promenant sous ces salles immenses qui se prolongent sur presque toute la côte, on n’y entend que le bruit de quelques oiseaux, qui sautillent sur les branches élevées, on y retrouve le caractère solennel et religieux que nos pères attachaient aux antiques forêts.

Ces collines sont très-fertiles et produisent beaucoup de fruits. La distillation des cerises occupe les habitans pendant l’été, la récolte des noix et de la vigne vient ensuite, enfin celle des châtaignes qui est la dernière. Les paysans en font un grand commerce, ils les conservent tout l’hiver et les mangent comme légume jusqu’en été. Le châtaignier s’élève à une assez grande hauteur dans la montagne, il croît sur un sol pierreux, et se soumet aux différentes positions que l’inclinaison des rochers près desquels il a pris naissance exige de lui, quand on le greffe on en obtient de plus beaux fruits, mais les arbres laissés à l’état sauvage sont plus vigoureux; son ombre ne nuit point à la végétation comme celle du noyer qu’on plante sur les bords du lac, où il trouve sa nourriture dans les sables du rivage.

Les feuilles dentelées du châtaignier couvert de chatons en été, et de coques piquantes en automne, ses branches fortes et contournées, les fissures et les accidents de son écorce, ses masses de verdure irrégulièrement disposées, offrent de beaux sujets d’étude au peintre. La vieillesse lui donne un nouveau caractère, de son tronc creux sortent des rejetons parés de la vigueur de la jeunesse, tandis qu’on voit s’élever à côté, les rameaux du vieil arbre, dépouillés par le temps, brisés par les vents, ou desséchés par la foudre.

Le chanvre est un des produits de première nécessité, dans un pays où l’on fait un si grand usage de cordes et de filets. En automne les habitans se rendent successivement le soir, après les travaux de la journée, chez les différents propriétaires pour le teiller; lorsqu’il fait beau ces réunions ont lieu en plein air. En revenant de nos promenades le long du lac, nous passions devant des groupes joyeux d’ouvrières qui nous saluaient de leurs cris; les enfans allumaient au milieu de la route de grands feux de chenevottes, devant lesquels on voyait se dessiner leurs figures en mouvement. Ces feux brillaient de loin sur différens points de la rive.

Quand la récolte des châtaigniers appelle chacun dans ses vergers, Évian est presque désert; on l’abandonne de grand matin pour n’y revenir que le soir. Les châtaignes sont recueillies avec des pinces de bois, pour en éviter les piquans. On les réunit en tas, d’où on les retire lorsque la première enveloppe s’est desséchée: hommes, femmes, enfans sont rassemblés sous les arbres dont on secoue les branches, ou que l’on frappe avec de longues perches. Le jeune garçon parvenu à la cime, entonne des chants joyeux; le pâtre lui répond du sommet de la montagne; la chanson passe de bois en bois, de colline en colline, et l’écho éloigné des rochers de la Memise en répète les derniers sons.

Le Tour du lac de Genève

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