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II

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A l’insinuation, M. Gramidon joint agréablement la confusion. Il confond tantôt les personnes, tantôt les choses, d’une manière tellement heureuse pour sa thèse, que vraiment il est difficile d’y voir un simple hasard.

Dans les différends avec les Mères espagnoles et les Pères Carmes, si on en juge par le livre de M. Gramidon, M. de Bérulle est non-seulement coupable, mais seul coupable: c’est toujours lui qui paraît sur la scène, et cependant M. Gramidon sait fort bien que, dans tous ces douloureux débats, M. du Val et M. Gallemant, M. du Val surtout, pensaient comme M. de Bérulle et agissaient de concert avec lui; que M. Gramidon me permette de lui rappeler une lettre de la Mère Anne de Jésus, qu’il a dû lire. M. Gramidon sait si bien cela, qu’il cite M. du Val comme ayant, par la publication d’un nouveau manuel en 1628, contribué à éloigner le Carmel français du gouvernement et de l’esprit de l’Ordre. Mais pourquoi alors, dans tout le reste du livre, mettre M. de Bérulle seul en avant?

Parce que c’est M. de Bérulle qu’il faut renverser, parce que, pour le renverser, il faut insinuer qu’il contribua à répandre le gallicanisme dans le Carmel. Or les gens sérieux se prendraient aussitôt à douter de l’affirmation, si on adjoignait, en pareille circonstance, au nom de M. de Bérulle le nom de M. du Val, l’un des théologiens les plus ultramontains qu’ait vus la Sorbonne.

Ailleurs, M. Gramidon raconte la visite que M. de Marillac fit au P. Denis de la Mère de Dieu, et la déclaration qui s’ensuivit. Dans tout ce récit, M. Gramidon affecte de nommer M. de Bérulle comme ayant chargé M. de Marillac de traiter cette affaire. Or M. de Marillac, qui a seul raconté l’entrevue dans tous ses détails, ne dit mot d’une commission quelconque reçue de M. de Bérulle. «Je priay (ces Pères)», dit-il, «de la part des

» Religieuses du monastère de l’Incarnation...» — Il serait infini de citer tous les traits de ce genre.

Ce ne sont pas seulement les personnes que l’auteur des Notés confond, ce sont les choses.

«M. de Bérulle», dit-il, «sait bien que la bulle de

» Clément VIII n’a établi les supérieurs français que pro-

» visoirement.» Et devant une affirmation si nette, le lecteur, qui n’a pas sous les yeux la bulle de Clément VIII, croit naturellement ce qu’on lui dit. Or cette affirmation n’est point exacte. M. Gramidon confond les supérieurs avec le visiteur. Le visiteur était provisoirement le Prieur général des Chartreux, jusqu’à ce que les Carmes vinssent en France. Mais il n’est nullement dit que le pouvoir des supérieurs fût provisoire. Aussi Paul V, dans son Bref du 9 septembre 1606 , modifie le gouvernement en ce qui touche au visiteur, mais il ne dit rien des supérieurs: silence qu’il n’aurait pu garder si leur pouvoir n’eût été que provisoire. Cette distinction gênerait M. Gramidon; il préfère tout confondre.

Autre confusion. M. Gramidon cite une lettre de Madame Jourdain (depuis Sœur Louise de Jésus), conservée aux Carmélites de la rue d’Enfer, et il y attache une grande importance. Madame Jourdain raconte que la Mère Anne de Jésus «avait refusé un instant de

» prendre possession du couvent, dans la crainte que

» l’on ne fît des changements aux règles et Constitu-

» tions», mais que, «sur l’assurance formelle que les

» supérieurs lui donnèrent de n’en faire aucun et de lui

» laisser toute liberté sur ce sujet, la Vénérable Mère

» commença son œuvre et la gouverna à la plus grande

» gloire de Dieu ».

Du gouvernement des Carmes, pas un mot dans cette lettre; mais M. Gramidon confond tout cela, et conclut que, «malgré les assurances données à la Mère Anne de Jésus» (qu’elle aurait un jour des Carmes pour la gouverner), M. de Bérulle, oublieux de sa parole, ne consentit jamais à favoriser ses désirs . Il est facile d’avoir raison de ses adversaires quand on fait dire aux documents ce dont on a besoin.

Mais voici ce qui me semble dépasser tout. Il est un mot qui indigne M. Gramidon: c’est celui de Carmel national. Sous ce mot, il découvre un monceau de vilaines choses, du gallicanisme, du séparatisme, du parlementarisme, du jansénisme, etc. Aussi le P. de Bérulle nous apparaît-il toujours, dans ses portraits, suivi de l’ombré menaçante du Carmel national séparé. Carmel national séparé, c’est toute la vie du P. de Bérulle: c’est tout mon livre. Je suis même l’inventeur — breveté par M. Gramidon de cette expression néfaste. Il renvoie à la page où je l’ai employée: quinze fois il la rappelle... Eh bien!... ce mot odieux... n’est nulle part dans mon livre; ni à la page indiquée, ni à aucune autre. Et vraiment, vu le sens coupable que M. Gramidon y attache, — n’était la légèreté avec laquelle il copie les notes qu’on lui fournit, — je serais endroit de dire qu’il m’a calomnié.

Les Carmélites de France et le cardinal de Bérulle

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