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GUIDE PRATIQUE DES INVENTEURS ET DES BREVETÉS.
ОглавлениеDepuis le 9 octobre 1844, les brevets d’invention sont régis par la loi du 5 juillet de la même année.
Sous l’ancienne monarchie, et avant 1762, la durée des brevets d’invention (appelés alors priviléges) était déterminée par les actes même de leurs concessions; souvent elle était illimitée. La déclaration du 24 décembre 1762 fixa cette durée à quinze années, avec faculté de la proroger, s’il y avait lieu.
L’édit mémorable qui ordonna la suppression des maîtrises et des jurandes est du mois de février 1776; il est précédé d’un préambule, où les motifs de cette grande mesure sont exposés avec beaucoup de clarté et de détail.
Nous devons à tous nos sujets, dit ce préambule, de leur assurer la jouissance pleine et entière de leurs droits; nous devons surtout cette protection à cette classe d’hommes qui n’ayant de propriété que leur travail et leur industrie ont d’autant plus le besoin et le droit d’employer dans toute leur étendue les seules ressources qu’ils aient pour subsister.
» Dans presque toutes les villes de notre royaume, l’exercice de différens arts et métiers est concentré dans les mains d’un petit nombre de maîtres, réunis en communauté, qui peuvent seuls, à l’exclusion de tous les autres citoyens, fabriquer ou vendre les objets de commerce particulier dont ils ont le privilége exclusif; en sorte que ceux de nos sujets qui, par goût ou par nécessité, se destinent à l’exercice des arts et métiers, ne peuvent y parvenir qu’en acquérant la maîtrise à laquelle ils ne sont reçus qu’après des épreuves aussi longues que superflues, et après avoir satisfait à des droits ou à des exactions multipliées, par lesquelles une partie des fonds dont ils auraient eu besoin pour monter leur commerce ou leur atelier, ou même pour subsister, se trouve consommée en pure perte.
» Ceux dont la fortune ne peut suffire à ces pertes sont réduits à n’avoir qu’une subsistance précaire sous l’empire des maîtres, à languir dans l’indigence, ou à porter hors de leur patrie une industrie qu’ils auraient pu rendre utile à l’État.
» Dieu, en donnant à l’homme des besoins, en lui rendant nécessaire la ressource du travail, a fait du droit de travailler la propriété de tout homme; et cette propriété est la première, la plus sacrée et la plus imprescriptible de toutes.»
Cette suppression, provoquée par Turgot, donna lieu à des réclamations tellement vives que l’édit fut rapporté et remplacé par un autre du mois d’août de la même année, qui, tout en laissant subsister l’ancien régime, y introduisit quelques améliorations.
Les 4 et 5 août 1789, l’assemblée nationale vota l’abolition des priviléges, et la suppression des jurandes et maîtrises. En 1790, elle décréta la loi qui, promulguée le 7 janvier 1791, a formé, avec celle du 25 mai suivant, le code des brevets d’invention jusqu’à la mise en pratique de la loi du 5 juillet 1844.
L’assemblée nationale avait inscrit en tête du code des arts et métiers: liberté de l’industrie, propriété du travail.
Garantir à tout inventeur, pendant un temps donné, la jouissance pleine et entière de sa découverte, à condition qu’il livrera cette découverte à la société, après l’expiration de son privilège: tel est le contrat simple en lui-même que les lois de 1791 ont substitué au régime arbitraire qui existait auparavant.
L’exemple de ce qui se pratiquait en Angleterre, depuis le règne de Jacques Ier (1623), celui des États-Unis, dont l’acte constitutionnel venait d’être arrêté et beaucoup d’autres considérations donnèrent naissance à ce contrat synallagmatique si équitable entre l’inventeur et la société.
Telle est, en abrégé, l’histoire des principaux réglemens qui ont régi la matière des brevets d’invention depuis l’origine des priviléges d’industrie jusqu’en 1791.
«Plus de cinquante années d’épreuve, disait M. Philippe Dupin dans son rapport, ont appris ce qu’il y avait d’essentiellement vrai dans la législation de 1791, ont signalé ses erreurs ou ses lacunes, et appelé des réformes ou des complémens dans plusieurs de ses dispositions; le moment était venu de procéder à sa révision; sollicitée de toutes parts, cette révision depuis longtemps fixait l’attention de tous les ministres qui se succédèrent au département du commerce; quelle époque d’ailleurs pouvait mieux convenir à ce travail de perfectionnement? Sous la double influence de la paix et de la liberté, le commerce a prodigieusement étendu son essor; le génie de l’invention fait sans cesse de nouvelles conquêtes, et développe chaque jour une plus grande puissance; l’industrie agrandit sa sphère et fait éclater ses merveilles; la science lui révèle ses secrets, lui prête ses directions et ses secours; les arts lui fournissent leur élégance et leur éclat; tontes les forces intelligentes des nations travaillent à l’accomplissement de ce grand œuvre. Aux luttes ruineuses de la guerre ont succédé les rivalités vivifiantes du commerce; le champ de bataille où se livrent les combats n’est pas seulement une province, un royaume, c’est l’univers entier; le sceptre du monde a cessé d’être le prix de la force et de la violence, pour devenir celui du travail et de l’industrie. Là se place pour toutes les nations le secret du bien et de la richesse, au dedans la source de l’influence, et de la puissance au dehors.
» Au milieu de cette émulation universelle, malheur au peuple qui se laisserait aller à l’engourdissement de l’indolence et de la routine! Un état de déchéance rapide et d’inévitable infériorité serait sa punition. Le premier besoin, le premier devoir de tout peuple qui veut devenir ou rester grand et fort, est d’encourager le travail dans toutes ses applications; de lui ouvrir et de lui faciliter la voie du progrès dans toutes les branches de l’industrie humaine; de favoriser par ses protections, de provoquer par des récompenses, les efforts et les découvertes de ses savans, de ses artistes, de ses ouvriers; de marcher sans cesse au perfectionnement de ses produits ou à la conquête de produits nouveaux; de rechercher des procédés industriels plus puissans, plus faciles, plus prompts, plus économiques; de multiplier enfin ses objets de consommation et ses moyens d’échanges, ces doubles élémens de la prospérité des nations.»
En proposant la loi nouvelle aux chambres, M. le ministre de l’agriculture et du commerce avait dit dans l’exposé des motifs qu’il ne s’agissait point d’une œuvre entièrement nouvelle, d’une création sans précédens; que les lois de 1791 avaient établi des dispositions fondamentales qui, presque toutes, étaient à l’abri de critique et d’atteinte; qu’il ne s’agissait que de modifications à apporter à ces lois, dans l’intérêt des inventeurs.
La loi nouvelle se divise en six titres. Le Ier, définit les brevets d’invention; il détermine les objets susceptibles d’être brevetés et ceux qui ne peuvent pas l’être; il fixe la durée des brevets, et la taxe à payer suivant cette durée.
Le 2e, règle les formalités relatives à la demande, à la délivrance et à la proclamation des brevets; les certificats d’addition aux brevets délivrés, et la cession totale ou partielle des brevets; il arrête les mesures relatives, soit à la communication au public, soit à la publication des brevets délivrés.
Le 3e, règle les droits des étrangers en France, soit pour y obtenir des brevets d’invention, soit pour s’y faire breveter, à raison de découvertes pour lesquelles ils auront obtenu précédemment des brevets ou patentes à l’étranger.
Le 4e, traite des nullités, des déchéances et des actions qui peuvent en être la suite.
Le 5e, s’occupe de la contrefaçon, des poursuites et des peines.
Le 6e, charge le gouvernement de prescrire par voie d’ordonnance portant réglement d’administration publique, les mesures nécessaires pour l’exécution de la loi tant dans la métropole que dans les colonies, et abroge toutes les dispositions antérieures.