Читать книгу Guide pratique des inventeurs et des brevetés l d'Amérique, en Espagne… - H. Truffaut - Страница 8
ART. 2.
ОглавлениеSeront considérées comme inventions ou découvertes nouvelles:
L’invention de nouveaux produits industriels;
L’invention de nouveaux moyens ou l’application nouvelle de moyens connus, pour l’obtention d’un résultat ou d’un produit industriel.
Une invention peut se manifester sous des formes et par des procédés divers. Elle peut, par d’utiles emprunts faits à la nature, conquérir sur elle des produits nouveaux; elle peut créer seulement de nouveaux moyens pour obtenir plus facilement, ou à moins de frais, des produits en circulation. Enfin, elle peut se borner à une application nouvelle de moyens déjà connus pour obtenir des résultats différens.
La jurisprudence avait déjà établi en principe que des brevets d’invention avaient été valablement délivrés pour l’application d’objets connus à la fabrication de produits nouveaux, pourvu que cette application fût faite à un objet spécial, nommément désigné dans la demande de brevet, et qui n’aurait pas été précédemment mis en usage. C’est ainsi que s’explique un arrêt de la chambre civile de la cour de cassation du 27 décembre 1837. «Attendu qu’une
» invention demeurerait inerte et stérile, tant pour
» son auteur que pour la société, si elle demeurait
» dans les termes d’une simple théorie, sans passer à
» l’état d’application; que si cette application ne
» peut se faire qu’à l’aide de procédés déjà connus,
» et qui, par conséquent, appartiendraient, en
» thèse générale, au domaine commun de l’industrie,
» l’emploi de ces procédés, en tant qu’appliqués
» l’objet de la découverte, peut être justement
» frappé du même droit privatif que la découverte
» elle-même, et peut devenir, comme celle-ci, et
» en considération de l’utilité qui s’y rattache, la
» matière d’un brevet d’invention.»
Quelle que soit l’autorité des décisions judiciaires, il vaut mieux qu’une interprétation contraire ne puisse pas avoir lieu, et à cet égard le législateur a levé tous les doutes; c’est un encouragement accordé aux inventeurs où plutôt c’est une source de difficultés qui sera désormais tarie.
Sous l’ancienne législation, on a délivré des brevets pour des objets à raison desquels des contestations nombreuses se sont élevées devant les tribunaux, notamment pour des procédés de calligraphie appropriés à l’enseignement de l’écriture, et pour des méthodes nouvelles d’enseignement de la lecture. Ces brevets ont été annulés par des motifs qui, surtout à l’égard des procédés de calligraphie, ont été généralement tirés des faits. Un arrêt de la cour de Grenoble du 12 juin 1830, dans une affaire où il s’agissait d’une méthode de lecture, a clairement posé les principes: «Attendu que l’enseignement
» de la lecture est évidemment du domaine
» de l’intelligence et que ce qui appartient à
» l’entendement, sans le concours d’objets matériels,
» ne peut être une propriété privilégiée, puisqu’on
» ne saurait priver celui qui sait, d’user de sa
» science et de la communiquer; qu’aucune voie légale
» ne peut être ouverte contre celui qui a enrichi
» son intelligence de la science d’un autre; que, quels
» que soient les avantages que la méthode Lafforienne
» puisse avoir sur les autres méthodes, pour rendre
» l’enseignement de la lecture plus prompt et plus
» facile, les moyens de cette méthode étant purement
» intellectuels, ne pouvaient être l’objet d’un
» privilége et d’une vente.»
C’est par des motifs analogues qu’un jugement du tribunal civil de la Seine, du 26 décembre 1838, contre lequel le pourvoi a été rejeté par arrêt de la chambre des requêtes du 21 avril 1840, a décidé que la coupe plus ou moins économique d’un pantalon dans une pièce de drap peut dénoter plus ou moins d’intelligence et d’habileté de la part du tailleur qui y procède, mais que cette opération n’étant que le résultat de calculs qui ne peuvent être interdits à aucun tailleur pour faire le meilleur emploi possible d’une pièce d’étoffe, ne peut être considérée ni comme un procédé, ni comme une invention susceptible d’être brevetée.
Malgré les avertissemens de la justice, il est probable que des brevets seront encore demandés pour des objets qu’elle n’a pas voulu admettre, et cependant force sera à l’administration de les délivrer. Nous avons cru devoir donner cet avertissement, afin que les inventeurs connaissent bien l’état de la jurisprudence des tribunaux à cet égard, et s’ils sont bien avisés, ils s’abstiendront de requérir la délivrance de brevets pour ces objets, qui ne pourraient que les constituer dans des dépenses et leur prépareraient des contestations inévitables.