Читать книгу Traité clinique et physiologique de l'encéphalite ou Inflammation du cerveau et de ses suites ... par M. J. Bouillaud - Jean Bouillaud - Страница 9
OBSERVATION IIIe.
ОглавлениеFracture du coronal, paralysie du côté gauche; mort le 6e jour. — Contusion, lividité de l’hémisphère droit, épanchement sanguin dans le ventricule correspondant.
Le nommé Collin, charpentier, tomba, le 11 mars, du toit d’un bâtiment sur une pierre, et se fit une fracture avec enfoncement à la partie supérieure et latérale droite du coronal. Le 13, le malade fut trépané : cependant il survint une paralysie de tout le côté gauche, complète du membre inférieur, mais imparfaite du membre supérieur. Malgré plusieurs saignées, il mourut le 16. — Le crâne ayant été ouvert, ou trouva toute la superficie de l’hémisphère droit engorgée et noirâtre; la substance du cerveau, sous la fracture, était contuse et livide jusqu’à la voûte du grand ventricule, qui était rempli de sang.
Ici, dit Saucerotte, la maladie du cerveau était plus profonde antérieurement que postérieurement: aussi le membre inférieur était parfaitement paralytique, tandis que le supérieur n’avait pas tout-à-fait perdu son mouvement. Nous reviendrons plus loin sur l’opinion de cet observateur recommandable, laquelle a été reproduite dans ces derniers temps par MM. Foville, Pinel-Grandchamps et Serres, comme une découverte dont ils se sont disputé la priorité, sans doute parce qu’ils ne connaissaient pas ou qu’ils n’avaient pas présent à la mémoire le travail de Saucerotte.
Ce que je veux signaler particulièrement ici, c’est l’existence d’une inflammation du cerveau sans ramollissement encore bien apparent. Vous concevrez aisément pourquoi les cas de ce genre sont extrêmement rares. Ils supposent, en effet, que les malades sont morts pendant la première période de la phlegmasie, ce qui n’arrive presque jamais, du moins lorsque le siège du mal n’occupe qu’une portion peu étendue de la masse cérébrale.
Je ne pense pas que l’on puisse avoir l’idée de révoquer en doute l’existence d’une inflammation cérébrale naissante dans les trois cas que je viens de rapporter. Outre que les symptômes et les altérations anatomiques attestent cette existence, on peut ajouter qu’elle est encore prouvée par la nature des causes qui ont déterminé la maladie dans le premier et le troisième cas. Ces causes sont une violente contusion de la tête, accident dont l’effet le plus ordinaire est une inflammation plus ou moins vive de la partie qui en est le siège.
De ces trois malades, l’un est mort subitement, l’autre le onzième jour , et le dernier le cinquième jour après l’invasion. S’ils eussent vécu plus long-temps, les altérations de la partie enflammée eussent été plus profondes, ainsi que nous le montrerons dans les observations suivantes. Mais avant d’aller plus loin, je crois devoir faire remarquer que, dans les cas d’irritation générale de la pulpe cérébrale, ainsi que cela arrive dans un grand nombre de phlegmasies des membranes encéphaliques, il n’est pas rare de rencontrer le cerveau plus ferme, plus consistant que dans l’état normal. Dans plusieurs cas de ce genre, j’ai trouvé cet organe d’une consistance semblable à celle qu’il présente lorsqu’il a été plongé pendant quelque temps dans un acide étendu . Cette remarque a dû être faite par quiconque est familier avec les recherches d’anatomie pathologique. Elle n’a point échappé au célèbre auteur de l’Histoire des Phlegmasies chroniques. «Si la
» mort, dit-il, arrive avant que l’irritation du
» cerveau ait eu le temps de se convertir en
» phlegmasie, l’autopsie ne découvre que de
» l’injection et de la dureté dans la substance
» cérébrale .»
Il existe entre cet état de la pulpe cérébrale, que je désignerai, si l’on veut, sous le nom d’endurcissement sans désorganisation; il existe, dis-je, entre cet état et le ramollissement une différence qu’il est important de noter, et qui consiste en ce que le premier est presque constamment général, tandis que le second est presque toujours local, partiel, circonscrit. La cause de cette différence est bien facile à saisir. Effectivement, une inflammation de la totalité de l’encéphale est une maladie tellement grave, pour peu qu’elle soit intense, qu’elle emporte les malades avant que l’inflammation soit parvenue au degré dans lequel on observe le ramollissement. Au contraire, une phlegmasie circonscrite du cerveau entraîne rarement la mort des malades dans sa première période. C’est pourquoi, à l’ouverture des cadavres, on trouve des altérations qui ne sont plus celles qui caractérisent cette période. Réfléchissez aussi que presque toutes les inflammations générales du cerveau sont sympathiques ou consécutives, et que, par conséquent, elles marchent avec moins de violence que si elles étaient idiopathiques. Cette circonstance concourt à vous expliquer pourquoi le ramollissement ne constitue pas leur caractère ordinaire. Le contraire a lieu pour les inflammations locales et circonscrites du cerveau: elles sont le plus souvent idiopathiques, primitives, et partant elles ont une plus grande tendance à désorganiser la partie qui en est le siège.
Le degré d’altération qui vient immédiatement après celui que nous venons de faire connaître est caractérisé par le ramollissement avec injection, infiltration sanguine de la substance cérébrale, ce qui indique déjà une désorganisation commençante de cette dernière. Nous allons bientôt en offrir des exemples. L’observation suivante m’a été communiquée par mon ami M. le docteur Blache, ancien interne des hôpitaux. Elle nous fera voir comment la nature passe, par des nuances insensibles, du premier au second degré d’altération qui constitue l’inflammation du cerveau.