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16 Avril.

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Le mercredi 16 Avril, à cinq heures et demie du matin, de la maison de Pierre André chez qui nous avions couché, je sortais, avec mon ami Deschamps, dans l’unique rue de La Barge.

Une clarté qui n’est ni le jour ni la nuit éclaire un paysage gris; les toits sur lesquels la neige fond peu à peu s’égouttent avec un bruit mélancolique énervant; partout des nuages très bas s’accrochent aux flancs des montagnes.

Remplis d’un ardent optimisme, nous nous détournons d’un Est menaçant pour contempler à l’ Ouest — vue réconfortante — un ilot de ciel bleu. Mais il semble bien que le temps soit définitivement dans un état d’équilibre instable.

Est-il prudent de partir?

Le temps peut se relever et puis, s’il se met a pleuvoir, nous pourrons toujours revenir sur nos pas, la course ne présentant aucune difficulté. Partons donc, quitte à faire demi-tour à la première averse.

C’est avec ce raisonnement faux qu’encouragés par l’apparition de quelques lambeaux de ciel, nous avons pu, grâce à des trésors d’entrain et de bonne humeur, atteindre le but que nous nous étions proposé.

A mi-chemin entre Combe-Brémond et Paroir nous chaussons nos skis.

A Paroir, quittant le tracé tortueux du sentier, nous descendons dans la plaine qui fut un lac et la traversons.

Au Ga, pour éviter une gorge étroite et profonde, passage pouvant causer des ennuis, nous montons directement au-dessus des cabanes, puis nous coupons sur la gauche et, par une courte descente, reprenons aux Blavettes l’itinéraire habituel.

Là, nous déjeunons.

Quelques flocons de neige se mettent à tomber. Nous craignons un instant ne pouvoir aller plus loin.

Lorsque restaurés nous nous relevons, les choses vont mieux. Le ciel s’est déchiré, le bleu paraît immense..... en route!

Cette accalmie d’ailleurs ne dura pas. Jusqu’au dernier moment, notre succès fut incertain. Animé par un vent d’enfer, le brouillard disputait la place au soleil tandis que le col, visible de très loin, semblait reculer sans cesse et que la neige, de plus en plus collante, happait nos skis.

Enfin nous y sommes!

Mais nous n’y arrivons que pour voir disparaître dans les nuages le majestueux Viso.

Nous installons notre camp.

Etendu sur une toile de tente, emmailloté comme un esquimau, Deschamps m’a bien fait rire.

Cette impression étant réciproque nous avons dîné gaîment.

Cependant le soleil est définitivement battu, le brouillard nous enveloppe, le froid nous chasse, c’est la retraite précipitée.

La descente fut une véritable fuite dans le vent qui nous fouettait la figure et sous la neige qui nous couvrait d’une armure de glace. Nous nous suivions de près et pourtant, telle était l’épaisseur du brouillard, par moment je perdais de vue mon compagnon. Je suis convaincu qu’il nous aurait été impossible de rentrer à Maurin, sans nos traces.

Aux Blavettes, toujours sous la neige, nous attaquons la pente qui nous conduira au-dessus du Ga. Lorsque nous arrivons à son sommet une faible lueur perce la brume et, tout à coup, nous assistons au changement de temps le plus brusque qu’il soit possible de concevoir. En quelques secondes le ciel est déblayé et le soleil éclaire un paysage radieux. Toutes les cimes sont là étincelantes, seules quelques vapeurs qui s’attardent roulent au fond de la vallée.

Emerveillés nous descendons.

Bientôt le site de Paroir nous apparaît dans sa tenue de Janvier sous un ciel de Juillet! Le Panestrel couronné d’un nuage, le Rubren si blanc qu’il en impose pour une montagne glaciaire, le Pelvat noir et démantelé en dominent le cirque dont la neige dissimule les affreux graviers.

Je m’illusionne.

Le tapis qui s’étale à nos pieds est si plat, si uni qu’il me semble encore recouvrir le lac qui s’étendait là, le lac qui était si beau et que j’aimais tant.

Confortablement allongés sur le toit d’une métairie, nous restons au Ga plus d’une heure à rêver en contemplant cet inoubliable tableau.

Puis, avec la chute du jour, ce fut le retour à Maurin.

Mais pourquoi faut-il que le lendemain, au moment de notre départ, le soleil se soit levé splendide?

Etait-ce un défi?

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