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2 Juillet.

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Je viens de faire le grand Bérard en col.

Parti de Jausiers à 3 heures 55, j’ai gagné par le Châtelard (5 h. 5) et Sainte-Anne (6 h. 5 - 6 h. 20) le vallon de Bérard. J’étais à 6 heures 45 au point où il coupe la route stratégique du Parpaillon qui le franchit sur un pont: le pont de Bérard. A cet endroit j’ai quitté la route et, me tenant sur la rive gauche du torrent, j’ai remonté le vallon dont la déclivité est très accentuée.

Des prés d’abord puis des éboulis m’ont amené assez vite au pied du pic qui se dresse au Nord du Grand Bérard; je l’ai attaqué aussitôt. Escalade ennuyeuse à cause de la très mauvaise qualité du rocher. Sommet à 10 heures 5.

J’ai passé une bien vilaine demi-heure sur ce sommet!

Pour atteindre le Grand Bérard auquel une crête accidentée me relie, il me faut d’abord descendre sur une brèche dont quarante mètres d’à-pic me séparent. Je suis seul, je n’ai pas de corde, l’inclinaison est impressionnante et la roche ne m’inspire aucune confiance.

Je ne peux cependant m’éterniser là.

Il faut agir.

Après quelques hésitations: «A la grâce de Dieu!» m’écriais-je et je m’engage.

Ah! mes amis, quel rocher! Il est pourri peut-être plus encore qu’à la Tête de Moyse, c’est de la véritable pâte feuilletée!

Il y a là un passage extrêmement périlleux.

Par bonheur, j’atteins la brèche sans mal. Il est 10 heures 40.

Au delà, l’arête ne présente pas de difficulté, je la parcours en vitesse et mets le pied sur le Grand Bérard à 11 heures 15 exactement, éprouvant une joie réelle à fouler de nouveau ce sommet où j’ai conscience d’avoir, l’an dernier, remporté, en dépit de tout, ma plus héroïque victoire.

La vue est limitée aux cimes de l’Ubaye par une couronne uniforme de nuages. A l’Est ils sont animés et jouent à cache-cache avec le Brec et l’Aiguille.

Je n’éprouve aucune fatigue, je n’ai pas faim mais soif.

J’ai très soif et pas d’eau!

A midi, je quitte le Grand Bérard par son arête Sud-Ouest, me dirigeant sur le col Bérard. Quels souvenirs n’ai-je pas évoqué durant ce trajet!

J’ai revu le «vallon des supplices» où nous avons tant peiné. J’ai revu la «via dolorosa» que nous avons jalonnée de nos douloureuses stations, elle était encore coupée de nombreuses plaques de neige et je pensais, à leur vue, qu’en les grattant un peu on retrouverait cette neige qui semblait nous prendre aux pieds et nous dire: «Couche-toi là et dors, dors indéfiniment, tu verras comme on est bien là, immobile.»

Après le col Bérard, je gagne, en coupant les pénibles éboulis du Reverdillon, le col de la Pare. Je le franchis et j’atteins le sentier horizontal à 14 heures.

Au lieu de le suivre comme l’année dernière, mon objectif étant St-Pons, je prends un sentier qui doit me conduire, je le pense du moins, dans le Riou-Bourdoux. Mais je m’égare, je fais des détours fantastiques, ils ne me conduisent qu’à des positions critiques: Dans un véritable maquis je suis la proie des épines et des araignées, plus loin je m’enlise dans la vase d’un torrent, il me faut enfin traverser des terres noires au flanc desquelles mon piolet, quelle honte pour lui! doit tailler des marches.

Heureusement on arrive au bout de tout. Je finis par trouver une piste. Elle longe le torrent et me conduit à St-Pons d’où, par la route, j’ai tôt fait d’être à Barcelonnette.

J’y arrive à 16 heures 15.

Cette course est belle. J’en suis ravi.

Les paysages très verts et très boisés de Sainte Anne sont splendides, la vue du Grand Bérard est remarquablement étendue et les travaux de reboisement du Riou-Bourdoux méritent d’être visités.

D’ailleurs j’admire ma forme. J’ai vieilli, moins d’emballement mais plus de régularité. Je suis allé doucement mais je suis arrivé au but frais et dispos, j’aurais pu fournir encore un sérieux effort.

Je ne regrette qu’une chose: l’erreur que j’ai commise après avoir croisé le sentier horizontal. Elle m’a fait perdre du temps et causé quelque inquiétude. Evitez la, je ne sais rien de plus désagréable que d’aller sous bois à l’aventure.

Dernières campagnes. Notes et impressions d'alpinisme

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