Читать книгу Études et recherches sur l'alimentation et le travail du cheval de troupe - Jean Louis Rigollat - Страница 10
§ III. — Phénomènes chimiques de la digestion.
ОглавлениеRôle des sucs digestifs. — Les actions chimiques qui s’accomplissent dans le tube digestif ont pour résultat la dissolution des substances alimentaires et pour but final l’absorption de ces substances. Lorsque les aliments sont insolubles, les sucs intestinaux leur font subir des métamorphoses qui les rendent diffusibles et leur permettent de pénétrer dans le cercle fermé de la circulation. Lorsque les matières alimentaires sont solubles, les liquides digestifs n’interviennent souvent que pour les dissoudre; quand ils agissent chimiquement sur elles, c’est toujours à l’état de produits diffusibles qu’ils les livrent à l’absorption.
Les divers départements du canal digestif agissent d’une manière différente sur les aliments et leur impriment des modifications spéciales. Il ne faut pas croire pour cela que l’action de chaque partie de l’intestin soit locale et isolée. Les métamorphoses déterminées par les divers fluides digestifs commencent au point où ces fluides sont sécrétés, là où ils se trouvent d’abord en contact avec les aliments; mais, la plupart du temps, les sucs intestinaux qui imbibent les subtances alimentaires et les accompagnent dans leur trajet continuent et achèvent leur action dans d’autres parties de l’intestin.
Les liquides digestifs qui métamorphosent et dissolvent les aliments sont: la salive, le suc gastrique, la bile, le fluide pancréatique, et le suc intestinal.
Action de la salive. — En nous occupant du rôle mécanique de la salive, nous avons dit que ce liquide, élaboré et sécrété par des organes glandulaires spéciaux, possède des propriétés variables selon la situation des glandes qui le fournissent, et nous avons vu, en même temps, comment il facilite la mastication et la déglutition des substances alimentaires. Examinons maintenant les modifications chimiques que ce fluide fait éprouver à ces mêmes substances.
La réunion des diverses sortes de salives qui s’écoulent dans la bouche forme la salive mixte, dont la composition seule nous intéresse, parce que de cette composition dérive sa fonction.
La salive mixte ou complète est un liquide transparent ou légèrement opalin, visqueux, inodore et de réaction alcaline qui contient environ 93 p. 100 d’eau, 2 p. 100 de mucus, 5 p. 100 de sels alcalins et une quantité variable de débris d’épithélium pavimenteux. Traitée par l’alcool, après filtration, elle précipite une matière organique azotée, soluble dans l’eau et appelée ptyaline ou diastase salivaire. Cette substance, véritable ferment soluble, analogue, sinon identique, à la diastase qui se développe dans les graines en germination, jouit, comme elle, de la propriété de transformer l’amidon en glucose.
Ce ferment diastasique caractérise la salive; il en est le principe actif. C’est lui, en effet, qui, par son contact avec une matière amylacée quelconque, — amidon, fécule ou cellulose jeune, — la transforme promptement en dextrine et la rend diffusible. Une action plus prolongée de ce ferment salivaire avec les aliments féculents fait passer la dextrine à l’état du sucre, absolument comme le ferait la diastase qui se forme dans l’orge germée. La digestion des substances amylacées et de la cellulose jeune est donc d’autant plus complète que le fonctionnement des glandes salivaires est plus actif et que l’insalivation du bol alimentaire est plus parfaite.
Le rôle de la salive dans les phénomènes chimiques de la digestion n’est pas seulement borné à l’action spéciale qu’elle exerce, par son ferment, sur les matières féculentes; elle dissout encore les substances sucrées et mucilagineuses et la plupart des sels nutritifs.
Action du suc gastrique. — Il existe dans l’épaisseur de la membrane interne de l’estomac une multitude de glandes utriculaires affectées à la sécrétion du fluide dissolvant. Ces glandes sont de deux sortes, quant à leur forme et à leur fonction. Les unes, simples ou composées, exclusivement disséminées dans la partie veloutée de la muqueuse stomacale des équidés, sont tapissées intérieurement de cellules à pepsine, polygonales et finement granulées. Ce sont ces éléments vésiculeux qui élaborent la partie active du suc gastrique.
Les autres organes glanduleux de l’estomac, également simples ou composés, sont dépourvus de cellules pepsiques et seulement tapissés d’un épithélium cylindrique. Ces glandes, surtout répandues en grand nombre près du pylore, plus exposé que le reste du viscère à être irrité par les aliments, sécrètent un mucus épais et abondant, qui enduit toute l’étendue de la muqueuse veloutée et la soustrait au contact immédiat des matières étrangères.
Le suc gastrique est un liquide incolore, limpide, d’une odeur faible, d’une saveur aigre et légèrement salée.
Sa densité est peu différente de celle de l’eau, sa réaction est constamment acide. Il contient 99 p. 100 d’eau, de petites proportions de sels, un ou deux acides libres et une substance organique dont il va être fait mention quelques lignes plus bas.
Les sels du fluide gastrique sont principalement constititués par des chlorures alcalins et terreux; on y rencontre aussi du phosphate de chaux, du carbonate de chaux et des sels de fer.
La présence de l’acide ou des acides qui paraissent exister en très faible proportion dans le suc gastrique n’est pas encore sûrement démontrée. D’après les uns, c’est de l’acide chlorhydrique; d’après les autres, c’est de l’acide lactique. Lehmann et Schmidt admettent que l’acidité de ce fluide est due à la présence de ces deux acides, qui s’y trouveraient l’un et l’autre en proportions peu différentes.
Indépendamment de l’eau, des sels et des acides, le suc gastrique renferme encore une substance organique azotée nommée pepsine, chimosine, ou gastérase, et à laquelle un rôle capital est dévolu dans les phénomènes chimiques de la digestion stomacale. Cette substance, qui a une grande analogie avec les matières albuminoïdes, jouit à elle seule de toutes les propriétés dissolvantes et digestives du suc gastrique. C’est elle, notamment, qui transforme les principes azotés des aliments en une matière propre à être absorbée.
Le suc gastrique, outre son action particulière due à la pepsine, agit encore par son eau et ses sels en produisant l’hydratation de la masse alimentaire, la désagrégation de ses parties constituantes et la dissolution aqueuse de quelques-uns de ses principes.
Digestion stomacale. — Arrivés dans l’estomac avec la salive qu’ils ont entraînée, les aliments se gonflent, s’hydratent, se ramollissent, se délayent et s’imprègnent de suc gastrique. Ils séjournent dans cet organe pendant un temps qui varie selon leur nature et suivant la résistance qu’ils opposent à l’action de la diastase salivaire et de la pepsine. Mais, quelle que soit la durée de la digestion stomacale, elle ne transforme jamais la totalité des aliments sur lesquels elle agit. Il s’échappe toujours par le pylore une certaine quantité de substances pulvérulentes, pulpeuses, non dissoutes, dont les unes continuent à se modifier dans l’intestin, tandis que les autres sont converties en matières fécales après avoir résisté à la dissolution et à l’absorption,
C’est surtout sur les matières albuminoïdes: sur la fibrine, l’albumine fluide ou coagulée, la caséine, la légumine, le gluten, etc., que la sécrétion stomacale exerce son action. Sous l’influence du suc gastrique, ces différents principes azotés s’hydratent, se ramollissent, se désagrègent, éprouvent ensuite des modifications dans leur constitution moléculaire et dans leurs propriétés chimiques et finalement se transforment en une substance neutre, diffusible, apte à pénétrer dans le chyle et dans le sang et à laquelle on a donné le nom de peptone ou d’albuminose.
Les substances féculentes, les matières amylacées et la cellulose jeune, déjà fortement imprégnées de salive, continuent à se saccharifier dans l’estomac, où elles trouvent d’autres produits de sécrétion capables de seconder l’action du fluide salivaire et même de le suppléer jusqu’à un certain point. Toutefois, chez les animaux monogastriques, la conversion glycosique de ces principes n’est jamais complète par suite du court séjour que font les aliments dans l’intérieur du renflement stomacal.
Les sels minéraux nutritifs, les matières sucrées, les gommes, le mucilage, la pectine peuvent être modifiés ou dissous dans ce viscère, soit par les acides lactique, butyrique qui se forment dans la masse alimentaire, soit par la ptyaline qu’elle entraine avec elle.
Les opérations essentielles de la digestion stomacale ont donc pour effet de saccharifier les matières amylacées, de dissoudre les substances salines, sucrées, mucilagineuses, etc., et de rendre diffusibles les principes protéiques.
L’agent qui saccharifie les premières et dissout les secondes est le fluide salivaire; celui qui transforme les dernières est le suc gastrique. En examinant les aliments contenus dans l’estomac d’un animal en cours de digestion on y constate les deux actions de la salive et du liquide gastrique plus ou moins avancées, suivant le temps qui s’est écoulé depuis le repas. On y rencontre aussi d’autres substances résultant des altérations spontanément produites dans la masse et enfin d’autres encore qui ont conservé l’état dans lequel elles ont été ingérées. De ce nombre sont les matières grasses sur lesquelles ni la diastase salivaire ni la pepsine n’ont aucune action.
Toutes ces matières, ainsi modifiées ou non par la digestion stomacale, forment une sorte de pâte ou de bouillie plus ou moins épaisse, suivant l’état d’avancement du phénomène et la quantité de liquide mêlée à la masse, soit par la nature même des aliments, soit par les boissons ingérées en même temps que ceux-ci. Cette pâte, appelée chyme, est donc une substance fort complexe dans laquelle entrent toutes les matières introduites dans l’estomac, plus celles que la muqueuse de cet organe fournit elle-même par la sécrétion de ses glandes et qui sont les éléments organiques et minéraux du suc gastrique.
Le chyme, qui est ainsi plus riche que les aliments, notamment en acide phosphorique, franchit l’estomac à mesure qu’il se produit, à mesure que les actions dont il vient d’être question sont suffisamment avancées pour que le séjour dans le viscère ne soit plus nécessaire.
Action de la bile. — La sécrétion du foie est continue, mais elle est peu abondante par rapport au volume de cet organe. Chez le cheval, la glande hépatique fournit environ 6,000 grammes de bile en vingt-quatre heures; au fur et à mesure de sa formation, ce liquide est versé dans l’intestin grêle par un conduit qui s’abouche, près du pylore, avec le canal principal du pancréas.
La bile est un liquide alcalin, brun verdâtre, d’une saveur à la fois douce et amère. Elle contient 80 à 90 p. 100 d’eau, des substances organiques et des sels minéraux, dont les principaux sont des chlorures, des phosphates et des carbonates alcalins et terreux. Le fluide biliaire est caractérisé par deux sels organiques à base de soude dont les acides sont l’acide cholique et l’acide choléique; par une matière grasse neutre cristallisable, la cholestérine; et par une matière colorante azotée, la biliverdine, qui a la propriété de devenir bleue sous l’influence de l’acide azotique.
La bile est un liquide excrémentitiel dont la matière colorante surtout se retrouve complètement, à l’état solide, dans les résidus de la digestion. Toutefois, bien qu’il soit avant tout dépuratoira, le liquide biliaire contribue, par sa propriété alcaline, à la digestion. Il rend les graisses diffusibles partiellement en les saponifiant; il contribue à neutraliser l’acidité du chyme, tant par ses alcalis libres que par les sels dont la composition met la soude en liberté ; enfin, par l’eau qu’il contient, il dissout la plupart des matières alimentaires et exerce une certaine influence sur les élaborations intestinales.
Action du fluide pancréatique. — Ce fluide, sécrété par une glande abdominale, dont la structure anatomique rappelle celle des glandes salivaires, est, chez les équidés, versé d’une façon irrégulière dans le duodénum au même point que la bile.
Il est incolore, sans odeur, d’une saveur un peu salée, très peu visqueux et incoagulable chez les solipèdes, alcalin et très putrescible chez tous les animaux. Sa partie essentielle est une substance analogue aux matières albuminoïdes, désignée sous le nom de pancréatine ou de diastase pancréatique.
Indépendamment de cette matière organique, qu’on a confondue à tort avec l’albumine, le suc pancréatique renferme une grande quantité d’eau, du mucus, des traces de matières grasses, des chlorures et des phosphates de soude et de potasse, des carbonates et des sulfates alcalins, des carbonates et des sulfates terreux, de. la leucine et de la tyrosine.
En somme, le fluide pancréatique est un produit spécial et non une espèce de salive, comme on l’avait conjecturé. Des recherches récentes tendraient même à le faire considérer comme le véhicule de trois ferments qu’on croit susceptibles d’être isolés.
Il a évidemment pour office de délayer le chyme par son eau et d’en neutraliser l’acidité par ses sels alcalins. Mais son rôle essentiel parait être de saccharifier la fécule, d’émulsionner les matières grasses et de contribuer, à un certain degré, à la dissolution des substances albuminoïdes. Il semble donc avoir pour fonction de parachever la digestion gastrique en attaquant au passage les matières qui auraient pu échapper à celle-ci.
Action du suc intestinal. — Dans toute l’étendue de l’intestin, depuis le pylore jusqu’à l’anus, la membrane muqueuse sécrète un liquide particulier qui modifie aussi les substances alimentaires, et qu’on appelle suc intestinal.
Ce liquide, dont l’action est à peu près bornée à l’intestin grêle, est évidemment un produit complexe, car il y a dans l’épaisseur de la muqueuse intestinale des glandes de Brunner, de Payer, de Licberkünh et enfin des follicules solitaires qui très probablement ne sécrètent pas un liquide identique.
Extrait de l’intestin grêle, après qu’on a débarrassé de son contenu une anse intestinale et isolé cette partie du reste de l’intestin à l’aide de deux compresseurs (procédé Colin), le suc intestinal se présente sous l’aspect d’un liquide alcalin, transparent, légèrement jaunâtre et d’une saveur un peu salée. Il contient du mucus, de l’eau, des matières grasses, de l’albumine, du chlorure de sodium, du phosphate de soude, du carbonate de soude et une substance organique non définie.
Pris en masse, le fluide intestinal jouit de propriétés distinctes: 1° il délaye, hydrate le chyme et facilite ainsi les actions osmotiques; 2° il en sature l’acidité en vertu de sa réaction alcaline; 3° il transforme la fécule en sucre; 4° il émulsionne les graisses, mais à un moindre degré que la bile et le suc pancréatique; 5° enfin, il paraît dissocier et dissoudre les matières albuminoïdes, qui ont échappé à l’action du suc gastrique.
En réalité, le suc intestinal est l’adjuvant des autres liquides digestifs. Il possède, comme la bile et le suc pancréatique, la propriété de rendre diffusibles les matières amylacées; il supplée, dans une certaine mesure, l’action du fluide gastrique pour la digestion des substances albuminoïdes; enfin, il continue le rôle de la bile et du suc pancréatique pour l’émulsion des principes gras.
Digestion intestinale. — En examinant, comme nous venons de le faire, l’action isolée de la bile, du suc pancréatique et du fluide intestinal, nous nous sommes placé à un point de vue purement expérimental.
En fait, ces trois liquides agissent simultanément sur les aliments déjà infiltrés de salive et de suc gastrique.
Leur mélange constitue un fluide mixte alcalin, possédant à lui seul la faculté de digérer les aliments de toute sorte.
Dans les phénomènes normaux de la digestion, quand la masse alimentaire a traversé l’estomac et le petit intestin, l’action des sucs digestifs a été à peu près épuisée sur elle; par conséquent, le rôle du gros intestin, dans l’accomplissement des réactions chimiques dont nous venons de parler, peut être considéré comme nul ou à peu près. Toutefois, chez les équidés, où cette portion du tube intestinal est très développée, l’action de la diastase se continue sur les matières féculentes, dont leur alimentation est extrêmement riche. On a même constaté que les matières albuminoïdes y sont digérées dans une certaine proportion; c’est ce qui explique l’action des lavements nutritifs.
Osmose intestinale. — A mesure que le chyme circule le long de l’intestin, toutes les substances solubles, naturellement diffusibles ou rendues telles par l’action digestive, — les sucres, la dextrine, la peptone, les matières grasses émulsionnées, — sont absorbées ou dyalisées par les villosités de ce conduit, et passent dans le sang des veines intestinales, ou dans la lymphe des chylifères qui rampent dans l’épaisseur du mésentère, pour se rendre dans la circulation générale.
On donne le nom de chyle au liquide qui pénètre dans les vaisseaux chylifères, et non pas à la bouillie alimentaire contenant des matières qui ne seront pas absorbées du tout, et d’autres qui le seront par les veines.
C’est dans l’intestin grêle que la bouillie alimentaire cède à la dialyse la majeure partie des matières rendues diffusibles par la digestion. Celles de ces dernières qui ont échappé à l’action osmotique de cette portion du tube intestinal sont absorbées dans le gros intestin, et surtout dans le cœcum, lavées qu’elles y sont par la grande quantité d’eau qui les délaye. On admet que les substances non digérées, la cellulose notamment, subissent, en séjournant dans le cœcum, une fermentation analogue à celle qui, dans les marais, dégage de l’hydrogène carboné. Ainsi s’explique la production des gaz intestinaux, et la distension parfois considérable qu’ils exercent sur les parois du sac cœcal.
En passant de là dans le côlon, les matières alimentaires ne se composent guère plus que des résidus de la digestion, dans lesquels la fluidité diminue de plus en plus.
Dans la portion flottante du gros intestin, ce ne sont plus que des excréments prenant la forme et l’aspect sous lesquels ils seront expulsés.