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RAPPORT
Оглавлениеadressé au Ministre de la Guerre par la Section technique de la Cavalerie sur le mémoire présenté au concours par M. RIGOLLAT, Vétérinaire militaire.
Ce mémoire a pour titre: Etudes et recherches sur l’alimentation et le travail du cheval de troupe, et pour devise: «C’est surtout l’expérimentation physiologique qui nous révèle les propriétés nutritives des aliments.»
Dans un avant-propos modeste, l’auteur trace le but qu’il s’est proposé d’atteindre: celui de démontrer que l’alimentation du cheval doit être en proportion avec son travail, assurer la réparation de l’énergie consommée, l’entretien de la machine animale et le perfectionnement de ses aptitudes mécaniques.
Le mémoire est divisé en deux parties.
La première partie embrasse l’étude de la digestion, de l’alimentation, de la nutrition, de la calorification et du travail musculaire.
Après avoir retracé avec soin, quoique à grands traits, les phénomènes préparatoires, mécaniques, et les phénomènes essentiels, chimiques, de la digestion, l’auteur aborde l’étude des aliments.
Il établit tout d’abord, selon les doctrines modernes, la division des principes immédiats, qu’ils renferment en principes azotés ou quaternaires et en principes non azotés, ternaires ou hydrates de carbone et subordonne la valeur nutritive de l’aliment à la quantité et à la qualité de ces deux principes.
Puis il fait remarquer que l’on ne peut fixer cette valeur d’une façon absolument certaine par l’analyse chimique, car les matières azotées sont dosées en bloc, pour ainsi dire jointes à des composés azotés non assimilables ou amibes; et, de même dans les matières grasses, sont dosés des carbures d’hydrogène, des résines, etc.; mais que l’on s’approche sensiblement de la vérité.
Une table de von Gohren détaille la composition moyenne des substances employées dans l’alimentation du cheval de troupe, avec indication de leur richesse en matières minérales et des variations maxima et minima qu’elles peuvent présenter.
C’est ainsi que la relation nutritive ou digestive que représente la formule chimique est susceptible de se modifier.
L’auteur signale le rapport qui doit exister entre le coefficient nutritif d’un aliment et la puissance d’assimilation de l’organisme aux différentes phases de la vie et montre, avec les chimistes allemands, l’influence qu’exerce cette relation nutritive sur la digestibilité.
Plus la relation entre ces deux termes est étroite, plus l’aliment est digestible.
Mais, toutefois, la digestibilité relative des principes alibiles de deux aliments n’étant comparable qu’à digestibilité absolue égale et celle-ci différant d’après leur relation nutritive, il est indispensable d’établir une digestibilité moyenne qui donnera la relation nutritive probable de l’aliment.
On ne peut l’obtenir qu’en évaluant la digestibilité relative des principes immédiats de l’aliment.
Différents expérimentateurs l’ont fait pour chacun d’eux, notamment Schneider, en France, pour les matières protéiques, avec plus de certitude que Stochman.
De l’ensemble de ces travaux, il résulte qu’on peut exprimer par un nombre en centièmes le coefficient de digestibilité de l’aliment, c’est-à-dire la proportion de substance que chaque principe immédiat nutritif ou chaque aliment particulier fournit à l’assimilation.
Il est facile d’entrevoir, comme corollaire, qu’il peut s’établir — mais seulement entre les aliments de même nature, de provenance analogue et d’égale digestibilité, — des relations d’équivalence. En d’autres termes, certains aliments d’une même catégorie, soit bruts et grossiers, soit riches et concentrés, peuvent se remplacer entre eux, eu égard à leur effet nutritif, comme par exemple la paille de seigle et la paille d’avoine, le trèfle et la luzerne, l’orge et le maïs, mais non le foin et l’avoine, la paille et la farine d’orge, qui ne sont pas de même ordre.
Parallèlement au coefficient de digestibilité de l’aliment, on peut dresser la table des coefficients de digestion de l’animal.
Ceux-ci varient avec l’individualité ; mais, dans chaque espèce, on peut déterminer l’aptitude digestive pour la protéine, les extractifs non azotés, la cellulose, etc.
Les différentes préparations que l’on fait subir aux aliments ont pour but d’augmenter l’un ou l’autre des coefficients.
Mais l’auteur fait, avec raison, une réserve pour l’avoine, qui ne se prête pas aux manipulations.
Le mélange ou plutôt la réunion d’un certain nombre d’aliments consommés en une journée constitue la ration journalière, où l’animal doit trouver la quantité et la qualité des matériaux qui lui sont nécessaires, mais dont la base, l’élément essentiel d’entretien doit être la nourriture que cet animal appète le plus à l’état de nature et qui, pour le cheval, est le bon foin de pré.
Une fois l’équilibre de la machine alimentaire assuré, il faut préparer, par l’augmentation des matières premières, la production du travail extérieur ou disponible.
Et comme une plus grande somme de l’aliment essentiel d’entretien aurait l’inconvénient de fournir une quantité de cellulose brute dont le volume est peu en rapport avec la capacité digestive de l’estomac et surtout avec la proportion de protéine nécessaire à la production de la force, il faut emprunter le complément de la ration aux aliments concentrés.
Cet aliment de force ou complémentaire est l’avoine pour le cheval.
La paille, riche en cellulose, fournit un résidu d’un lest suffisant à l’intestin et entre dans la composition de la ration comme aliment adjuvant.
Cet ensemble doit présenter une relation nutritive convenable qu’il faut rechercher dans une heureuse proportion.
L’auteur cite comme exemple la ration d’état-major et des chevaux de réserve (foin 4, paille 4. avoine 5,050) du tarif de 1881 et montre qu’avec une augmentation d’avoine et de foin en remplacement de la paille, comme dans la ration de route, la relation digestive est plus favorable.
Pour ces données intéressantes, l’auteur a su tirer le plus grand parti des travaux de. ses devanciers. Il a mis à profit les expériences de l’école allemande Haubner, de Stohmann, Gohren, Henneberg, Dietrich, etc., et des zootechniciens français: Beaudemont, Sanson, Grandeau, Schneider, etc., et il a résumé d’une façon parfaite ce que la science a recueilli de plus certain dans l’étude de ses rapports avec la production du travail.
Un chapitre est consacré à l’étude de l’absorption et des liquides nourriciers, le chyle et le sang.
L’auteur rappelle que la nutrition des éléments anatomiques composant les tissus s’opère par voie d’assimilation et d’échanges moléculaires qui constituent les phénomènes vitaux cellulaires, et que le renouvellement des matériaux nutritifs se complète par l’élaboration des produits de sécrétion glandulaire (salive, suc gastrique, suc intestinal, etc.) nécessaires à la continuation de la vie.
Enfin, cette première partie se termine par deux intéressantes expositions des théories modernes sur la calorification et le travail musculaire et sur les conséquences qui en découlent.
C’est ainsi que l’on voit les différentes transformations cellulaires mettre en évidence le principe, l’attribut même de la matière et devenir sources d’énergie, dont les manifestations principales sont la chaleur animale et la contraction musculaire.
Ces deux forces sont en rapport direct avec la proportion digérée des subsistances alimentaires et peuvent se transformer par équivalence. C’est ainsi que la chaleur donne du travail et le travail de la chaleur.
Les causes de celle-ci sont sorties du domaine des hypothèses, nettement dégagées par les travaux des savants français tels que Berthelot, Chauveau, Muntz, Richet, etc.
Il n’en n’est pas de même de la contraction musculaire, dont le mécanisme seul connu, peut être rapporté à la théorie d’Alby, de l’onde musculaire, que les recherches de Marey ont confirmée.
L’excitation nerveuse tient cette contraction sous sa dépendance, et l’énergie potentielle qui la régit n’est autre que la chaleur introduite dans l’organisme par les aliments, la protéine principalement, et accumulée en tension dans le tissu musculaire; de même, cette énergie non utilisée se manifeste comme chaleur sensible en accroissant la température.
Ce dégagement de l’énergie implique la nécessité d’équilibrer la dépense des forces par les apports nutritifs, faute de quoi le poids de la machine diminue tandis que s’opère son usure prématurée.
La connaissance de l’équivalent mécanique des aliments rapporté à la quantité de protéine digérée permet d’évaluer le rendement de la ration en énergie potentielle.
Et, si, d’autre part, comme l’ont fait les généraux Morin et Poncelet, on calcule dynamométriquement la somme des efforts correspondant à un travail donné, on peut réduire en kilogrammètres l’équivalence d’une ration alimentaire, et réciproquement.
C’est sur ces données que repose la seconde partie du mémoire.
Cette deuxième partie est intitulée: Production et exploitation de la force motrice.
Elle se résume dans cette phrase que l’auteur a placée en vedette, et dont Ellemberger a de-montré l’exactitude: «L’aptitude mécanique de la machine animale est en rapport avec sa capacité digestive.»
C’est, du reste, le mémoire du savant physiologiste de Dresde qui a provoqué, en décembre 1886, l’augmentation de la ration d’avoine dans l’armée allemande.
Les essais dynamométriques de Fritz, de Zurich, et de Sanson, en France, portent l’effort moyen du cheval à 83 kilogrammètres par seconde, quantité supérieure de 8 kilogrammètres à l’unité cheval-vapeur (75 kilogrammètres), qui a servi de base aux mécaniciens pour l’évaluation de la force des machines.
Ellemberger évalue à trois millions et demi de kilogrammètres le travail journalier du cheval en campagne et utilisant son maximum de capacité digestive.
Dans le chapitre de la décomposition du travail, l’auteur distingue:
1° Le travail intérieur des échanges moléculaires et des grandes fonctions de la vie, auquel suffit la ration d’entretien;
2° Le travail extérieur, exigeant le déplacement de la masse du corps et qui varie, non seulement par la masse et la vitesse ou le chemin parcouru pendant l’unité de temps, comme dans les machines à vapeur, mais aussi suivant l’allure de la marche.
D’ingénieuses expériences de Sanson ont permis de constater que l’effort était au pas de 0.05 du poids vif, et, aux allures rapides, de 0.10;
3° Le travail disponible, que l’on calcule en soustrayant du travail total la somme des deux précédents.
L’utilisation du travail se fait, dans l’armée, en mode de masse, c’est-à-dire aux allures lentes, et en mode de vitesse, aux allures vives du trot et du galop, le moteur étant monté ou attelé.
Si, en mécanique générale, il y a un rapport simple d’équivalence entre l’effort dépensé et l’effet produit, ou, autrement, si une machine perd en vitessse ce qu’elle gagne en effort, et réciproquement, il n’en n’est pas de même chez le cheval, où, en doublant la vitesse, on quadruple le travail nécessaire pour le transport de la même masse.
L’auteur, partant de cette idée que les moteurs animés doivent être appropriés aux modes de travail pour lesquels on les destine, discute la question des aptitudes spéciales.
Celles-ci sont subordonnées, en premier lieu, au volume des masses musculaires; mais ce volume ne doit pas dépasser une mesure raisonnable, car, si la puissance croît comme le carré des augmentations des diamètres des muscles, le poids de la masse à déplacer, c’est-à-dire du cheval lui-même, croît comme le cube de ces mêmes augmentations. C’est pourquoi l’augmentation du poids du corps favorise et commande les allures lentes.
En second lieu, pour les grandes allures, où les rayons osseux doivent avoir toute leur amplitude d’oscillation, des membres longs en intensité de contraction longitudinale plus grande seront préférables et commanderont la structure générale plus élancée de la machine animale.
En troisième lieu, les chevaux doivent être doués d’une excitabilité nerveuse en rapport avec les conditions que doit remplir le moteur.
Enfin, la puissance digestive, qui gouverne pour une forte part l’aptitude mécanique, étant inversement proportionnelle au poids du corps, il y a tout intérêt à exiger du cheval de guerre une conformation moyenne, plutôt légère que volumineuse et massive, et animée d’une force excito-motrice bien équilibrée, c’est-à-dire douée d’un degré de sang conforme à ses qualités physiques.
L’auteur, comparant le rendement des moteurs animés, se base sur les expériences effectuées aux omnibus de Paris pour donner la préférence aux chevaux hongres et aux juments sur les chevaux entiers, et estime que, à différence de race, les chevaux orientaux et leurs croisements sont plus aptes à fournir du travail utile que les chevaux de race occidentale.
Les éléments scientifiques précédents viennent prêter leur appui au calcul du travail, qui se formule dans une équation exacte entre l’alimentation du moteur et la quantité d’énergie qu’il dégage pour accomplir son service.
L’auteur emprunte au général Morin le résultat de ses expériences et constate que le tarif des rations de décembre 1887 appliqué aux chevaux de l’artillerie, a entraîné pour eux, surtout pour les chevaux d’une conformation au-dessus de la moyenne, une perte de poids en rapport avec l’insuffisance de l’alimentation et dont la conséquence est l’usure prématurée.
De même pour les chevaux de la cavalerie, devant la nécessité de maintenir la vitesse des allures, la durée des exercices et des manœuvres, doit-on chercher dans l’allégement de la charge, une compensation aux conditions restreintes imposées à l’entretien de la machine animale.
Ces deux derniers chapitres sont comme la conclusion de tout le travail.
L’auteur, envisageant l’étude de la ration du cheval de troupe, en calcule la valeur nutritive.
Il se base:
1° Sur le rapport inférieur à 1/5 qui doit exister entre les matières azotées ou protéiques et les matières non azotées;
2° Sur le second rapport de 1/100 de l’aliment essentiel d’entretien, c’est-à-dire du foin, au poids vif;
3° Sur la nécessité de maintenir par la présence d’un aliment de lest suffisant et d’un prix peu élevé, la paille, le système digestif dans un état de plénitude favorable à la digestion et à l’absorption des principes nutritifs;
4° Sur la propriété excitante particulière à l’avoine, que M. Sanson est parvenu à isoler et à mettre en évidence;
5° Sur l’importance de cette denrée au point de vue de sa richesse alimentaire.
Et de toutes ces considérations il arrive a déterminer une composition de ration qui puisse remplir ce but multiple de l’entretien de l’organisme, de la réparation des pertes causées par le travail, et de l’augmentation de l’aptitude mécanique de la machine animale, — le tout en ménageant les nécessités budgétaires et au mieux des intérêts si grands de la défense nationale.
Voilà quel est l’objet de ce mémoire.
Nous tenons à rendre à l’auteur cette justice qu’il a su intéresser à l’étude de ces problèmes si difficiles et que son travail rappelle ces ouvrages spéciaux que l’on est heureux de rencontrer, parce qu’ils sont comme l’expression des connaissances scientifiques les plus complètes et qu’ils résument d’une façon parfaite le sujet qu’ils ont traité.
Le soin avec lequel ce mémoire, bien écrit, a été composé et la note utilitaire qui s’en dégage le signalent d’une façon particulière à l’attention de la Section technique du comité de cavalerie, qui propose son insertion dans le Recueil des mémoires et observations d’hyyiène et de médecine vétérinaires militaires, et émet l’avis de décerner à l’auteur la plus haute récompense, la médaille d’or d’une valeur de 500 francs.