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II

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LE PLUS BEAU SPORT DU MONDE

Les courses!... Qu’y a-t-il, au juste, au fond de ce mot magique, auquel rêvent les jeunes gens et dont les parents s’épouvantent? Ne sont-elles vraiment qu’une occupation frivole, et ce qu’elles ont de dangereux l’emporte-t-il à ce point sur ce qu’elles représentent d’utile? Nous ne le croyons pas. Leur double utilité au point de vue de l’élevage et au point de vue du commerce de luxe ne saurait être niée que par des adversaires systématiques. Il est pratiquement certain, d’une part, qu’elles sont indispensables à un pays qui veut avoir une cavalerie. Elles sont le seul et unique mode de sélection valable et, sans sélection, pas de race possible. D’autre part, il est plus indiscutable encore qu’elles représentent un épanouissement de la richesse, dont une ville comme Paris profite plus particulièrement. Il serait injuste que toutes leurs séductions adjacentes fissent oublier leur raison d’être initiale. Pensons-y de toutes nos forces, pendant qu’il en est temps encore.

Il sera trop tard, sitôt que nous aurons mis le pied sur un hippodrome. Des courses, nous ne verrons plus alors que les avantages extérieurs, l’extraordinaire influence attractive, le prodigieux pouvoir d’illusions. Nous ne connaîtrons plus que l’enchantement, sans cesse renouvelé, de leur spectacle, les grâces de leurs décors, l’impression qu’elles donnent de la facilité de la vie. Par elles il nous est soudainement accordé de ne plus apercevoir autour de nous rien de médiocre, ni de pénible. Quelque chose flotte dans l’air, qui monte un peu à la tête, met de l’allégresse dans les yeux et de la victoire dans l’âme. C’est un premier contact électrisant.

Et tout d’abord l’enchantement va grandissant. La vue seule d’un cheval de courses est une belle chose en soi. Même au repos, ce chef-d’œuvre de la nature est éminemment plastique; il unit les attributs de la force et l’élégance des lignes, la simplicité harmonieuse et le détail raffiné. A plus forte raison passionne-t-il, quand se joint à la beauté de son modèle sa générosité dans le combat. Dès que s’élance le peloton multicolore, de quelle exquise émotion n’est-on pas soudain envahi?

Mais, dans le même moment, se lève la tourmente, qui, sans balayer le plaisir, en altère la pureté. Si tout va bien, ce n’est qu’une gamme montante, qui débute par de l’espoir, continue crescendo en délectation, et finit en enthousiasme. Si tout va mal, descente brusquée! L’espoir devient de l’inquiétude, la délectation de l’angoisse, l’enthousiasme du désespoir. La clameur qui accompagne une arrivée fait foi de la passion collective. L’homme le plus flegmatique ne peut s’en défendre, et, même s’il demeure silencieux, il devient plus rouge ou plus pâle. Nulle part, autant que sur les champs de courses, les physionomies ne reflètent l’intensité des sentiments.

C’est que l’émulation sportive est une chose, et que gagner ou perdre de l’argent en est une autre. Dans la vaste clameur, il y a bien une petite part générale accordée à l’intérêt qui se dégage de la lutte elle-même, à la valeur de l’effort athlétique, mais il y a surtout l’écho des gains et des pertes de chacun. Ce spectateur-ci, dont le cheval est en train de prendre l’avantage, apporte sa note joyeuse, son encouragement heureux; celui-là, dont les espérances s’effondrent, exhale en invectives son amère déception. En cette dualité d’éléments émotifs réside la caractéristique essentielle des courses, à laquelle on ne saurait attacher trop d’importance, et qui, en fait, commande toute la situation. Ne perdons jamais de vue, lorsque nous parlons courses, qu’elles sont à la fois le plus beau sport du monde, et le moins désintéressé.

Ceci posé, dont la suite de l’histoire précisera les conséquences, autorisons-nous à plaindre les malheureux qui, toute leur vie, s’étiolent entre quatre murs, le front courbé sur d’ingrates besognes. Ils ignorent nos joies inégalables du plein air, où nous acquérons la santé du corps, et qui, faites de triomphes et de désastres, nous valent la solidité du cœur et la discipline de l’esprit.

Si les chevaux pouvaient parler... ou quelques vérités sur les courses

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