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L’ENTRAÎNEUR

On va répétant volontiers que ce sont les bons chevaux qui font les bons entraîneurs, qu’une rosse reste une rosse, même entraînée par un as, tandis qu’un cheval qui galope gagne des courses entre les mains de n’importe qui.

Nous ne partageons pas du tout cette façon de voir, et croyons beaucoup, au contraire, à l’influence de la valeur professionnelle de l’entraîneur sur les destinées publiques du cheval. Nous avons maintes fois constaté qu’un cheval gagne un nombre respectable de livres, — ou les perd — en passant d’une maison dans une autre. Le plus souvent l’amélioration constatée n’est pas une simple coïncidence avec des progrès naturels accomplis par l’animal. Elle résulte d’une initiative humaine très précise, dont le cheval se trouve bien, parce qu’elle témoigne à la fois d’une compréhension meilleure de ses besoins et d’un sens plus exact des réalités du moment.

Il est de tradition que la cuisine soit bonne chez un entraîneur, et sa table est une des dernières où l’on puisse sans imprudence accepter de déjeuner. Cette saine appréciation des choses de sa salle à manger peut n’être pas sans répercussion utile sur les boxes de son établissement d’entraînement. Nous n’en sommes plus à la méthode du travail intensif, au type du pur-sang extra-sec, sans une once de chair superflue. Aujourd’hui la mangeoire est devenue la collaboratrice indispensable de l’allée d’entraînement, et l’entraîneur qui gagne Je plus de courses n’est plus celui qui donne à ses chevaux le meilleur travail, c’est celui qui les nourrit le mieux.

La concurrence est de jour en jour plus redoutable; il faut, pour pouvoir continuer à lutter à armes égales, se tenir au courant de tous les progrès, et, si besoin est, faire comme le voisin. Un beau jour, on s’avise que l’Amérique, plus entreprenante, en sait plus long que la vieille Angleterre et la brave France, un peu routinières. Il ne s’agit pas d’y mettre de l’orgueil et de s’obstiner contre l’évidence. Il s’agit de se mettre au plus vite à la page. Rendons cette justice à la France qu’on n’a pas eu besoin de le lui dire deux fois; elle a tout de suite très bien compris. Depuis la venue sur notre sol du premier entraîneur américain, nous avons beaucoup appris, et, par la suite, le plus fort d’entre eux, Duke, a pu retourner chez lui content: il a laissé de bons élèves.

Le travail ne suffit donc plus à lui seul, et demande à être complété par la science alimentaire. C’est pour l’entraîneur un élargissement sensible du point de vue. Au lieu de quelques connaissances simples et fixes, il lui est maintenant nécessaire de posséder quantité de notions complexes et variables. Dans la préparation de l’athlète moderne, on ne sacrifie plus tout au muscle; chaque organe réclame ses soins spécifiques, et, plus qu’aucun autre, celui-là même dont on abuse le plus, bien qu’il soit le plus fragile, le cœur. Car on a fini par comprendre que c’est avec le cœur, et non avec les jambes, qu’on gagne une course difficile.

Pour juger d’un être, quel qu’il soit, on dit familièrement qu’il faut savoir ce qu’il a dans le ventre. C’est d’une parfaite justesse en ce qui concerne les chevaux de courses. Aussi bien n’y a-t-il là rien que de très compréhensible et de tout à fait licite. Les courses sont, aujourd’hui, à ce point plus nombreuses que jadis, l’effort demandé est si fréquent, qu’on est amené par la force même des choses à étudier de plus près la nature et, dans les limites permises, à l’aider.

Le vieil entraîneur, qui se refuse à souscrire à cette évolution nécessaire, continue, sur les Aigles, le travail traditionnel, et n’envoie sur l’hippodrome que des chevaux fin-prêts. Mais ses champions irréprochables ne connaissent plus que la défaite, un certain état de bonheur interne l’emportant, de nos jours, sur une condition de derby.

Si les chevaux pouvaient parler... ou quelques vérités sur les courses

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