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Turin.

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J’ai vu Turin: mais je ne t’en ferai pas la description, car d’autres l’ont faite déja avant moi, et mieux sans doute que je ne saurais la faire. Je me contenterai de parcourir des yeux cette belle ville, et de faire, en passant, comme on dit, ces petites remarques qui me paraîtront plus propres à exciter quelque intérêt.

Si tu gravis les côteaux délicieux, parsemés de maisons de plaisance, qui s’étendent le long du Po en présentant à la ville l’aspect le plus séduisant, tu embrasses Turin d’un coup d’oeil et tu jouis de la vue du panorama le plus beau que l’on ait jamais présenté à tes yeux. Cette capitale, à mon avis, n’est pas plus de la moitié de Milan, quoiqu’elle compte une population de 130 mille habitans. Cela m’a paru inconcevable d’abord, mais ayant ensuite appris que certaine comtesse, que l’on me montra, paie 1200 francs de loyer par an pour quatre belles chambres avec un balcon, rue du Po, je conclus que les pauvres gens et les boutiquiers seront entassés dans de petites chambres, et qu’il n’y aura pas de bouge inhabité. Il faut cependant faire une différence entre la vieille ville et la moderne. La vieille, qui s’étend vers les Alpes, n’offre rien de particulier: ses rues, ses maisons sont à peu près comme toutes celles que l’on rencontre dans les villes de province de notre Lombardie, aussi les loyers sont-ils modérés; la moderne, bâtie sur le côté opposé vers le Pọ , est d’une beauté, d’une élégance sans pareille. Les rues sont très-spacieuses, et les maisons, agréables à la vue, m’ont toutes l’air, si non de palais, au moins d’hôtels bien vastes, bien commodes et très-riches. Je suis néanmoins persuadé que tout cela n’est qu’apparence, ce dont je me suis presque convaincu en entrant dans leurs cours. Ces hôtels ont d’ordinaire trois ou quatre entrées, vu que les propriétaires ne sont presque jamais moins de trois ou quatre, lesquels, d’accord entre eux, te bâtissent une grande maison qui embellit la ville et ne gâte rien à leurs spéculations. — Ce qui m’a frappé le plus dans cette ville, c’est le point de vue qui se présente en entrant par le joli pont en pierre, bâti sur le Po. La vaste place de Vittorio Emmanuele, la rue spacieuse du Po qui suit en face, aboutissant sur la place du château, sont tout ce que l’on peut imaginer de plus délicieux à voir. La beauté des hôtels qui s’élèvent très-haut de chaque côté, et la magnificence des portiques qui se perdent dans le lontain, achèvent par faire de ce point de vue un véritable charme, un prestige, qui ne pourrait être rendu qu’en miniature par notre Grand-Théâtre à la Scala, moyennant la profusion éblouissante de tous ses feux, qui produisent tant d’illusion sur le spectateur. Sur la place du château s’élève le palais dit de Madame, dont la partie postérieure garde encore la forme d’un château, et la façade, vraiment superbe, ne sert que pour masquer un ample et magnifique escalier: à droite on voit la place du palais royal, et vis-à-vis, à perte de vue, s’étend la vaste rue de la Dora Grossa, qui finit par couper la ville en deux parties. Les maisons ici sont, comme les précédentes, belles et vastes, toutes de la même hauteur, et si régulières, que plusieurs personnes trouvèrent la ville de Turin trop monotone. Pour moi, je ne sais pas pourquoi on dira une ville toute entière monotone, parce qu’il y a deux ou trois rues qui le sont. S’il m’est permis de dire ce que j’en pense, cette uniformité ne m’a pas choqué : j’y ai trouvé au contraire quelque chose de neuf, quelque chose que l’on ne voit pas si facilement ailleurs et qui a fini par me plaire. Du reste il est très-faux de penser que les citoyens sont obligés par le gouvernement de maintenir cette régularité symétrique en bâtissant leurs maisons; ils n’y sont poussés que par un certain penchant, par un certain amour tout particulier qu’ils ont pour cette espèce d’ordre et de symétrie. — Ce que je souhaite à cette belle ville, ce sont des pavés comme les nôtres. On a essayé de les faire dans la rue du palais, mais, soit impéritie des paveurs, soit la qualité des cailloux faciles à se briser, ses pavés n’atteindront pas pour le moment à la perfection des nôtres. Toutes ces petitesses-là pourtant n’empêcheront pas de dire, que Turin est une des plus belles petites villes que l’on puisse voir. Ceux qui l’ont vue, il y a quelques années, ne l’auront sans doute pas trouvée si jolie. Une partie considérable de la nouvelle Turin sur les bords du Po est l’ouvrage de ces dernières années. Le roi lui-même, pour encourager ses sujets à étendre les bornes de sa capitale, fit bâtir de ses propres deniers de belles maisons, qu’il vendit ensuite par des loteries, et accorda à ceux de ses sujets qui auraient élevé des hôtels dans le susdit quartier, des privilèges assez grands; entre autres, l’exemption pour l’espace de 30 ans de tout impôt. La ville de Turin doit beaucoup à son roi actuel.

Voilà le peu que j’ai jugé à propos de dire sur Turin en général; si cela ne te suffit pas, j’espère que tu me tiendras compte au moins de l’envie que j’avais de te satisfaire. Adieu.

Un voyage à Paris

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