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L'AUTEUR

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Le moi est haïssable, dit Balzac, et il a dit vrai. J'ignore s'il existe quelque chose de plus lourdement bête que le moi, et j'ajoute, avec énergie, que la fatuité et l'égoïsme sont deux malins compères, qui conspirent contre la tranquillité des humains.

Pas n'est besoin, comme vous le voyez, d'avoir recours à M. de la Palisse pour trouver ces graves vérités. Mais, grand Dieu! ce tribut payé à d'honnêtes maximes ne me permet pourtant pas de faire ici le portrait de mon voisin.

Il faut bien, pour la clarté des événements de ce voyage, que je me présente au public, et, au risque d'ennuyer Balzac, je parlerai un peu de moi dans ce chapitre. Aussi, m'y voilà.

Je suis né comme tout le monde d'un père et d'une mère. Ils n'étaient ni riches ni pauvres, et de plus résidaient à Saint-Vincent de Paul.

Aucun événement remarquable ne signala mon entrée en cette vie, si ce n'est le grand choléra de 1852. Je n'en fus probablement pas cause.

Mon enfance ne se distingua par aucune qualité caractéristique, sauf un goût prononcé pour la pêche à la ligne, et une passion pour le latin. Des nuits entières je fus la terreur des barbues et anguilles de l'anse à Bleury, et à quinze ans j'étais en rhétorique.

Là s'arrêtèrent mes succès de collège, et après quelques autres triomphes à la ligne, je songeai à me créer une position. J'y ai bien réussi: je suis soldat.

Quant à mon physique, sachez donc tous que j'ai vingt-huit ans et cinq pieds dix pouces. Je porte moustache et barbe au menton. J'ai l'oeil brun le soir et gris le jour. Je n'ai ni taches de rousseur, ni grains de beauté nulle part. Je monte médiocrement à cheval, je tire mal de l'épée et très bien au pistolet. Je suis robuste et je ne sais pas danser. J'ai les cheveux très-noirs, un nez drôle et beaucoup de dettes.

J'étudie l'allemand et l'arabe. Je connais bien l'anglais, et j'habite l'Algérie. J'aime beaucoup le Canada, et je loge au troisième étage. Je raffole de la chaleur, et je sais un peu parler français.

Étant en outre affligé d'un petit talent de joueur de flûte, je file des sons si doux, si doux,—et je ne me gonfle certainement pas les joues.

Dernier détail, non le moins important, je me nomme Joseph, et je ne m'en réjouis pas. Ce nom m'a suivi jusqu'à ce jour, et je me suis toujours efforcé de ne pas en avoir l'air.

Là-dessus je me lâche, et vous emmène à ma suite sur les hauts plateaux algériens.

Assis au milieu de ma tente, je fais face au sud-est, et, suivant cette direction du regard, on y voit mon bidon. Je l'empoigne.

Expéditions autour de ma tente: Boutades militaires

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