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LE BIDON

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Je voudrais connaître le gaillard qui a fait mon bidon. Je lui donnerais une partie de ma pension de retraite, pour le récompenser des services que son oeuvre m'a rendus.

Le bidon est un monde, et ceux qui n'ont jamais apprécié ses qualités après la grande halte sont à plaindre. Tout est dans le bidon, et le mien est fameux.

Son gouffre de deux litres servit à bien des hôtes. A l'eau boueuses des Rédirs succéda l'eau salée des schotts. Celle-ci se laissa facilement remplacer par une boisson claire et limpide, mais pas souvent.

L'absinthe, le vin, le marc de café, la cerisette y jouèrent aussi un certain rôle dans les bons moments; mais, grand Dieu! que ces bons moments furent clairsemés!

A l'instant où j'écris, mon bidon n'a pas du tout l'air intéressant, et, avant de vous dire en quoi il pêche, je vous narre les détails de son physique.

Ovale d'aspect et arrondi de flancs, mon bidon a deux entrées: une petite et une grande. Ces entrées font saillie en forme de goulots. Deux bouchons de liège empêchent le contenu de sortir du contenant.

Le fer-blanc est le métal de sa confection. Deux oreillettes, scellées de chaque côté, reçoivent une banderole qui permet de le suspendre aux épaules.

Le bien-être et les ordres exigent que le bidon soit recouvert de l'étoffe de vareuse hors de service. Le mien a double couvert, et, pour ce, je veux que son contenu ait une double fraîcheur.

Son physique examiné, je vous dis pourquoi il est actuellement dénué d'intérêt palpitant.

Placé dans la partie sud-est de ma tente—chose que j'ai eu l'honneur de dire plus haut,—mon bidon penche du côté de la riante et boueuse rivière, et apparaît au voyageur avec une oreillette en moins et le bouchon du grand goulot perdu.

L'oreillette disparut au fond d'un puits salé, et j'ignore les détails de la perte du bouchon.

Un arrangement spécial de courroies compliquées remplaça l'oreillette, et au bouchon de liège succéda un chiffon roulé.

Ces détails sont navrants pour l'honneur de mon bidon; mais je ne puis les omettre sans manquer à la vérité, apanage de tout voyageur honnête.

Il n'est pas impossible de comprendre que le pauvre diable, affublé d'appareils aussi étranges, n'ait pas du tout le petit air fin de circonstance.

Certainement qu'il serait impardonnable, s'il ne contenait pas, en ce moment, un bon litre de vin que le Juif de là-bas vient d'y verser.

Aussi, je prie ceux qui s'intéressent à mon bidon de glisser légèrement sur ses peccadilles. Faisons ensuite un petit mouvement vers le sud-est, et lançons nos regards sur mes godillots. Je ne les lâcherai pas avant la fin du chapitre suivant.

Expéditions autour de ma tente: Boutades militaires

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