Читать книгу Histoires de tous les jours - Josephine Colomb - Страница 4

I

Оглавление

Table des matières

La belle chose, pour des écoliers, qu’une glorieuse matinée de mai! Tout est rayonnant, tout est lumineux, tout est frais et charmant, on respire avec l’air embaumé la joie et la vie. Les giboulées d’avril sont passées, elles ont laissé l’herbe plus verte et le ciel plus bleu; le soleil jette ses rayons d’or sur la plaine où les blés commencent à s’émailler de coquelicots et de marguerites, et découpe sur le sol l’ombre touffue des grands arbres. Que d’abris verdoyants dans les bois! que de chansons dans les nids! quel gai babillage dans les ruisseaux qui coulent sur les cailloux qu’ils lavent et polissent sans cesse! Non, rien n’est plus beau pour des écoliers qu’une matinée de mai, surtout si c’est un jeudi, et qu’ils aient devant eux toute une journée (une éternité !) et la liberté d’aller où bon leur semble. En vérité, le monde leur appartient.

C’était bien l’opinion de sept jeunes garçons, échelonnés de douze à quinze ans, qui sortaient à grands pas du joli bourg de Thirois. Ils venaient d’en dépasser les dernières maisons, et ils dévoraient la route un peu poudreuse; évidemment les tas de cailloux alignés de distance en distance par les ponts et chaussées n’offraient pas à leurs yeux un régal suffisant, et ils avaient hâte de gagner un de ces jolis chemins creux qui s’allongent entre deux murailles de verdure. Ils marchaient si vite qu’ils ne pouvaient parler: il ne leur restait plus de souffle pour leur conversation.

Ouf! voilà le chemin creux: on peut prendre son temps maintenant. Les haies d’aubépine embaument; les liserons blancs, le houblon, la douce-amère accrochent leurs festons aux arbres qui se dressent sur les talus; en bas, dans l’herbe couleur d’émeraude, toute semée de gouttes de rosée pareilles à des diamants, les véroniques ouvrent leurs yeux bleus, les violettes lèvent leur tête au-dessus de leurs touffes de feuilles rondes, les stellaires balancent leurs étoiles blanches au bout de tiges presque invisibles, les primevères jaune pâle répandent une douce odeur de miel. Et voici que là-bas, à l’entrée du petit bois où le sentier se termine, le gazon paraît tout bleu, tant les scilles, ces jacinthes sauvages, y fleurissent à profusion.

Le groupe s’est disjoint: un des écoliers se baisse pour cueillir une primevère; un autre grimpe après le talus pour couper une branche d’aubépine; un troisième s’arrête pour regarder des fourmis qui transportent une brindille; un quatrième, le nez en l’air, écoute chanter le coucou et cherche dans quel arbre il peut être.

«Allons! allons! crie le plus grand de la bande, nous nous reposerons dans le bois!»

Les retardataires reprennent leur course; les voilà dans le bois, enfoncés au plus épais du taillis.

«A la clairière!» dit l’aîné.

Et le premier il gagne un espace verdoyant où l’herbe pousse fine et drue, sous l’ombrage d’un grand chêne.

«Là !» dit-il, triomphant, en s’étendant sur l’herbe au pied du chêne. Et les autres l’imitent. On est vraiment bien là, et une pareille salle à manger est faite pour donner de l’appétit.

Car les écoliers sont venus là pour déjeuner; et chacun d’eux étale ses provisions. Il ne s’agit point d’un repas comme ceux dont saint Paul fait honte aux chrétiens de son temps, «où chacun mange et boit ce qu’il a apporté, sans avoir égard aux autres». Nos sept écoliers mettent leurs provisions en commun: de cette façon, personne ne sera humilié. Chacun a apporté selon ses moyens, chacun mangera selon son appétit. Quand les gens sont assez justes pour ne pas manger plus qu’ils n’ont faim, c’est là de la vraie fraternité.

Ils dévoraient la route un peu poudreuse.


Car leur naissance ne les a pas faits égaux, bien qu’ils fréquentent tous les sept l’école de Thirois. Voici Nachou, le fils du boulanger, qui a apporté du pain, comptant sur les autres pour le fricot; il a treize ans et va quitter l’école cette année. Voici le petit Magnac, le fils du percepteur, à qui sa maman a. donné un beau morceau de veau piqué et un pot de confiture de mirabelles; voici Janvier, le fils du fermier, qui fournit un pot de crème et des œufs durs; voici le pauvre Ravinet, dont la mère est veuve et va en journée; elle n’a pu lui donner que des galettes de blé noir; mais qu’importe? ses camarades les grignoteront de bon cœur. Gerbaud, le fils du charron, sort de son papier de plomb une livre de chocolat que sa mère lui a rapportée de la ville; reste Gaunard, le plus âgé ; son père est charcutier: aussi exhibe-t-il un superbe saucisson; et le dernier, Tresneau, le fils du notaire, fournit à la communauté un poulet rôti et des pommes de reinette toutes ridées: rien qu’à les voir, l’eau en vient à la bouche.

Et la boisson? N’allez pas croire que nos écoliers se soient embarrassés de bouteilles. Il y a là, tout près, un joli ruisseau dont l’eau est plus claire que si on l’avait filtrée, on ira y boire, et Magnac prêtera sa timbale à ceux qui ne trouveraient pas commode de boire dans leur main.

Histoires de tous les jours

Подняться наверх