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II

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«Les voyageurs pour Boulogne, en voiture!» crie un employé ; et les voyageurs, traînant leurs enfants et portant leurs menus bagages, se hâtent vers les wagons. Julien est là, actif, affairé ; il tient par la main sa fille étonnée de tout ce qu’elle voit, et porte un lourd panier où Thérèse a enfermé tout ce qui sera nécessaire aux enfants pendant la route, et aussi quelques provisions de bouche: tout est si cher aux buffets et dans les hôtels! Elle a enveloppé son nourrisson dans un gros châle, et elle le serre centre son cœur pour se donner du courage. Les voilà installés sur les bancs d’un wagon de troisième classe; le sifflet se fait entendre, le train s’ébranle: on part!

Adieu! adieu à la ville où l’on a vécu, où l’on a travaillé, où l’on a souffert! Adieu à cette maison où le dernier enfant est venu au monde, à ces rues où l’on rencontrait à chaque porte des visages familiers; adieu à tout ce qu’on a connu, à tout ce qu’on a aimé ! C’est le premier pas, mais ce premier pas décide de tout le reste: demain, ce sera l’adieu à la terre natale, au langage de la patrie, aux souvenirs d’enfance, à tout le passé ; et il est dur pour l’homme de recommencer une nouvelle vie. Julien se sent pris au cœur par une douleur inconnue. Par la fenêtre du wagon, il voit fuir les maisons, les champs, les arbres, et il lui semble que tous les objets le regardent tristement et lui disent: «Tu nous quittes! pourquoi t’en aller?» — Voici la promenade où l’on allait le dimanche; voilà le clocher du village où il. a travaillé ; en voici un autre qu’il reconnaît bien aussi; il y avait là de l’ouvrage pour plusieurs mois, et Thérèse l’avait suivi: c’est là que Marie est née... Pauvre petite! avec l’insouciance de son âge, elle joue, debout près de son père; elle s’appuie sur ses genoux, et lève par moments les yeux vers lui, étonnée de le voir si sérieux. Ordinairement, quand il ne travaillait pas, il s’amusait toujours avec elle. Qu’a-t-il donc aujourd’hui? Peut-être est-il défendu de jouer dans ces grandes voitures-là.

Les autres voyageurs se sont établis à leurs places, sans s’inquiéter de leurs pauvres voisins. Qu’ils souffrent ou non, que leur importe? Ils ne les connaissent pas. Chacun n’a-t-il pas son fardeau à porter en ce monde? Julien ne s’occupe pas d’eux, d’ailleurs; il est absorbé par ses tristes réflexions. Oh! comme il voudrait reculer, rester, ne pas quitter la patrie! Mais il le faut: l’engagement est signé, le voyage est commencé ; bientôt les émigrants seront là-bas... Là-bas! et si toutes ces espérances, si toutes les promesses qu’on lui a faites étaient mensongères? Si le travail manquait, si la misère était là-bas comme ici, qui aurait pitié des pauvres étrangers? S’en aller vers l’inconnu, ce n’est rien quand on se sent jeune et fort; mais quand on emmène avec soi une femme et des enfants... L’inquiétude torture l’âme de Julien: immobile, les dents serrées, il creuse amèrement ses tristes pensées. Mais une tête se penche et s’appuie sur son épaule; un doux regard cherche le sien: Thérèse est là. Elle a pleuré d’abord, et puis elle s’est résignée. «Il souffre plus que moi,» s’est-elle dit; et elle a oublié ses regrets et ses craintes, et elle ne s’est plus rappelé qu’une chose, c’est qu’elle doit être pour son mari le doux encouragement et la consolation vivante; elle s’est rapprochée de lui comme pour lui demander un appui, et c’est elle qui lui donne la force que tout à l’heure il ne trouvait pas en lui-même. Tout bas elle lui murmure de tendres paroles: «Quand on s’aime, n’est-on pas bien partout où-l’on est réunis? Le voyage, l’air de la mer, vont fortifier les enfants; le petit commencera peut-être à marcher sur le bateau. Là-bas, en Australie, il ne fait pas froid; il y a de beaux arbres, des fleurs comme on en voit dans les serres chez les riches, de beaux oiseaux que Marie aimera tant! Ils gagneront bien leur vie; ils ont de l’ouvrage assuré dès l’arrivée: elle est sûre qu’ils pourront faire des économies. Quand on s’aime et qu’on travaille de tout son cœur, on finit toujours par réussir, mon Julien. Et puis, ne faut-il pas compter sur le bon Dieu! Ayons confiance en lui et faisons de notre mieux; tu verras que tout ira bien.»

Elle parle longtemps, à demi-voix, tout près de lui, trouvant dans son cœur les mots qui vont au cœur de son mari. Lui, il sent son courage se ranimer à cette douce voix. Il entoure de l’un de ses bras sa femme et de l’autre son enfant, et, tenant ainsi serrés contre lui ses chers trésors, il se sent prêt à tout. Ses bras sont forts et son cœur est vaillant; ses outils sont près de lui, et il sait les manier. Confiance donc, et en avant!

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