Читать книгу Le Livre de maman - Julie Gouraud - Страница 10
ОглавлениеLE COURAGE
Avril. Un fait notable s’est passé aujourd’hui.
Yvonne est entrée dans ma chambre, ayant la main enveloppée dans son mouchoir taché de sang.
Le sang!... comme les mères en ont peur!
J’ai couru vers ma fille:
«Qu’est-il arrivé ?
— Maman, Auguste s’est coupé exprès avec le canif d’Henri pour me faire voir comme les hommes ont du courage, et puis il a dit qu’une petite fille ne ferait pas ça.... Alors je me suis coupée aussi pour lui faire voir que je suis autant que lui.... Mais ça me fait mal, et je ne recommencerai plus.»
La plaie n’est pas grande; j’en ai exagéré l’importance pour donner une leçon à ma fille; elle gardera pendant quatre jours à son doigt une grosse poupée qui la gênera beaucoup et l’empêchera d’enfiler des perles, son occupation favorite.
La morale a été qu’au lieu d’avoir fait un acte de courage, Yvonne a fait un acte d’amour-propre et une grande imprudence.
La chère petite n’en revenait pas:
«Comment, ce n’est pas du courage? Bien sûr, maman?
— Le courage, lui ai-je répondu, vient de la nécessité, du dévouement. Une personne courageuse ne cherche pas à se faire remarquer; elle ne demande pas qu’on l’admire. Si une petite fille s’assied résolûment dans le fauteuil du dentiste, elle a du courage; si elle se lève de bonne heure, sans se faire tirer l’oreille, si elle recommence son devoir sans impatience, elle a du courage.»
Yvonne ne savait pas qu’il y a aussi du courage en dedans. Elle voulait au moins m’entendre dire qu’Auguste avait été courageux, et j’ai eu de la peine à lui faire comprendre qu’il n’a été que téméraire.
Mai. Le printemps nous invite à partir. Nous ne nous ferons pas prier.
Le désordre qu’amène tout changement de résidence est une cause de joie pour les enfants: et que deviendrions-nous, Suzanne et moi, si ma bonne mère ne nous privait souvent de leur présence; elle a toujours mille ressources dans l’esprit pour les distraire, en même temps qu’elle m’est utile en les éloignant de la maison.