Читать книгу Tous les Contes de Léon Tolstoi (151 Contes, fables et nouvelles) - León Tolstoi - Страница 15
VIII
ОглавлениеIl marcha, il marcha et arriva dans un village. Il demanda à la patronne d’une isba de le laisser coucher dans sa maison. Elle y consentit. Il n’y avait personne dans l’isba, que la patronne en train de nettoyer.
Le filleul entra, monta sur le poêle, et se mit à regarder ce que faisait la patronne. Il vit qu’elle lavait toutes les tables et tous les bancs avec des serviettes sales. Elle essuyait la table, et la serviette sale tachait la table. Elle essuyait les taches, et en faisait de nouvelles en essuyant. Elle laissa là la table et se mit à essuyer le banc. La même chose se produisit. Elle salissait tout avec les serviettes sales. Une tache essuyée, une autre apparaissait.
Le filleul regarda, regarda, et dit:
— Qu’est-ce que tu fais donc, patronne?
— Tu ne vois donc pas que je lave pour la fête? Mais je ne puis pas y arriver. Tout est sale. Je suis exténuée.
— Mais tu devrais d’abord laver la serviette, et alors tu essuierais. La patronne obéit, et lava ensuite les tables, les bancs: tout devint propre.
Le lendemain matin, le filleul dit adieu à la patronne et poursuivit sa route. Il marcha, il marcha, et arriva dans une forêt. Il vit des moujiks occupés à façonner des jantes. Le filleul s’approcha, et vit les moujiks tourner; et la jante ne se façonnait pas.
— Que Dieu vous aide! Dit-il.
— Que le Christ te sauve! Dirent-ils.
Le filleul regarda, et vit que le support, n’étant pas assujetti, tournait avec la jante. Le filleul regarda et dit:
— Que faites-vous donc, frères?
— Mais voilà: nous ployons des jantes. Et nous les avons déjà deux fois passées à l’eau bouillante; nous sommes exténués, et le bois ne veut pas ployer.
— Mais vous devriez, frères, assujettir le support: car il tourne en même temps que vous. Les moujiks obéirent, assujettirent le support, et tout marcha bien.
Le filleul passa une nuit chez eux, et continua sa route. Il marcha toute la journée et toute la nuit. À l’aube, il rencontra des bergers. Il se coucha auprès d’eux, et vit qu’ils étaient en train de faire du feu. Ils prenaient des brindilles sèches, les allumaient, et sans leur donner le temps de prendre, mettaient par-dessus de la broussaille humide. La broussaille se mit à siffler en fumant, et éteignit le feu. Les bergers prirent de nouveau du bois sec, l’allumèrent, et remirent de la broussaille humide; et le feu s’éteignit de nouveau. Longtemps les bergers se démenèrent ainsi, sans pouvoir allumer le feu. Et le filleul dit:
— Ne vous hâtez pas de mettre de la broussaille, mais allumez d’abord bien le feu, donnez-lui le temps de prendre; quand il sera bien enflammé, alors mettez de la broussaille.
Ainsi firent les bergers. Ils laissèrent le feu prendre tout à fait, et mirent ensuite de la broussaille. Le bois flamba et pétilla.
Le filleul resta quelque temps avec eux, et poursuivit sa route. Il se demandait pourquoi il avait vu ces trois choses, il n’y pouvait rien comprendre.