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II

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Et Élysée persuada son ami. Efim réfléchit, réfléchit, et, le lendemain matin, il vint chez Élysée.

— Eh! Bien, soit, partons! Dit-il. Tu as dit la vérité. Dieu est le maître de notre vie et de notre mort. Puisque nous sommes encore vivants, et que nous avons des forces, il faut aller.

Dans la semaine qui suivit, les vieillards firent leurs préparatifs. Efim avait de l’argent chez lui. Il prit pour lui cent quatre-vingt-dix roubles, et en donna deux cents à sa «vieille».

Élysée, lui, vendit à son voisin dix ruches avec la propriété des essaims à naître. Il en tira soixante-dix roubles. Les trente qui manquaient, il se les procura par petites sommes chez tous les siens. Sa «vieille» lui donna ses derniers écus, qu’elle conservait pour l’enterrement. Sa bru lui donna les siens.

Efim Tarassitch a tracé d’avance à son fils aîné tout ce qu’il devra faire: où il faudra semer, où mettre le fumier, comment finir l’isba et la couvrir. Il a songé à tout, il a tout réglé d’avance.

Élysée a dit seulement à sa «vieille» de mettre à part, pour les donner au voisin loyalement, les jeunes abeilles des ruches vendues. Quant aux choses de la maison, il n’en a pas parlé: «Chaque affaire apporte avec elle sa solution. Vous êtes assez grands; vous saurez faire pour le mieux.»

Les vieillards étaient prêts. On leur fit des galettes, on leur cousit des sacs, on leur coupa de nouvelles onoutchi; ils mirent des chaussures neuves, prirent avec eux une paire de lapti de rechange, et partirent.

Les leurs les reconduisirent jusqu’à la sortie du village, leur firent leurs adieux; et les vieillards se mirent en route. Élysée avait gardé sa bonne humeur: à peine hors de son village, il oublia toutes ses affaires.

Il n’a qu’une pensée: être agréable à son compagnon, ne pas aventurer un mot qui le blesse, aller en paix et en bonne union jusqu’au but du voyage et revenir à la maison. Tout en marchant, il murmure quelque prière ou ce qu’il se rappelle de la vie des saints. S’il rencontre un passant sur la route, ou quand il arrive quelque part pour la nuit, il tâche toujours d’être aimable avec tout le monde, et de dire à chacun un mot qui fasse plaisir. Il marche et se réjouit. Une seule chose n’a pu lui réussir: il voulait cesser de priser du tabac; il a même laissé chez lui sa tabatière; mais cela l’ennuyait; chemin faisant, un homme lui en offre. Il lutte, il lutte, mais tout à coup il s’arrête, laisse passer son compagnon pour ne pas lui donner l’exemple du péché, et prise.

Efim Tarassitch marche d’un pas ferme, ne fait pas de mal, ne dit pas de paroles inutiles; mais il ne se sent pas le cœur dispos; les affaires de sa maison ne lui sortent pas de la tête. Il songe sans cesse à ce qui se passe chez lui: n’a-t-il pas oublié de dire quelque chose à son fils? Fera-t-il, son fils, ainsi qu’il lui a été ordonné?

Il voit sur sa route planter des pommes de terre, ou transporter du fumier, et il pense:

— Fait-il comme je lui ai dit, le fils?

Il retournerait bien pour lui montrer lui-même.

Tous les Contes de Léon Tolstoi (151 Contes, fables et nouvelles)

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