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IV

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Debout sur le seuil, Matriona dit: — Si c’était un honnête homme, il ne serait pas tout nu; regarde, il n’a pas même de chemise. Si tu avais fait quelque chose de bon, tu m’aurais dit d’où tu as ramené cet élégant.

— Mais je te le dis: je passais près de la chapelle, et je trouve ce garçon tout nu, presque gelé; nous ne sommes plus en été… C’est Dieu qui m’a guidé vers lui, il serait mort cette nuit. Que faire? Il y a des choses qui arrivent. Je l’ai relevé, je l’ai vêtu, je l’ai amené ici. Apaise ton cœur, c’est un péché, Matriona. Nous mourrons un jour.

Matriona voulait répliquer, mais elle jeta les yeux sur l’étranger et se tut. Assis sur le banc, il se tenait immobile, les mains croisées sur ses genoux, la tête penchée sur sa poitrine; il suffoquait comme si quelque chose l’étouffait. Matriona se tut. Simon lui dit: — Matriona, n’as-tu plus Dieu dans ton cœur?

À ces paroles, Matriona considéra de nouveau l’étranger et son cœur se fondit. Quittant le seuil, elle alla vers le poêle pour préparer le souper, posa l’écuelle sur la table, versa le kvass et apporta le dernier pain, avec un couteau et des cuillers.

— Allons, mangez, dit-elle.

Simon poussa l’homme vers la table.

— Approche, jeune homme, dit-il.

Il coupa du pain, le trempa et tous deux se mirent à manger. Matriona s’assit au coin de la table, et le menton appuyé sur ses poings, regarda l’étranger.

Elle fut prise d’une grande pitié et se mit à son tour à l’aimer. Aussitôt l’étranger devint plus gai et, relevant la tête, il sourit à Matriona.

Le souper fini, celle-ci rangea la vaisselle et dit: — D’où viens-tu?

— Je ne suis pas d’ici.

— Comment t’es-tu trouvé là?

— Je ne puis le dire.

— Qui t’a dépouillé?

— C’est Dieu qui m’a puni.

— Et c’est pour cela que tu restais tout nu?

— Oui, je restais ainsi, tout nu. Je gelais. Simon m’a vu. Il a eu pitié de moi. Il m’a mis son caftan, m’a dit de le suivre. Toi, tu as compati à ma misère, tu m’as donné à manger et à boire. Dieu vous sauve!

Matriona se leva, retira de la fenêtre une vieille chemise de Simon, qu’elle avait rapiécée, et la donna à l’étranger, en même temps qu’une vieille paire de caleçons.

— Prends, lui dit-elle. Je vois que tu n’as même pas de chemise. Habille-toi et couche-toi où tu voudras, sur le banc ou sur le poêle.

L’étranger retira le caftan, mit la chemise et le caleçon et s’étendit sur le banc. Matriona éteignit la chandelle, ramassa le caftan et grimpa sur le poêle à côté de son mari. Elle se coucha en se couvrant d’un bout du caftan.

Mais elle ne pouvait s’endormir: l’étranger la préoccupait.

Elle pensa aussi qu’on avait mangé tout ce qui restait de pain, qu’on en manquerait le lendemain, qu’elle avait donné à l’hôte la chemise et le caleçon de Simon. Et elle se sentit triste; mais se rappelant le sourire de l’étranger, elle tressaillit de joie.

Longtemps, Matriona resta éveillée. Simon ne dormait pas non plus, et tirait le caftan de son côté.

— Simon!

— Quoi?

— On a mangé tout le pain; je n’ai pas cuit aujourd’hui. Que ferai-je demain? Dois-je demander à Mélania de m’en prêter demain?

— Si nous vivons, nous aurons de quoi manger.

Ils se turent un moment.

— Cet homme a l’air bon, pourquoi ne dit-il rien sur lui-même?

— Sans doute qu’il ne peut pas.

— Simon!

— Quoi?

— Nous donnons aux autres, pourquoi est-ce que personne ne nous donne à nous?

Simon ne sut que répondre.

— Assez causé, fit-il en se retournant.

Et il s’endormit.

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