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III

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Table des matières

Les vieillards marchèrent pendant cinq semaines. Les lapti dont ils s’étaient munis s’étaient usées; ils commençaient à en acheter d’autres. Ils arrivèrent chez les Khokhli. Depuis leur départ, ils payaient pour le vivre et le couvert: une fois chez les Khokhli, ce fut à qui les inviterait le premier. On leur donnait à manger et à coucher, sans vouloir accepter de l’argent, on remplissait leurs sacs de pain ou de galettes. Ils firent ainsi sept cents verstes.

Après avoir traversé une autre province, ils arrivèrent dans un pays infertile. Là, on les couchait encore pour rien, mais on ne leur offrait plus à manger. On ne leur donnait pas même un morceau de pain partout: parfois ils n’en pouvaient trouver pour de l’argent.

— L’année d’avant, leur disait-on, rien n’avait poussé: ceux qui étaient riches s’étaient ruinés, avaient tout vendu; ceux qui avaient assez étaient devenus pauvres, et les pauvres avaient émigré, ou mendiaient, ou dépérissaient à la maison. Et pendant l’hiver, ils mangeaient du son et des grains de nielle.

Dans un village où ils passèrent la nuit, les vieillards achetèrent une quinzaine de livres de pain; puis ils partirent le lendemain à l’aube, pour marcher assez longtemps avant la chaleur. Ils firent une dizaine de verstes, et s’approchèrent d’une petite rivière. Là ils s’assirent, puisèrent de l’eau dans leurs tasses, y trempèrent leur pain, mangèrent et changèrent de souliers.

Ils restèrent ainsi quelques instants à se reposer. Élysée prit sa tabatière de corne. Efim Tarassitch hocha la tête:

— Comment, dit-il, ne te défais-tu point d’une si vilaine habitude? Élysée eut un geste de résignation.

— Le péché a eu raison de moi. Qu’y puis-je faire? Ils se levèrent et continuèrent leur route. Ils firent encore une dizaine de verstes et dépassèrent un grand bourg. Il faisait chaud; Élysée se sentit fatigué: il voulut se reposer et boire un peu; mais Efim ne s’arrêta pas. Il était meilleur marcheur que son camarade, qui le suivait avec peine.

— Je voudrais boire, dit Élysée.

— Eh bien! Fit l’autre, bois; moi, je n’ai pas soif.

Élysée s’arrêta.

— Ne m’attends pas, dit-il, je vais courir à cette petite isba, je boirai un coup et je te rattraperai bientôt.

— C’est bien. Et Efim Tarassitch s’en alla seul sur la route, tandis qu’Élysée se dirigeait vers la maison. Élysée s’approcha de l’isba. Elle était petite, en argile peinte, le bas en noir, le haut en blanc. L’argile s’effritait par endroits; il y avait évidemment longtemps qu’on ne l’avait repeinte, et le toit était crevé d’un côté. L’entrée de la maison donnait sur la cour.

Élysée entra dans la cour: il vit, étendu le long du remblai, un homme sans barbe, maigre, la chemise dans son pantalon, à la manière des Khokhli. L’homme s’était certainement couché à l’ombre, mais le soleil venait maintenant sur lui. Il était étendu, et il ne dormait pas. Élysée l’appela, lui demanda à boire. L’autre ne répondit pas.

— Il doit être malade, ou très peu affable, pensa Élysée.

Et il se dirigea vers la porte. Il entendit deux voix d’enfants pleurer dans l’isba. Il frappa avec l’anneau.

— Eh! Chrétiens!

On ne bougea pas.

— Serviteurs de Dieu!

Pas de réponse. Élysée allait se retirer, lorsqu’il entendit derrière la porte un gémissement.

— Il y a peut-être un malheur, là-derrière; il faut voir. Et Élysée revint vers l’isba.

Tous les Contes de Léon Tolstoi (151 Contes, fables et nouvelles)

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