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Efim, ainsi immobile et priant, jette devant lui ses regards vers la chapelle où se trouve le Saint-Sépulcre, devant lequel sont suspendues trente-six lampes. Il regarde par-dessus les têtes, et voici que juste au-dessous des lampes, en avant de la foule, il aperçoit, ô miracle! Un petit vieillard en caftan de bure, dont la tête, entièrement chauve, luisait comme celle d’Élysée Bodrov.

— Il ressemble à Élysée, pense-t-il, mais ce ne doit pas être lui. Il n’a pu être ici avant moi: l’autre bateau est parti huit jours avant nous, il est impossible qu’il ait pu me devancer; quant à notre bateau, il n’y était point; j’ai bien examiné tous les fidèles.

Comme il songeait ainsi, le petit vieillard priait et faisait trois saluts: le premier, devant lui, à Dieu; les autres, aux fidèles des deux côtés. Quand le petit vieillard tourna la tête à droite, Efim le reconnut aussitôt.

— C’est bien lui, Bodrov; voilà bien sa barbe noirâtre, frisée, et ses poils blancs sur les joues, et ses sourcils, et ses yeux, et son nez, et tout son visage enfin: c’est lui, c’est bien Élysée Bodrov.

Efim se réjouit fort d’avoir retrouvé son compagnon, et s’étonna qu’il eût pu arriver avant lui.

— Eh! Eh! Bodrov, pensa-t-il, comment a-t-il pu se glisser en avant des fidèles? Il aura sans doute fait la connaissance de quelqu’un qui l’a mené là. Je le trouverai à la sortie, et m’en irai avec lui, après avoir planté là mon pèlerin. Peut-être saura-t-il me conduire, moi aussi, à la première place.

Et Efim regardait toujours pour ne point perdre Élysée de vue. L’office terminé, la foule s’ébranla. On se poussait pour aller s’agenouiller. La presse refoula Efim dans un coin.

De nouveau la peur le prit qu’on ne lui volât sa bourse. Il y porta la main, et chercha à se frayer un chemin pour gagner un endroit libre. Il se dégagea, il marcha, il chercha partout Élysée, et sortit du temple sans avoir pu le joindre. Après l’office, Efim courut d’auberge en auberge en quête d’Élysée: nulle part il ne le rencontra. Cette soirée-là, le pèlerin ne vint pas non plus; il avait disparu sans lui rendre son rouble. Efim resta seul.

Le lendemain, il retourna au Saint-Sépulcre, avec un vieillard de Tanbov venu sur le même bateau. Il voulut se porter en avant, mais il fut refoulé de nouveau et il resta près d’un pilier à prier. Il regarda devant lui comme la veille, et, comme la veille, sous les lampes, tous près du Saint-Sépulcre, se tenait Élysée, les mains étendues comme un prêtre à l’autel; et sa tête chauve luisait.

— Eh bien! Pensa Efim, cette fois je saurai bien le joindre. Il se faufila jusqu’au premier rang: pas d’Élysée. Il avait dû sortir sans doute. Le troisième jour, il se rendit encore à la messe, et il regarda encore. Et il aperçut, sur la place sainte, Élysée tout à fait en vue, les mains étendues, les yeux en haut, comme s’il contemplait quelque chose au-dessus de lui; et sa tête chauve luisait.

— Eh bien! Pensa Efim, cette fois-ci je ne le manquerai plus. Je me tiendrai à la porte de sortie et je le trouverai sûrement.

Il sortit et attendit, attendit. Toute la foule s’écoula: pas d’Élysée.

Efim passa de la sorte six semaines à Jérusalem, visitant les lieux consacrés, et Bethléem, et Béthanie et le Jourdain. Il fit mettre le sceau du Saint-Sépulcre sur une chemise neuve destinée à l’ensevelir; il prit de l’eau du Jourdain dans un petit flacon, et de la terre, et des cierges dans le lieu saint. Quand il eut dépensé tout son argent, qu’il ne lui resta plus que l’argent du retour, Efim se mit en route pour revenir au logis.

Il gagna Jaffa-la-Ville, prit le bateau, arriva à Odessa et s’en alla à pied chez lui.

Tous les Contes de Léon Tolstoi (151 Contes, fables et nouvelles)

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