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§ 1er. — LES ENFANTS-TROUVÉS A PARIS ET SAINT VINCENT DE PAUL.

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Table des matières

A Paris, aux XVe et XVIe siècles, les doyens, chanoines et chapitre de Notre-Dame s’occupaient plus ou moins directement des enfants trouvés, «qu’ils ont accoutumé de recevoir et faire nourrir pour l’honneur de Dieu», disent les lettres patentes de 1536, portant création de l’hôpital des Enfants-Rouges.

L’arrêt de Parlement en date du 11 août 1552, obligeant les seigneurs justiciers de la ville et faubourgs à contribuer à l’entretien de ces enfants, décida que pour la régularité des opérations «les deniers adjugez pour ladite nourriture et autres qui seroient aumosnez ausdicts enfans seroient mis ès mains des maistres et gouverneurs de l’Hostel Dieu de la Trinité », à charge de commettre une femme pour recevoir les enfants exposés «soit en ladicte église de Paris ou ailleurs». «Laquelle femme, continue l’arrêt, faira résidence et recevra lesdicts enfans en la forme et manière qui parcy-devant a esté gardée en la dicte église de Paris, et iceux par elle retirez seront par lesdicts administrateurs baillez à sages femmes honnestes et connues pour iceux eslever et nourrir. Et néantmoins a la dicte cour ordonné et ordonne que le berseau et bouette estans en la dicte église de Paris pour recevoir les enfans exposez et aumosnes a eux faictes demoureront en icelle église; et que la femme que cy-devant a eu la charge de recevoir lesdicts enfans exposez en la dicte église, aura les salaires qui par cy-devant luy ont esté ordonnez par lesdicts doyen et chappitre, à la charge que s’il y a aucuns enfans mis et exposez en la dicte église, elle sera tenue iceux recevoir et faire apporter audict hospital de la Trinité .»

Bouchel, qui vivait au commencement du XVIIe siècle, trace le tableau suivant de la manière dont se faisait la levée des enfants trouvés (édit de 1671, t. Ier, p. 1013):

«Quand il se trouve par les ruës de Paris quelque enfant exposé, il n’est loisible à personne de le lever, fors au commissaire du quartier, ou à quelque autre passant son chemin. Et se doit porter aux Enfants trouvez a Nostre-Dame, en la maison destinée pour les nourrir et allaicter, qui est auprès la maison épiscopale et fait le bas d’une ruelle decendante à la riviere... Et quant à lever l’enfant trouvé, si le commissaire ou autre ne s’en entremet, craignant la dérision et soupçon l’enfant estre de son fait, on envoye quérir la dame des enfans-trouvez qui ne fait difficulté de l’enlever, en luy payant cinq sols pour le domicilier, à la porte ou estau du quel ledit enfant aura esté trouvé .»

Ces maisons du port Saint-Landry avaient été affectées à cette destination par le chapitre de Notre-Dame «moyennant récompense raisonnable», et en 1570 le Parlement, désirant rendre plus efficace son arrêt de 1552, fit visiter ces immeubles et ordonna des réparations, en décidant que les personnes ecclésiastiques, seigneurs justiciers de Paris, dénommées en l’arrêt précité, «s’assembleroient aux jours, lieux et heures qui leur seroient préfix et assignez par ledict evesque de Paris pour conférer et dresser mémoires et articles de la police qui leur sembleroit bonne et devoir estre gardée et observée pour la nourriture, gouvernement et administration desdicts enfans trouvez...»

Par manière de provision il était statué «que Marie de la Croix, veufve de feu Philippe le Jay, Anne Guyon, veufve de feu M. Pierre d’Estampes, docteur en médecine, et Catherine de Moussy, veufve de feu Denis Guillebon, cy devant nommées par ledict procureur général, auroient intendance sur la nourriture et entretenement desdicts enfans trouvez; et que Pierre Hotman, marchand orfevre bourgeois de Paris, recevroit les deniers ez quels les dénommez audict arrest avoient esté cottisez.» De plus le nommé Thibault Choisi devait continuer «la garde et nourriture desdicts enfans.» (Felibien et Lobineau, Histoire de Paris, preuves, t. II, p. 831.)

On peut présumer que ces sages dispositions du Parlement, déjà fort tardives en comparaison de ce qui se passait dans certaines provinces, tombèrent partiellement en désuétude au milieu des guerres sanglantes de la fin du XVIe siècle; la Saint-Barthélemy est de 1572 et les sièges de Paris par Henri III et Henri IV n’étaient certainement pas faits pour permettre le développement des maisons du port Saint-Landry, près la rue d’Enfer, en la Cité ; aussi les historiens s’accordent-ils pour peindre au XVIIe siècle la situation des enfants exposés comme fort triste, et c’est alors qu’apparaît l’initiative et le dévouement de Monsieur Vincent.

La veuve qui avait succédé aux femmes désignées dans l’arrêt de 1570 s’occupait avec deux servantes du soin des trouvés; le nombre en était grand, les ressources plus que minimes; aussi ces pauvres petits mouraient-ils presque tous. Les servantes les soignaient du reste fort mal, leur donnant des narcotiques pour les faire dormir, les vendant même moyennant vingt sols à des mendiants, des bateleurs, des gens qui les faisaient servir à des opérations magiques.

Un pareil abandon émut l’âme compatissante de saint Vincent; il envoya les dames qu’il formait à l’exercice des bonnes œuvres, visiter la maison de la Veuve. Le spectacle qu’elles eurent sous les yeux les épouvanta et elles décidèrent de se charger de quelques-uns de ces pauvres enfants. Une maison fut louée à la porte Saint-Victor, en 1638, et Mlle Legras en prit la direction avec ses Filles de la Charité. D’un autre côté le saint sut émouvoir la Cour, et Louis XIII, «quoiqu’il n’eût que la moindre de toutes les justices de la ville ,» consentit à donner quatre mille livres prises sur le domaine de Gonesse ; Louis XIV alloua plus tard huit mille livres sur le revenu des cinq grosses fermes . Mais les dépenses croissaient chaque jour, et les dames, effrayées de leur tâche, étaient presque décidées à y renoncer. C’est alors que se place cet épisode si connu de la vie de saint Vincent de Paul.

La délibération est ouverte; il expose à l’assemblée qu’elle n’a pris aucun engagement; il montre cependant le bien réalisé, les résultats plus consolants à obtenir encore, et enfin s’écrie, avec l’abondance de ce zèle qui a déjà fait tant de merveilles: «Or sus, Mesdames, la compassion et la charité vous ont fait adopter ces petites créatures pour vos enfants; vous avez été leurs mères selon la grâce, depuis que leurs mères selon la nature les ont abandonnés; voyez maintenant si vous voulez aussi les abandonner. Cessez d’être leurs mères pour devenir à présent leurs juges; leur vie et leur mort sont entre vos mains; je m’en vais prendre les voix et les suffrages; il est temps de prononcer leur arrêt et de scavoir si vous ne voulez plus avoir de miséricorde pour eux. Ils vivront, si vous continuez d’en prendre un charitable soin, et au contraire ils mourront et périront infailliblement si vous les abandonnez; l’expérience ne vous permet pas d’en douter .»

L’assemblée répond par son acquiescement unanime, et la maison des enfants trouvés de Paris peut être considérée comme fondée.

On obtient du roi le château de Bicêtre; l’air est trouvé trop vif pour ces poitrines délicates, on ramène les enfants dans Paris au faubourg Saint-Denis , puis dans deux maisons, sises l’une devant Notre-Dame, l’autre au faubourg Saint-Antoine. Ces dernières acquisitions, faites par les directeurs de l’hôpital général, appartiennent à la période administrative qui date de 1670 .

Antérieurement, les seigneurs hauts justiciers, vu les charges croissantes pour l’entretien des enfants, avaient été condamnés par le Parlement à payer quinze mille livres annuellement; nous sommes loin, comme on le voit, des 960 livres de l’arrêt de 1552. Le charité de saint Vincent avait su triompher de tous les obstacles.

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