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PRÉFACE.

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Table des matières

Quelques mots nous ont paru nécessaires pour indiquer ce que présente de nouveau cette histoire de la littérature italienne.

La langue de nos voisins d’au delà des Alpes est un idiome essentiellement littéraire. A côté d’elle subsistent des dialectes très-différents entre eux, dont l’usage se perpétue, parce qu’ils fournissent aux Italiens une quantité de mots indispensables dans la vie usuelle: ils ont été un obstacle puissant à l’établissement de l’unité de la langue. Cependant leur importance décroit peu à peu à mesure que le dialecte florentin, plus heureux, plus rapproché de l’usage littéraire, prête à celui-ci les termes dont il manquait, et se confond avec lui. On peut dire que par ce triomphe lent mais assuré du langage des compatriotes de Dante, le toscan, surtout celui de Florence, tend de plus en plus à être parlé dans les relations de la vie par les Italiens, comme il l’était déjà par eux dans les livres. La langue littéraire, en s’abaissant à propos vers un ton plus simple, en élevant à elle certains vocables qu’elle avait le tort de laisser aux seuls habitants de la vallée de l’Arno, en obéissant surtout aux lois de la nécessité, devient tous les jours plus vraiment langue italienne. Il y a donc, dans ce pays, une histoire de la langue, indépendante de celle de la littérature; nous avons consacré à ses destinées un chapitre préalable et quelques pages çà et là dans les périodes mémorables de son évolution.

Les divisions naturelles de l’histoire littéraire doivent se conformer selon nous à la nature et au développement des faits, non au hasard de la chronologie et du millésime. Nous sommes porté même à croire que les générations successives ont leur littérature comme elles ont leurs opinions. Seulement, les unes sont actives ou remuantes, et opèrent des changements rapides dans l’héritage de celles qui les ont précédées: celles-là méritent une place plus ou moins large, suivant l’importance de leurs travaux. Les autres, épuisées, languissantes ou barbares, peuvent être réunies et ne former pour ainsi dire qu’une génération littéraire, parce qu’elles ont laissé des traces plus rares dans le mouvement des esprits et qu’elles ont peu ajouté au patrimoine qui s’accumule de siècle en siècle.

Ainsi, Dante, Pétrarque, Boccace représentent, de 1265à1375, trois générations successives qui ne se ressemblent que par leur fécondité. Après celles-ci la première grande époque littéraire est terminée: elle répond à la période de la toute-puissance du parti guelfe, qui se termine à la révolution des Ciompi, ou des pauvres se révoltant contre les riches, en1378. Alors commence la décadence de la liberté et la haute fortune des Médicis. De même, les trente-trois années qui s’écoulent entre1498, ou la mort de Savonarole, et 1531, ou la fin de la république de Florence et de la liberté en Italie, marquent le temps le plus brillant du XVIe siècle italien. Cette génération fut si riche qu’il est nécessaire de lui consacrer une étude prolongée. La période qui succède et qui va de la chute de la république florentine à la mort de Tasse, en1595, renferme bien deux générations d’hommes, correspondant, l’une, au travail de réforme entrepris par le concile de Trente, l’autre à l’époque de réaction religieuse qui en fut la conséquence. Cette époque, très-distincte de la précédente, pourrait donc se diviser en deux parties par rapport à la littérature; mais leurs différences ne sont pas telles qu’il soit nécessaire, surtout dans un abrégé, de maintenir cette division. De même encore, les quarante années de paix qui furent assurées par le traité d’Aix-la-Chapelle (1748) à l’Italie, jusque-là livrée comme une arène aux armées de l’Europe, furent témoins d’un réveil de la nation et d’une sorte de renaissance de sa littérature. La révolution et l’empire agitèrent ensuite la péninsule et eurent leur contre-coup dans les lettres. De là une période qui n’a ni la tranquillité de la précédente, ni les tendances précises de celle qui a suivi. Cette dernière, de1815à1847, a préparé par les doctrines philosophiques, par le théâtre, par les écrits de toute sorte, l’époque à laquelle nous assistons et qui s’est jetée avec ardeur dans le champ des expériences pratiques.

Entre ces générations diverses dont la physionomie particulière en littérature est aisée à saisir et à fixer, il y en a d’autres, moins bien douées du côté de l’art, qui se sont portées de préférence vers le savoir, comme dans la première moitié du xve siècle, ou vers la science comme dans le XVIIe. Il y en a aussi qui se distinguent par des tentatives de renouvellement ou de réparation, mais incomplètes, comme dans la seconde moitié du xve et dans la première du xviiie.

En résumé, l’histoire de la littérature italienne nous a semblé confirmer partout cette loi que chaque génération active et vivante dans l’ordre de l’esprit a sa littérature, image de sa pensée; c’était une division toute naturelle, naissant de l’étude des faits, et nous l’avons adoptée. En outre, l’écrivain qui a provoqué sa plus vive admiration est précisément celui qui la représente avec le plus de fidélité. Aussi Arioste, Machiavel, Tasse, Parini, Alfieri, Manzoni, nous ont-ils servi d’introducteurs au seuil des périodes vraiment originales. Je ne parle pas de Dante, de Pétrarque, de Boccace, qui non-seulement résument, mais remplissent, pour ainsi dire, toute leur époque. On ne s’étonnera pas que nous ayons accordé une grande place à ces rois de l’esprit, à ces héros des siècles littéraires. En racontant la vie et les écrits d’un homme de cet ordre, c’est leur siècle tout entier que l’on raconte. Nous n’avons pas voulu, d’ailleurs, redire pour la centième fois des biographies connues ou parfois douteuses; nous avons cherché leur vie dans leurs livres; c’était une occasion de plus de les lire, c’étaient autant de pages nouvelles consacrées à l’histoire de la littérature et de l’intelligence nationales. On ne s’étonnera pas davantage que le xive siècle et les deux moitiés du xvie soient très largement traités: ce sont les deux grands siècles classiques; ils ont donné au génie italien tout entier ce que les grands hommes fournissent pour leur temps, l’expression la plus complète de sa richesse.

Après vingt ans de lecture et de travaux divers sur la littérature italienne, après plusieurs pérégrinations studieuses en Italie, j’ai peut-être le droit de compter parmi les caractères nouveaux de cet abrégé, celu d’être presque entièrement écrit de première main. Est-ce un mérite? Est-ce un péril? Je n’ai pas voulu voulu suivre les traces de Ginguené, de Tiraboschi, de Corniani, de Mazzuchelli. J’ai pensé que les travaux des soixante dernières années avaient transformé l’histoire de cette littérature. Ce livre, qu’elle qu’en soit la valeur, a été composé avec la connaissance des monuments littéraires eux-mêmes. En revanche, j’ai fait mon profit des travaux des critiques de tous les temps et en particulier de ceux de notre siècle.

L’histoire d’une littérature doit être racontée sans parti pris; mais il est impossible qu’une pensée dominante ne se dégage pas de l’étude des monuments littéraires d’un peuple. Un des traits nécessaires de ce livre devait être l’idée générale de l’unité italienne. Elle apparaît dans les œuvres de Dante, se voile dans Pétrarque et Boccace, reparaît, quoique un peu restreinte, dans les écrits de Laurent de Médicis, et se dessine nettement dans Machiavel. Discutée par Guichardin, combattue par les historiens favorables à la puissance des Médicis, surtout par Ammirato, elle se réfugie en quelque sorte à Turin, dont les souverains conçoivent dès le commencement du XVIIe siècle l’espoir de fonder un royaume de l’Italie septentrionale: le publiciste piémontais Botero rêve l’agrandissement de ses princes par la conquête. L’idée de l’unité parait oubliée au xviie, siècle, au point que celle même de la langue paraît menacée, et que les dialectes ou patois retrouvent une faveur inattendue. Mais au XVIIIe siècle l’esprit national s’émeut et s’agite: l’Italie prend part au mouvement qui entraîne les autres nations, et cette émulation nouvelle resserre les liens entre les cités de ce pays qui jusque-là vivaient isolées; la révolution, l’unité française transportée au delà des Alpes, les vicissitudes de la guerre, les malheurs mêmes firent le reste. Les philosophes et les publicistes de ce temps ont légué au siècle présent une nation préparée à vivre d’un même esprit, indépendante et maîtresse de ses destinées. Nos recherches, purement littéraires, ne devaient pas s’égarer dans le champ périlleux de la politique; mais cette idée de l’unité, si ancienne chez les Italiens, si naturelle à un peuple qui ne veut pas perdre sa nationalité et son nom, si visible à travers toutes les manifestations de sa pensée, joue un trop grand rôle dans une histoire sincère et véridique de la littérature italienne pour n’en pas tenir compte.

L.E.

Histoire de la littérature italienne

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