Читать книгу Mémoires de Constant, premier valet de chambre de l'empereur, sur la vie privée de Napoléon, sa famille et sa cour - Louis Constant Wairy - Страница 20

TOME PREMIER
MÉMOIRES DE CONSTANT
CHAPITRE XIX

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Voyage en Belgique.—Congé de vingt-quatre heures.—Les habitans d'Alost.—Leur empressement auprès de Constant.—Le valet de chambre fêté à cause du maître.—Bonté de l'empereur.—Journal de madame***—sur un voyage à Aix-la-Chapelle.—Histoire de ce journal.—Narration de Madame***.—M. d'Aubusson, chambellan.—Cérémonie du serment.—Grâce de Joséphine.—Une ancienne connaissance.—Aversion de Joséphine pour l'étiquette.—Madame de La Rochefoucault.—Le faubourg Saint-Germain.—Une clef de chambellan au lieu d'un brevet de colonel.—Formation des maisons impériales.—Les gens de l'ancienne cour, à la nouvelle.—Le parti de l'opposition dans le noble faubourg.—Madame de La Rochefoucault, madame de Balby et madame de Bouilley.—Solliciteurs honteux.—Distribution de croix d'honneur.—Le chevalier en veste ronde.—Napoléon se plaint d'être mal logé au Tuileries.—Mauvaise humeur.—La robe de madame de La Valette et le coup de pied.—Le musée vu aux lumières.—Passage périlleux.—Napoléon devant la statue d'Alexandre.—Grandeur et petitesse.—Un mot de la princesse Dolgorouki—L'empereur à Boulogne et l'impératrice à Aix-la-Chapelle.—L'impératrice manque à l'étiquette, et est reprise par son grand-écuyer.—La route sur la carte.—Les femmes et les dragons.—M. Jacoby et sa maison.—Le journal indiscret.—Inquiétude de Joséphine.—La malaquite et la femme du maire de Reims.—Silence imposé aux journaux.—Ennui.—La troupe et les pièces de Picard.—Répertoire fatigant.—La diligence et la rue Saint-Denis.—Excursion à pied.—Désespoir du chevalier de l'étiquette.—Retour embarrassant.—Les robes de cour et les haillons.—Maison et cercle de l'impératrice.—Les caricatures allemandes.—Madame de Sémonville—Madame de Spare.—Madame Macdonald.—Confiance de l'impératrice.—Son caractère est celui d'un enfant.—Son esprit;—son instruction;—Ses manières.—Le canevas de société.—Un quart d'heure d'esprit par jour.—Candeur et défiance de soi-même.—Douceur et bonté.—Indiscrétion.—Réserve de l'empereur avec l'impératrice.—Dissimulation de l'empereur.—Superstition de l'empereur.—Prédiction faite à Joséphine.—Plus que reine, sans être reine.—Les cachots de la terreur et le trône impérial.—M. de Talleyrand.—Motif de sa haine contre Joséphine.—Le dîner chez Barras.—Le courtisan en défaut.—M. de Talleyrand poussant au divorce.—La princesse Willelmine de Bade.—Fausse sécurité de l'impératrice.—Les deux étoiles.—Madame de Staël et M. de Narbonne.—Correspondance interceptée.—L'espion et le ministre de la police.—L'habit d'arlequin.—Napoléon arlequin.—Courage par lettres, et flagornerie à la cour.—Indifférence de l'empereur au sujet de l'attachement de ceux qui l'entouraient.—Le thermomètre des amitiés de cour.—Politesse et envie.—Profondes révérences et profonde insipidité.—Orage excité par les atténuons de Joséphine.—Cérémonie dans l'église d'Aix.—Éloquence du général Lorges.—La vertu sur le trône et la beauté à côté.—Mouvement causé par la prochaine arrivée de l'empereur.—L'empereur savait-il se faire aimer?—Arrivée de l'empereur.—Chagrins.—Espionnage.—Lejeune général et le vieux militaire.—La causeuse et l'impératrice.—Faux rapports.—Jalousie de l'empereur.—Joséphine justifiée.—Les enfans et les conquérans.—Napoléon tout occupé de l'étiquette.—Pourquoi le respect est-il marqué par des attitudes gênantes?—Grande réception des autorités constituées.—Admiration des bonnes gens.—Prétendu charlatanisme de l'empereur.—Lui aussi y aurait appris sa leçon.—Les dames d'honneur au catéchisme.—L'empereur parlant des arts et de l'amour.—L'empereur avait-il de l'esprit?—Adulation des prêtres.—Les grandes reliques.—Le tour du reliquaire, exécuté par Joséphine et par le clergé.—Méditation sur les prêtres courtisans.—M. de Pradt, premier aumônier de l'empereur.—Récompense accordée sans discernement.—Alexandre et le boisseau de millet.—Talma.—M. de Pradt croyait-il en Dieu?—Le wist de l'empereur.—Le duc d'Aremberg; le joueur aveugle.—L'auteur fait la partie de l'empereur, sans savoir le jeu.—Un axiôme du grand Corneille.—Disgrâce de M. de Sémonville,—Il ne peut obtenir une audience.—Propos indiscret attribué à M. de Talleyrand.—Les deux diplomates aux prises; assaut de finesse.—L'annulation au sénat.—M. de Montholon.—Madame la duchesse de Montebello.—Indiscrétion de l'empereur.—Observation digne et spirituelle de la maréchale.—Boutade de Napoléon contre les femmes.—Les mousselines anglaises.—La première amoureuse de l'empereur.—L'empereur plus que sérieusement jugé.—L'empereur représenté comme insolent, dédaigneux vulgaire.—Observation de Constant sur ce jugement.—Les manières de Murat opposées à celles de l'empereur.—L'empereur orgueilleux et méprisant l'espèce humaine.

Vers la fin de novembre, l'empereur partit de Boulogne pour faire une tournée en Belgique, et rejoindre l'impératrice, qui s'était rendue de son côté à Aix-la-Chapelle. Partout sur son passage il fut accueilli non-seulement avec les honneurs réservés aux têtes couronnées, mais encore avec des acclamations qui s'adressaient plutôt à sa personne qu'à sa puissance. Je ne dirai rien de tant de fêtes qui lui furent données durant ce voyage, ni de tout ce qui s'y passa de remarquable. Ces détails se trouvent partout, et je ne veux parler que de ce qui m'est personnel, ou du moins de ce qui n'est pas connu de tous et de chacun. Qu'il me suffise donc de dire que nous traversâmes comme en triomphe Arras, Valenciennes, Mons, Bruxelles, etc. À la porte de chaque ville, le conseil municipal présentait à Sa Majesté le vin d'honneur et les clefs de la place. On s'arrêta quelques jours à Lacken, et, n'étant qu'à cinq lieues d'Alost, petite ville où j'avais des parens, je demandai à l'empereur la permission de le quitter pour vingt-quatre heures; ce qu'il m'accorda, quoique avec peine. Alost, comme le reste de la Belgique, à cette époque, professait le plus grand attachement pour l'empereur. À peine si j'eus un moment à moi. J'étais descendu chez un de mes amis, M. D…, dont la famille avait long-temps été dans les hautes fonctions du gouvernement Belge. Là je crois que toute la ville vint me rendre visite; mais je n'eus pas la vanité de m'attribuer tout l'honneur de cet empressement. On voulait connaître jusque dans les plus petits détails tout ce qui se rapportait au grand homme près duquel j'étais placé. Je fus par cette raison extraordinairement fêté, et mes vingt-quatre heures passèrent trop vite. À mon retour Sa Majesté daigna me faire mille questions sur la ville d'Alost, et sur les habitans, sur ce qu'on y pensait de son gouvernement et de sa personne. Je pus lui répondre, sans flatterie, qu'il y était adoré. Il parut content, et me parla avec bonté de ma famille et de mes petits intérêts. Nous partîmes le lendemain de Lacken, et nous passâmes par Alost. Si la veille j'avais pu prévoir cela, je serais peut-être resté quelques heures de plus. Cependant l'empereur avait eu tant de peine à m'accorder un seul jour, que je n'aurais probablement pas osé en perdre davantage, quand même j'aurais su que la maison devait passer par cette ville.

L'empereur aimait Lacken; il y fit faire des réparations et des embellissemens considérables; et ce palais devint par ses soins un charmant séjour.

Ce voyage de Leurs Majestés dura près de trois mois. Nous ne fûmes de retour à Paris, ou plutôt à Saint-Cloud, qu'en octobre. L'empereur avait reçu à Cologne et à Coblentz la visite de plusieurs princes et princesses d'Allemagne; mais, comme je ne pus savoir que par ouï-dire ce qui se passa dans ces entrevues, j'avais résolu de n'en pas parler, lorsqu'il me tomba dans les mains un manuscrit dans lequel l'auteur est entré dans tous les détails que je n'étais point à même de connaître. Voici comment je me suis trouvé possesseur de ce curieux journal.

Il paraît qu'une des dames de S. M. l'impératrice Joséphine tenait note, jour par jour, de ce qui se passait d'intéressant dans l'intérieur du palais et de la famille impériale. Ces souvenirs, parmi lesquels il se trouvait beaucoup de portraits qui n'étaient pas flattés, furent mis sous les yeux de l'empereur, probablement, comme on le soupçonna dans le temps, par l'indiscrétion et l'infidélité d'une femme de chambre.

Leurs Majestés étaient fort durement, et, selon moi, fort injustement traitées dans les mémoires de madame***. Aussi l'empereur entra-t-il dans une violente colère, et madame*** reçut son congé. Le jour où Sa Majesté lut ces manuscrits dans sa chambre à coucher de Saint-Cloud, son secrétaire, qui avait coutume d'emporter tous les papiers dans le cabinet de Sa Majesté, oublia sans doute un cahier assez mince, que je trouvai par terre, près de la baignoire de l'empereur. Ce cahier n'était autre chose que la relation du Voyage de l'impératrice à Aix-la-Chapelle, relation qui faisait apparemment partie des mémoires de madame***. Comme nous étions au moment de partir pour Paris, et que d'ailleurs des papiers négligemment oubliés et non réclamés ne me semblèrent pas devoir être d'une grande importance, je les jetai dans le haut de l'armoire d'un cabinet, laquelle ne s'ouvrait qu'assez rarement, et je ne m'en occupai plus. Personne, à ce qu'il paraît, n'y pensa plus que moi; car ce ne fut que deux ans après, que cherchant dans tous les recoins de la chambre à coucher je ne sais quel objet qui se trouvait égaré, mes yeux tombèrent sur le manuscrit tout poudreux de madame***. La pensée de l'empereur était alors bien loin d'être occupée d'une petite tracasserie de 1805, et je ne m'avisai pas d'aller lui rappeler des souvenirs désagréables. Mais, comme je trouvai dans cette relation des détails piquans sur le retour de Leurs Majestés d'Aix-la-Chapelle, je ne crus pas me rendre coupable d'une grande indiscrétion en emportant chez moi le manuscrit, et j'espère qu'on ne me saura pas mauvais gré de le trouver joint à mes mémoires. Toutefois je proteste ici d'avance contre toute interprétation qui tendrait à me rendre solidairement responsable des opinions de madame***. Elle était du nombre de ces personnes qui, appartenant à l'ancien régime, soit par elles-mêmes, soit par leurs liens de famille, avaient cru pouvoir accepter ou même solliciter les charges de la maison de l'empereur, sans renoncer à leurs préventions et à leur haine contre lui. Cette haine a porté plus d'une fois l'auteur du Voyage à une exagération injuste sur tout ce qui se rapporte à Leurs Majestés, et j'ai répondu dans quelques notes à ce qui m'a paru inexact dans ses jugemens. Quant à ce qui concerne les princes allemands, et divers autres personnages, madame*** me fait l'effet d'avoir été spirituellement véridique, quoique un peu trop railleuse.

Mémoires de Constant, premier valet de chambre de l'empereur, sur la vie privée de Napoléon, sa famille et sa cour

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