Читать книгу Les Wiriot et les Briot, artistes lorrains du XVIe et du XVIIe siècle - Louis Jouve - Страница 10
ОглавлениеAnoblissement des Wiriot.
Pierre Wiriot était probablement, je l’ai dit plus haut, le fils de ce Jehan Wiriot qui fut envoyé en France avec le général des finances du duc René, chargé d’une mission concernant les monnaies. Il fut anobli par le duc René et prit le blason que l’on connaît. On pourrait s’étonner de voir un orfèvre anobli, mais nous ne croyons pas que ce fut seulement à ce titre, quel qu’ait été son talent dans un art qui faisait étinceler l’or et l’argent sous les formes les plus élégantes. Il était riche et il dut rendre de grands services à son prince et à sa ville natale.
Assurément, le mauvais état des finances de tous les princes, dans des siècles si troublés, les engageait à multiplier les lettres de noblesse, devenues une véritable mine d’or. Ces lettres datent, pour la Lorraine, des dernières années de Charles II. On était noble d’épée (l’ancienne chevalerie), on devenait noble de robe (services rendus dans la magistrature), ou par finance, noblesse qui s’acquérait par de l’argent. Dans ce dernier cas, la taxe montait au tiers de la fortune du postulant, après un inventaire dûment constaté (ordonnance de Charles III, 1573), et quand les qualités de ducs de Lorraine et de Bar furent réunies, les anoblissements devinrent plus fréquents. A défaut d’argent, les ducs récompensaient leurs serviteurs en leur donnant des titres ou des seigneuries . Dans l’augmentation des familles et par suite de leur dissémination, on sentit le besoin de faire renouveler ces lettres et d’ajouter au blason de nouveaux signes héraldiques pour distinguer les différentes branches. J’en trouve deux exemples dans la famille Voillot de Damblain et dans une branche des Wiriot; j’en parlerai plus loin.
Pierre Wiriot, l’orfèvre, devait être, on le voit par la chapelle qu’il a élevée, un des personnages les plus distingués de la petite ville de Neufchâteau, et il n’y a pas de doute qu’il ne l’ait illustrée de son vivant. Jehan Wiriot, celui que nous croyons son père, orfèvre comme lui, avait été employé à l’œuvre des monnaies. Or, Neufchâteau possédait un atelier monétaire, un des plus anciens de la Lorraine, et nous avons déjà dit qu’au XVe et au. XVIe siècles, c’étaient des orfèvres qui besognaient en la monnaie, et les ducs leur avaient accordé des privilèges très étendus, même fort souvent des lettres d’anoblissement. Il est naturel de penser que Pierre Wiriot, désigné pour diriger la fabrication des monnaies à Neufchâteau, fut anobli, à ce titre, par le duc René II. Les maîtres monnayeurs n’étaient pas toujours des fonctionnaires publics, mais parfois simplement des individus connaissant la fabrication, travaillant pour le compte du prince, recevant des gages et une part dans les bénéfices. Il leur fallait graver et confectionner les coins, et le tailleur se trouvait dans la nécessité d’en graver une quantité aux mêmes types, car les coins ne résistaient pas très longtemps aux coups répétés du marteau . Or, les orfèvres tenaient le premier rang dans cette catégorie et pouvaient le mieux se connaître en bons ouvriers. Pierre Wiriot n’était pas pourtant le seul graveur de monnaies à Neufchâteau. On lit dans le compte du trésorier général pour l’année 1504 - 1502 deux mentions qui font connaître un graveur de sceaux, Henry l’orfèvre, demeurent au Neufchâtel .
Sa richesse dut lui donner en outre plus d’une occasion de témoigner ses sentiments pour son prince et pour sa ville natale ou sa reconnaissance, après les secousses terribles du XIVe siècle, et depuis la chute de Charles-le -Téméraire, Neufchâteau, en recouvrant la paix, avait repris quelque activité ; la fortune semblait lui sourire et son commerce, qui avait donné jadis, pour leur malheur, à ses citoyens libres, un esprit tracassier et remuant, tendait à reprendre sa vieille renommée, sans pouvoir créer de nouveau une prospérité disparue, qui avait duré deux siècles, mais disparue sans retour. Dégagée de l’hommage à rendre au roi de France, la commune s’attacha à ses ducs qui la laissaient jouir de ses anciennes libertés.
Pierre Wiriot paraît être un de ceux qui comprit le mieux ses nouveaux devoirs. Son petit-fils, dans une préface dont j’aurai à parler plus tard, se fait comme l’écho des sentiments de la famille pour les ducs de Lorraine. Dans les embarras pécuniaires de René II, nous croyons qu’il sut contribuer à l’en faire sortir. Outre les contributions, déguisées sous le nom d’emprunts ou de prêts, les princes trouvaient chez les riches bourgeois des bourses qui s’ouvraient complaisamment pour les aider au besoin . Dans les travaux publics, ou dans ceux qui étaient à la charge de son prince, n’a-t-il pas pris une part qui pouvait être pour lui un profit en même temps qu’un bienfait. L’allongement de l’église de Saint-Christophe par la nef de l’abside et la restauration du château de la ville sont des œuvres faites par l’ordre et sous les auspices de René II. Nous ne savons pas ce qu’il fit durant les calamités qui affligèrent le pays à partir de l’an 1500. Durant six mois, des pluies excessives d’octobre à la fin de mars, ruinèrent toute espérance de récolte et bouleversèrent le sol; les denrées atteignirent un prix inouï. René chercha tous les moyens d’apaiser les misères en ordonnant de grands travaux. Mais la famine fut suivie de la peste, qui sévit avec fureur, surtout pendant l’année 1505. Plus de commerce; la campagne était abandonnée. Il périt un tiers des habitants en Lorraine. Le duc encourageait partout le travail.
N’est-ce pas pour correspondre à cette pensée de remédier efficacement à la misère des habitants de Neufchâteau, que l’orfèvre Wiriot obtint de faire, en 1505, cette chapelle splendide dont la construction, tout en donnant du travail aux malheureux, était en même temps un acte de piété et de foi, pour implorer la miséricorde divine? La concordance des dates me fournit cette hypothèse légitime, que n’appuie jusqu’ici, il est vrai, aucun texte écrit.
Anobli par les Lettres de René II, Pierre Wiriot fit encore entrer dans sa descendance le sang d’une vieille famille de chevalerie, et par elle celui d’un autre anobli, les Bouzey et les Voillot. Il sera parlé des Bouzey plus loin.
Les Voillot sont originaires de Damblain. Ils illustrent les premiers cette petite commune du Bassigny, dans le duché de Bar. Jehan Vuylot, selon l’orthographe des lettres de noblesse, orthographe qui nous enseigne la prononciation du mot (Oui-lot), natif de Damblain, était maître canonnier de René Ier d’Anjou, roi de Sicile, duc de Lorraine et de Bar, et fut anobli par ce prince en 1441. Qu’était-ce que le maître canonnier? Lepage, dans les Offices, parle d’un chef d’artillerie, qualifié d’abord maître, puis maître et capitaine général, enfin grand maître et général de l’artillerie, mais il ne remonte pas à 1441, et ne semble pas avoir connu ce Jehan Voillot; il ne donne la liste de ces officiers militaires qu’à partir de 1462, et ce sont tous des nobles. Le titre de maître canonnier ne me parait pas avoir été subalterne, la noblesse accordée à celui qui le portait en est certes la preuve. Jehan Vuylot ou Voillot, quoi qu’il en soit, porte d’argent à trois fusées d’azur rangées en fasce, chargées chacune d’une croix recroisetée au pied fiché d’or . Je cite ces armes, parce que nous en retrouverons une partie dans une branche des Wiriot qui en descend par les femmes. Voici le point qui touche aux Wiriot.