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IV

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Quand le sol apparut en 1860, sous les débris et les encombrements dont nous avons parlé, on put reconnaître que la destination de la chapelle était toute sépulchrale. Au milieu du pavage, une pierre tombale recouvrant l’ouverture d’un caveau, la trace bien visible d’un ancien autel à l’abside, et en face, à la pointe de l’ogive dans le mur plein, comme pour éclairer, dominer l’ensemble et en achever la signification, un écusson armorié, sculpté et jadis revêtu de ses émaux. Il n’y avait pas là la moindre trace de baptistère. La richesse et l’élégance des sculptures, l’art charmant qui avait présidé à l’œuvre étaient d’accord avec la recherche de somptuosité que le gothique flamboyant, dernier épanouissement de l’art ogival, relevé de l’éclat des couleurs, se plaisait à mettre sur les tombeaux.

Voici cet écusson. Il est incliné et a 17 centimètres du haut à la pointe et 13 de largeur. Il est d’azur à une fasce d’argent, accompagné de trois bagues d’or, le chaton d’argent, deux en chef et une en pointe. Par dessus et brochant sur la fasce est un chiffre jusqu’ici mal interprêté ; on avait cru sur l’apparence et répété partout qu’il se composait d’un V et d’un P gothiques superposés ou entrelacés, la queue du P se terminant par une espèce de 4 , signe qui accompagne fréquemment les initiales des noms des gens de métier pour servir de marque de fabrique. La fasce et les bagues ont un centimètre de relief sur le fond; la lettre gothique s’élève elle-même d’un centimètre sur la fasce, qu’elle déborde, et de deux sur le fond, mais elle n’est formée ni d’un P ni d’un V; c’est un W gothique.

Il est impossible d’en douter et superflu d’insister à la vue de l’esquisse exacte que je donne ici, réduite à un peu moins du sixième en hauteur. Elle est publiée pour la première fois. M. Didot a donné un dessin de cette lettre dans une forme qui n’honore pas celui qui le lui a fourni et qu’il est inutile de réfuter.


( Écusson de Pierre Wiriot. )

J’ajoute que le chiffre qui broche sur la fasce doit être la marque de fabrique du riche orfèvre.

Pierre Wiriot ne fut-il que l’édificateur, l’architecte de la chapelle, comme M. Didot semble le croire ou l’affirme sans preuve, sur des renseignements assurément fautifs, qu’il serait long de réfuter par le menu? Si on lui fit cet honneur considérable de la remplir de son seul nom, de son seul souvenir, je demanderai d’abord sur quel indice on a fait de Pierre Wiriot un sculpteur et un architecte, mais surtout à quel usage, à quel saint ou sainte, ce sanctuaire étroit pût être primitivement consacré ? Quel vestige d’une autre glorification y a-t-on reconnu?

De ce long examen il résulte clairement qu’on interprêtera avec plus de facilité, dans le silence de tout document écrit, la raison pour laquelle les dates 1505 et 1515 sont bizarrement sculptées en une seule au-dessus de l’arcade qui donne entrée à la chapelle. Evidemment elles doivent renfermer un même cycle. Lequel? Si la lecture de ces deux millésimes est exacte, la première pensée qui vient à l’esprit, c’est qu’elles représentent la période du temps mis à l’exécution et à l’achèvement de la chapelle; rien ne s’oppose à cette hypothèse d’une manière absolue. Mais quand elle fut terminée, sous quel nom a-t-elle pu être consacrée? A qui devaient s’y adresser les prières des fidèles? La pierre tumulaire n’était certes pas encore mise en place, et bien qu’il ait été dressé dans l’abside un autel peu considérable, il est vrai, on ne voit pas bien à quel culte elle eût été vouée. Mais si l’on songe que Pierre Wiriot est mort en 4515, on comprend mieux le zéro barré de 1505. C’est l’époque véritable de l’inauguration de la chapelle qui était achevée en 1515, et en même temps de l’inhumation du bourgeois anobli, assez riche pour se donner le luxe d’un pareil mausolée, et c’est la piété de la veuve qui aura fait graver ces deux millésimes en un seul pour en laisser le témoignage à la postérité.

La conclusion de cette étude sur ce petit chef-d’œuvre architectural, c’est que c’est bien la chapelle sépulchrale de Pierre Wiriot et de sa femme Adda, qu’il lui appartient en propre et n’a pas eu primitivement d’autre destination, qu’il a été élevé en 1505 et que notre orfèvre y a été inhumé en 1515, enfin, en conséquence, qu’il n’en fut pas le simple architecte, chargé en cette qualité d’édifier la chapelle, qui ne fut baptismale que depuis le commencement de ce siècle probablement.

Pourquoi n’a-t-on pas laissé le sol de la chapelle tel qu’il était jadis et y a-t-on fait de regrettables changements? Et pourtant faut-il jeter le blâme sur ceux qui les ont opérés? La-cuve baptismale recouvrait, nous l’avons dit, la pierre tombale en majeure partie; allait-on la cacher de nouveau, en commettant une sorte de sacrilège? Et où placerait-on le nouveau bassin sacré ? Si on porte celui-ci du côté de l’abside pour donner plus de place au déploiement des fidèles, l’inscription tumulaire sera bien vite effacée sous les pieds. On imagina donc de mettre la pierre tombale à l’abside même, et, pour qu’elle prit le moins de place possible, on la coucha en longueur au pied du mur, puis on rapprocha le baptistère du même côté, mais on en mit la base sur une partie de l’inscription dont la lecture se trouve ainsi interrompue, et les maçons plaquèrent si maladroitement le ciment qui unissait toutes ces pierres que nombre de lettres en sont remplies et sont devenues illisibles. C’était la maxime minima de malis appliquée à l’art et à l’archéologie. Quant à l’entrée du caveau on l’a marquée d’une entaille ronde sur la pierre au milieu de la chapelle, sous la clef de voûte. C’est déplorable au point de vue de l’art et de la vérité, mais on a peut-être sauvé la pierre tombale de Wiriot d’une destruction complète.

Dans le prochain article, je parlerai de la famille de l’artiste graveur.

Les Wiriot et les Briot, artistes lorrains du XVIe et du XVIIe siècle

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