Читать книгу Les Wiriot et les Briot, artistes lorrains du XVIe et du XVIIe siècle - Louis Jouve - Страница 9

Оглавление

V

Table des matières

La famille Wiriot.

Le nom de famille Wiriot, aujourd’hui Viriot, est un nom très répandu dans la Lorraine et d’une origine fort ancienne. Sa forme primitive se trouve fréquemment dans nos vieux titres sous le nom de Widricus, dont la terminaison dénoterait peut-être une origine plutôt gallo-franque que gallo-romaine. De Widricus sont sortis les Viry, les Viriot, les. Virion, les Viriat, comme de Theodericus viennent les Thierry, les Thiriot, les Thirion, les Thiriat, les Thiriet. Parmi les premiers, rangeons aussi les Voiry, les Voiriot, les Voirin. Quant aux Wiriot de Neufchâteau, on en voit toujours le nom écrit jusqu’à la fin du XVIIe siècle avec le double W. Mais c’est là une question peu importante. Si le graveur Pierre Wiriot a signé ses œuvres Woeiriot, et s’il ne nous a pas dit le motif de ce changement, il est inutile de répéter toutes les conjectures qui viennent à l’esprit à ce sujet et qui n’ont guère de fondement. Je crois qu’il n’y faut voir qu’une singularité d’artiste. Le nom se prononçait et s’est toujours prononcé Ouiriot, excepté dans les temps modernes, par suite de la modification de l’orthographe et de l’effacement du double W dans la prononciation. Cela suffit pour le moment.

La plus lointaine mention que nous trouvions du nom de Wiriot date du commencement du XIVe siècle. Les bourgeois de Neufchâteau avaient accusé leur duc Thiébaut d’avoir falsifié les monnaies en doublant l’alliage, à l’instigation de son ami Philippe-le-Bel, le roi faux-monnoyeur. De courageux citoyens seraient même parvenus à les soulever. Le duc en fit arrêter plusieurs, parmi lesquels un nommé Wiriet ou Wiriot. Cette querelle se termina en 1312 par un traité à l’avantage des Neufchâtélois. Trente ans après nous trouvons un Jacquemin Wiriot, désigné comme arbitre suppléant dans une contestation survenue au sujet des franchises de la ville. Il existe un sceau appendu à un contrat passé devant Jacquemins Wiriot (ou Wiriet) maires de la commune du Neufchâtel en mil troix cens trente et un, le neuuième jour dou moix de mars; ce sceau présente un coq tourné à gauche et surmonté de deux tours avec la légende incomplète:... IAQVE, WIRIET. MAOR. DOV NVEF... .

Dans un titre latin de 1384, fondation et dotation d’une chapelle à Neufchàteau, chapelle dont la personne qui a lu ce titre n’a trouvé la mention nulle part malgré ses recherches, on lit, parmi les noms des bienfaiteurs, celui d’Arnulphus Wiriet, carnifex (bourreau); nous ne pensons pas qu’il soit de la même famille. Quant à la chapelle, il s’agit je crois de celle de l’ancienne maladrerie de Rainval.

Dans la deuxième moitié du XVe siècle, je trouve deux Jehan Wiriot, dont l’un me paraît appartenir à la branche de Neufchâteau. Le premier était de Mirecourt ou du moins occupait, dans ce chef-lieu du bailliage de Vosges, une fonction assez importante. Au premier rang des offices secondaires du duché de Lorraine se trouvaient les maîtres des œuvres ou maîtres maçons, chargés de diriger et de faire exécuter les travaux au compte de l’Etat; c’étaient tout à la fois, dans l’origine, des architectes, des ingénieurs, des fortificateurs. Outre le maître des œuvres de Lorraine, il y avait dans chaque bailliage, et très vraisemblablement sous ses ordres, des maîtres maçons ou architectes, chargés de la direction des ouvrages dans leur circonscription. En 1476, un nommé Simon Boussard, de Hymont, fut nommé «maître visiteur du métier de maçonnerie » au bailliage de Vosge, à cause de la vieillesse et débilitation de Jehan Wiriot, de Mirecourt, qui avait exercé cet office sous les ducs Jean et Nicolas. (Mémoires de la Société d’archéologie lorraine, 1869, p. 309.) Ce Wiriot n’était pas nécessairement de Mirecourt; mais c’est là qu’était le siège du bailliage et l’on sait que les baillis ne faisaient pas ordinairement leur résidence dans la localité du siège, et Neufchàteau faisait partie du bailliage de Vosges.

Quoi qu’il en soit, on peut, vu les dates, regarder le vieil architecte comme le père de Jehan Wiriot, cité en 14821 pour une mission dont le chargea le duc René II. L’hypothèse n’a rien d’improbable. Ici commence pour les orfèvres de cette époque en Lorraine un rôle qui est à remarquer; on en voit un certain nombre occupés officiellement de différentes façons à la fabrication de la monnaie.

Le duc René II, souvent à court d’argent, voulut faire frapper, en 1481, de nouvelles monnaies, et ce ne fut pas sans difficulté qu’il y arriva . Durant les guerres qui venaient de désoler la Lorraine, le service de la monnaie avait dû souffrir comme tous les autres: on manquait d’ouvriers, et Nancy ne pouvant en fournir d’assez habiles, il fallait en aller chercher au loin et beaucoup, à cause des difficultés et des lenteurs de la frappe au marteau. C’est ce que démontrent les mandements de paiements faits à des orfèvres pour différentes missions, les nominations d’orfèvres comme graveurs, essayeurs et maîtres de la monnaie. M. Lepage (Mém. de la Soc. d’arch. lorraine, 1875) en cite un grand nombre, parmi lesquels je ne retiendrai qu’un nom. Un mandat de paiement du 6 février 1488 porte: A Jehan Wiriot en deux escus d’or que luy avons fait donner pour aller en France avecques le général de nos finances. Le lieu d’origine et la profession ne sont pas indiqués ici, mais comme ce Wiriot est cité parmi d’autres orfèvres, chargés tous d’une mission analogue, aller chercher d’habiles monnoyers, étudier les systèmes de frappe, faire des achats d’or et d’argent, etc., on peut affirmer que Jehan Wiriot était orfèvre; aussi lui attribuer la paternité de Pierre Wiriot, l’anobli, n’est pas une hypothèse à rejeter à priori. Les services rendus par cette famille au duc René sont assurément l’origine d’un anoblissement légitime, et il est à remarquer que les premières lettres de noblesse accordées par les rois de France datent de Philippe-le-Hardi, qui anoblit son argentier, Raoul l’orfèvre.

Si l’anoblissement fut à l’origine la récompense du mérite et des services rendus, ils se multiplièrent trop fréquemment et donnèrent lieu à un trafic honteux. Charles VII récompensa de cette façon les hommes d’armes qui s’étaient le plus distingués, mais Louis XIV battit monnaie avec de la cire et du parchemin; il anoblit cinq cents personnes moyennant finances et, de ce trafic, en tira quatre millions.

En Lorraine, l’influence politique qui, dans l’origine, appartenait exclusivement à une classe privilégiée, l’ancienne chevalerie, va diminuer plus rapidement qu’en France et sera partagée avec une autre classe de la société. La fréquence des anoblissements, nécessités par les besoins matériels des ducs et par la pénurie d’hommes qui aient étudié le droit, fit entrer peu à peu la bourgeoisie dans les conseils du prince et y occuper la plus large place. C’est ainsi qu’une nouvelle aristocratie s’élève à côté de l’ancienne, et lorsque celle-ci eut disparu presque tout entière au milieu des calamités qui marquèrent le règne de Charles IV, l’autre devint toute puissante. Au siècle dernier, les emplois étaient tombés, pour la plupart du moins, entre les mains des descendants de plébéiens anoblis. (Les Offices, Mém. de la Soc. d’arch. lorraine, 1869.)

Nous n’avons pas les lettres de noblesse accordées à Pierre Wiriot, l’orfèvre; nous n’en connaissons pas non plus la date. J’avoue, pour mon compte, n’avoir encore rien trouvé qui puisse lui constituer une biographie, et tenir fort peu de cas des renseignements fournis par M. Feunette à M. Didot. «Il était sculpteur et architecte, dit-il, et fut chargé en cette qualité de l’édification de la chapelle servant aujourd’hui de fonts baptismaux à l’antique église de Saint-Christophe de Neufchâteau. René II, duc de Lorraine, qui ajouta une travée au collatéral de l’église, eut occasion d’apprécier son talent et le nomma son orfèvre ducal, c’est-à-dire inspecteur des vases et ornements sacrés dans les églises et de l’argenterie dans son château.» Il y a là deux assertions dont j’ai détruit précédemment la première. Quant à la seconde, à cette nomination d’un orfèvre ducal, avec fonction spéciale, à cette transformation d’un sculpteur et architecte en inspecteur de l’argenterie, il faut une bonne dose de naïveté pour y croire. Dans l’étude approfondie que M. Lepage a faite sur les Offices du duché de Lorraine et de la maison du duc même, il n’y a rien de tel. Les plus humbles offices y sont cependant nommés; on y trouve jusqu’à des maîtres châtreux, titre conféré même à de grands personnages, voire à des femmes; ils en touchaient du moins les émoluments. En outre, je ne sais si M. Didot, ainsi abusé, s’est bien compris lui-même en parlant de l’addition d’une travée au collatéral de l’église La travée ajoutée sous René II est la sixième, celle qui se termine par l’abside.

Dans l’ignorance des événements particuliers de sa vie, il nous reste cependant le devoir de rechercher les causes générales de l’anoblissement de Pierre Wiriot.

Les Wiriot et les Briot, artistes lorrains du XVIe et du XVIIe siècle

Подняться наверх