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II

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Table des matières

MM. d’Arbois et Humbert, archéologues fort compétents, cherchant les origines de l’église St-Christophe, étudiant les transformations ou réparations, n’ont rien dit de l’édification de la chapelle, rien dit de sa destination première; ils n’ont pas parlé de l’écusson bien visible sculpté sur la pointe de l’ogive du mur plein qui fait face à l’abside, ni lu au-dessus de l’ogive de l’arcade qui donne entrée au baptistère une date importante sculptée dans un encadrement; ils n’ont pas connu la pierre tumulaire fermant sur le milieu du pavé, immédiatement sous la clef de la voûte, l’entrée de la tombe. Rien dans leurs récits n’y fait allusion. Ils semblent croire toutefois que la construction de la chapelle du sud doit être attribuée, ainsi que le remplissage des arcades du porche, aux appréhensions qui se sont produites à plusieurs époques sur la solidité de l’édifice et au désir qu’on a eu de le contre-butter du côté où la tour avait fléchi et où la pente du sol semble l’attirer. La construction de la chapelle a dû contribuer sans doute à annuler la poussée de la masse de l’édifice sur le côté sud qui est assez fortement en pente, mais ce n’est pas ce but qui a été visé.

On ne saurait cependant blamer les archéologues cités plus haut de n’avoir pas vu ce qui était caché. Lors des travaux de réparations de J’église, on songea à la chapelle. Le silence de la tradition et de l’histoire fut alors heureusement rompu. Le centre de la chapelle était alors occupé par la cuve baptismale, soutenue, sous le plancher même qui cachait le pavage primitif, par une semelle de pierre; à l’abside s’élevait l’autel mesquin et sans style dont parle M. Humbert, autel de style rococo (18e siècle) qui sans doute avait été élevé par Mme des Sales, comtesse de Courtimont et de Rorthais, dernière abbesse des Clarisses de Neufchâteau, quand, au concordat, elle rétablit à ses frais le culte catholique à St-Christophe.

Quand on débarrassa le sol du plancher qui le couvrait, il fallut enlever, avec la semelle de pierre, un remblai de pierres brisées et de plâtras et alors apparut dans son état premier, moins usée qu’aujourd’hui, une pierre tombale au centre, et à l’abside, l’emplacement et les fragments trop rares de l’autel. Cette pierre représentait au trait, sous une arcature gothique de la dernière époque, deux personnages: un homme et une femme, couchés les mains jointes et revêtus du costume de leur temps; entre leurs têtes, deux écussons accolés, l’un tout à fait nu, l’autre représentant une balance avec trois bagues, deux en chef, l’autre en pointe. L’inscription suivante, en caractères gothiques, les encadrait; la voici:


Sous la tombe était l’entrée du caveau où ces deux personnages avaient été inhumés. Nous ne savons s’il a été visité, ou si la visite faite a été relatée quelque part; on doit certes regretter ou le manque de curiosité des intéressés ou l’absence d’un compte-rendu écrit. A ma connaissance, il a été pris au moins deux copies de l’inscription, l’une par M. Fremotte, l’habile peintre verrier de Neufchâteau qui l’a faite aussitôt qu’il eût eu connaissance de la découverte et depuis l’a rectifiée avec les soins les plus scrupuleux, l’autre par M. Feunette, bibliothécaire de la ville. Celle de M. Fremotte, qui a bien voulu me la communiquer, et je l’ai vérifiée sur les lieux, mais après la publication de ma brochure, est correcte, c’est celle qu’on a lue plus haut. M. Didot a donné la seconde qu’il tenait sans doute de M. Feunette; elle est fautive dans l’orthographe; mais la plus lourde erreur est celle qui lui fait écrire «Pierre Woriot (sic)» au lieu de Wiriot. Son correspondant, il faut le dire à sa décharge, était fort myope , et cette erreur puisée à la même source, probablement, a été reproduite depuis. M. Jacquot l’a commise ou copiée. J’ai vu de mes yeux et tàté du doigt le mot; il est bien comme je l’écris.

La lecture du nom Wiriot sur la pierre tombale est donc indiscutable.

Un autre nom, celui de sa femme, donne lieu au doute dans l’état où il est aujourd’hui. En 1860, M. Fremotte a lu adda, et rien qu’adda ajoute-t-il avec force; il n’y a jamais vu adam. Le second d est maintenant à moitié effacé, mais il reste encore assez de la branche supérieure pour qu’on puisse y reconnaître la barre horizontale qui est un signe d’abréviation. M. Didot, qui suit sans doute M. Feunette, écrit Ada (m) avec le trait sur l’a, l’m ne pouvant se lire. M. Jacquot, qui dit avoir copié l’inscription et, comme M. Didot, écrit Woriot, donne la leçon Adam comme si elle était positive. Ce n’est pas dans leur transcription qu’on trouvera la véritable lecture, et je ne parle pas d’autres fautes de copie dans l’orthographe qui au fond n’ont pas d’importance historique.

Evidemment Adam plaira davantage à la généralité des lecteurs; c’est un nom assez répandu, on le trouve même dans les environs de Neufchâteau; mais ici ce n’est pas une affaire de goût, mais d’exactitude historique et de vérité. Pierre, anobli par René II, dont le fils Jacquemin épousa Urbaine de Bouzey, deux fois noble par son père et par sa mère Collotte Voilot, aurait-il trouvé dans la petite bourgeoisie une Adda au nom aristocratique? S’il est moins usité que Collotte ou Catherine, si au moyen-âge il est prénom de femme plutôt que nom de famille, ne trouvons-nous pas aujourd’hui d’anciens prénoms immobilisés de générations en générations dans les généalogies, comme les Louis, les Marie, les Marguerite, les François, etc.

Adda est le nom de la bonne lecture, je le répète. Et coïncidence singulière! c’est une Adda qui, avec son mari, fonde la charmante chapelle de St-Christophe, et c’est une autre Adda qui, avec son mari, avait donné l’église elle-même à l’abbaye de St-Mansuy .

Reste à parler des dates de l’inscription tumulaire et de la destination de la chapelle.

Les Wiriot et les Briot, artistes lorrains du XVIe et du XVIIe siècle

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