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III

Table des matières

La chapelle de St-Christophe.

Les pages précédentes n’offrent peut-être qu’un intérêt purement archéologique. L’histoire vraie cependant ne s’affirme, dans certains cas, que sur des détails arides; il faut prouver avant tout, et débarrasser le chemin des broussailles inutiles et des obscurités. On n’aime pas à marcher à travers le doute; l’écrivain consciencieux et le lecteur qui cherchent à s’instruire veulent la lumière en toute chose, mais celui qui tient la plume n’a pas toujours le bonheur de plaire quand il entre dans des discussions de lettres ou de chiffres, dont on ne saisit pas toujours l’importance. J’en demande pardon aux lecteurs du Patriote, il faut que j’aborde des matières qui ne sont stériles qu’en apparence. Je n’ai pas de goût pour le pédantisme, mais devant des assertions contradictoires ou sans fondement assuré, je n’hésite pas à combattre pour la vérité. Oh! que j’aimerais mieux, au lieu de mettre un microscope aux mains du lecteur pour étudier avec moi des formes de lettres sur une vieille pierre usée, lui faire un de ces récits où la joie éclate au cœur et le soleil rit à nos prés; mais me voilà lancé sur une route aride et ténébreuse, où les petits mérites de la victoire laissent insensible le lecteur, qui cherche une distraction légitime; je dois sacrifier ici l’agrément à la sincérité sévère des recherches historiques.

D’après une lecture faite en 1860, j’ai fait mourir Pierre Wiriot le 20 février 1515. M. Didot, d’après M. Feunette, a imprimé le 11..... 1524. M. Jacquot dit le 11..... 1521. Les deux dernières dates sont erronées; la première se trompe sur le mois seulement. J’ai vu la tombe, et il est difficile, en l’état où elle est, de se prononcer à première vue. Mais M. Fremotte, l’habile peintre verrier que l’on connait, ayant bien voulu faire pour moi un estampage de cette partie de l’inscription tumulaire, difficile et délicate opération, les doutes ont été levés. Il faut lire XX me de mars, le vingtième de mars 1515. Les deux xx du jour du mois ont été pris pour deux 1, mais la forme de ces chiffres examinés de près ne laisse pas place au doute; ici donc l’erreur de M. Feunette n’a rien qui puisse étonner. Quant au millésime, c’est bien 1515. La date du décès de la femme de Pierre ne peut prêter à l’équivoque ou à l’erreur, car elle est très lisible; je l’ai donnée correctement.

Supposons que la date 1515 puisse encore être controversée, il m’a été possible de la retrouver inscrite sur le même monument, et ici aucun des archéologues qui ont étudié la chapelle ne semble l’avoir aperçue ou du moins ne l’a mentionnée à ma connaissance. Cherchons et examinons. Une arcade fait communiquer la nef latérale de l’église avec la chapelle; elle est ogivale avec un pendentif séparant deux petites arcades trilobées. Ce pendentif est couvert sur son tympan d’un écusson couronné, qui est brisé et piqué, celui des ducs de Lorraine.

Enfin, au-dessus de la pointe de l’ogive, sur le plein du mur et du côté de la nef, on voit un cadre au milieu duquel se lit à première vue le millésime 1515, sculpté en relief sur un fond évidé et entouré d’une moulure. J’ai dit à première vue; c’est que le chiffre 1 de la dizaine de ce nombre s’impose aux regards par sa taille, car il dépasse par le haut et par le bas les chiffres voisins. Mais l’usage d’une échelle a fait voir à M. Fremotte que cette longue barre perpendiculaire traverse un zéro par le milieu. Cette superposition donne à ce chiffre compliqué l’aspect de la majuscule phi de l’alphabet grec, et puisque le millésime est sculpté en relief sur la pierre évidée, il en résulte qu’il a été sculpté le même jour par le même ciseau.

Cette singularité serait inexplicable, si elle n’avait pas pour but, à mon sens, de rappeler deux dates à la fois: 1505 et 1515; et puisque les chiffres sont taillés en relief sur la pierre évidée, il est naturel de penser qu’ils l’ont été avec une intention arrêtée. Comment interpréter ces millésimes? Quels événements veulent-ils rappeler? Avant de chercher une solution à ce problème, il y en a un autre à résoudre nettement et qui tient le premier dans sa dépendance, c’est la destination première de cette chapelle. C’est là qu’il nous faut revenir.

En y entrant, on remarque qu’elle est en contre-bas de la nef de l’église. A l’origine il n’en a pas été ainsi, car on s aperçoit facilement que les bases des piliers de cette nef sont enterrées d’une certaine épaisseur sous un pavage plus moderne formé de grandes dalles. Voici ce qu’on raconte à ce sujet. L’entreprise des démolitions de l’église des Cordeliers et du pavage de celle de St-Christophe fut mise entre les mains de la même personne qui prit les pierres de l’une pour exécuter son travail dans l’autre, sans qu’on se fut opposé à la surélévation du sol qui abaisse d’autant la hauteur de la nef. C’est ce qui a fait dire à M. d’Arbois de Jubainville, à qui ce détail était inconnu, que «l’église St-Christophe paraît un peu écrasée».

Qu’on me permette d’ajouter en manière de digression que les dalles immenses de la nef pourraient bien être les pierres tumulaires retournées de la famille du Châtelet, dont les membres étaient inhumés aux Cordeliers et dont nous trouvons les dessins dans la généalogie que D. Calmet a publiée.

Tout le monde sait que jadis on enterrait dans les églises. C’était le privilège des riches, des grands du monde, mais aussi la récompense des vertus publiques et des services rendus. Une pierre tumulaire, un mausolée ne suffisait pas toujours; on élevait une chapelle particulière. C’est ce qui fut fait à St-Christophe. La chapelle baptismale d’aujourd’hui est la chapelle funéraire de Pierre Wiriot et de sa femme Adda. Tout va nous le prouver.

Les Wiriot et les Briot, artistes lorrains du XVIe et du XVIIe siècle

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