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CHAPITRE PREMIER

Table des matières

Historique de l’institution des minutes.

L’institution des minutes n’est pas à beaucoup près aussi ancienne que celle des notaires. Jusqu’en 1304 les notaires, même les soixante notaires de Paris créés en titre d’office par saint Louis, remettaient aux parties, après y avoir fait apposer le sceau de la juridiction du Châtelet, les actes qu’ils avaient rédigés. Nous dirions aujourd’hui que ces actes étaient dressés en brevet.

Par une ordonnance du mois de juillet 1304, Philippe le Bel obligea les notaires à transcrire les actes qu’ils recevaient sur des registres ou protocoles tenus à cet effet. C’est évidemment là l’origine des minutes, bien que nous ne soyons nullement convaincu que l’on considérât à cette époque l’acte transcrit sur le protocole comme constituant le titre même; nous serions plutôt porté à croire que l’original consistait dans le titre remis aux parties intéressées, tandis que les actes reportés sur le protocole ne constituaient que des copies.

Dans tous les cas, l’ordonnance de 1304 n’était pas applicable aux notaires de Paris. Ces derniers continuèrent à délivrer aux parties des «briefs», ou «cédules», jusqu’en 1437. Par une ordonnance du 1er décembre 1437, Charles VII enjoignit aux notaires de Paris de prendre pour leurs actes les mêmes précautions qui étaient imposées aux autres notaires du royaume: de tenir et garder des registres ou protocoles, d’y transcrire et enregistrer leurs actes, et d’annoter en marge de chaque acte l’époque de la délivrance de la grosse .

Il est probable, et il a été parfois affirmé que les notaires avaient pris d’eux-mêmes, à cause des pertes que les parties pouvaient faire de leurs actes, l’habitude de les inscrire sur des registres, et que l’ordonnance de 1304, ainsi que les lettres patentes de 1437, se bornèrent à rendre obligatoire une pratique usuelle qui, jusque-là, n’avait été que facultative .

En 1539, les dispositions de l’ordonnance de 1437 n’ayant pas été pleinement exécutées, François Ier crut devoir les renouveler. L’article 137 de l’ordonnance de Villers-Cotterets obligea tous les notaires du royaume, sans aucune distinction, «de faire fidèles registres et protocoles de tous les contrats qu’ils recevaient pour y avoir recours en cas de perte des brevets, ou minutes» .

Les notaires, dans le principe, étaient obligés d’écrire de leur main et l’acte remis aux parties (brief ou cédule), et l’acte porté sur le protocole. Des lettres patentes de François Ier (1541), postérieures de deux ans seulement à l’ordonnance de Villers-Cotterets dispensèrent les notaires de Paris d’écrire de leurs propres mains les grosses de leurs actes, et leur permit de les faire écrire par leurs clercs.

Evidemment, il s’est produit une transformation. L’acte important, l’acte essentiel, c’est celui qui demeure en la possession du notaire. L’idée de la «minute» s’est précisée, sans que l’on puisse dire au juste à quelle époque.

En tous cas, elle apparaît distinctement dans les lettres patentes de 1541.

Et à cette idée de l’importance essentielle, supérieure de la minute se rattache une autre idée: celle d’un devoir qui pèse sur le notaire, le devoir de conserver ces documents précieux, de les garder avec un soin jaloux; le notaire, à ses fonctions de rédacteur va joindre, avec les obligations nouvelles qu’il comporte, le rôle de dépositaire.

Entendons-nous: les deux fonctions, ainsi que nous avons pu le voir dans l’introduction, n’ont pas été, dans le principe, cumulées, si ce n’est au profit des notaires de Paris. C’était le notaire, sorte de substitut du tabellion, qui recevait les actes, c’était le tabellion qui les reportait sur ses registres et en délivrait les expéditions.

Le rôle de rédacteur des actes, ailleurs qu’à Paris, appartenait donc aux notaires; le rôle de dépositaire et gardien des minutes, aux tabellions.

Nous avons dit plus haut comment les deux fonctions furent réunies en 1597 par un édit d’Henri IV. En conséquence, toutes les obligations qui découlent des fonctions de dépositaire, pesèrent, à partir de ce moment, sur les notaires royaux, et parmi ces obligations, celle qui fait spécialement l’objet de ce titre, l’obligation de veiller au secret des minutes .

Nous placerons ici deux observations: la première, c’est qu’aux termes des édits de 1304, de 1437, de 1539, les actes doivent être transcrits sur des registres ou protocoles. Cette pratique, alors imposée par le législateur, est absolument opposée à notre pratique actuelle. Les minutes doivent être dressées non sur des registres (comme aujourd’hui les actes de l’état civil), mais bien sur des feuilles volantes: ce qui rend beaucoup plus facile l’observation du secret des minutes.

Cependant, il est d’usage, dans certaines parties de la France, de faire relier toutes les minutes à la fin de chaque année. On peut se demander si le procédé est bien légal? Sans doute, aucun texte ne le défend: mais, le fait n’est-il pas contraire à l’esprit même de la loi? M. Génébrier signale cet usage comme une bonne précaution qui devrait être généralisée.

«Nous pensons, au contraire, dit M. Amiaud , qu’elle ne doit point être suivie; et, pour ne signaler qu’un des inconvénients de ce mode de procéder, nous demanderons comment fera le notaire qui devra se dessaisir d’une de ses minutes reliées, soit qu’il s’agisse d’une poursuite en faux, ou qu’elle soit réclamée par le tribunal pour servir de pièce de comparaison » .

La seconde observation sur la législation ancienne du notariat est ainsi formulée par MM. Rutgeerts et Amiaud: «Avant la nouvelle législation, le dépôt des minutes n’était pas ordonné d’une manière générale, mais seulement dans quelques cas spéciaux. Les actes pouvaient donc être délivrés en brevet, à l’exception de ceux dont la loi ordonnait de garder minute. C’est aujourd’hui la règle inverse qui est adoptée par l’article 20 de la loi organique» .

Lorsque nous nous attachons à l’examen de la déclaration du 7 décembre 1723 et que nous étudions d’autre part l’article 20 de la loi de l’an XI, nous nous demandons si l’antithèse formulée par MM. Rutgeerts et Amiaud est bien aussi caractérisée que l’affirment les éminents auteurs. Encore aujourd’hui, pour déterminer les actes mentionnés par la loi de l’an XI sous cette dénomination générale «autres actes simples qui, d’après les lois, peuvent être délivrés en brevet» les jurisconsultes se reportent à la déclaration de 1723.

Nous croyons, pour notre part, que les actes qui peuvent être rédigés en brevet, sans contravention à l’article 20 de la loi de ventôse, sont plus nombreux qu’on ne pense . Ce qui, sans infirmer la doctrine de MM. Rutgeerts et Amiaud, en restreint la portée.

Et si maintenant, nous jetons un coup d’œil d’ensemble sur l’évolution de la profession notariale, non seulement dans le passé, mais dans toute son étendue, nous nous représenterons la loi de ventôse, non pas comme le point de départ d’un état de choses nouveau, mais comme la continuation de traditions que la Révolution avait pu voiler, mais non effacer. Si nous admettons, avec M. Planiol et la plupart des maîtres contemporains, que nos doctrines procèdent d’autant plus naturellement des doctrines anciennes, que les législateurs auxquels nous devons nos institutions juridiques actuelles, étaient tous des praticiens formés sous l’ancien régime, et qui, incapables parfois de se détacher de théories bien surannées et peu dignes d’être conservées, ne pouvaient pas à fortiori s’empêcher de conserver l’empreinte d’une formation dont leur expérience leur avait démontré les bons côtés, nous demeurerons persuadé que la méthode la plus efficace pour étudier avec fruit le secret des minutes, c’est de le suivre à travers les âges depuis les premières dispositions qui l’ont consacré.

Le secret professionnel des notaires

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