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CHAPITRE III

Table des matières

Le secret des minutes d’après la loi de ventôse an XI

Dans notre droit contemporain les dispositions qui protègent le secret des minutes sont les articles 22 et 23 de la loi du 25 ventôse an XI, ainsi conçus:

«Article 22: Les notaires ne pourront se dessai

«sir d’aucune minute, si ce n’est dans les cas prévus

«par la loi et en vertu d’un jugement.

«Avant de s’en dessaisir, ils en dresseront et

«signeront une copie figurée qui, après avoir été

«certifiée par le président et le commissaire du

«tribunal civil (procureur de la République) de leur

«résidence, sera substituée à la minute dont elle tien

«dra lieu jusqu’à réintégration».

«Article 23: Les notaires ne pourront également,

«sans l’ordonnance du président du tribunal de

«première instance, délivrer expédition, ni donner

«connaissance des actes à d’autres qu’aux personnes

«intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit,

«à peine de dommages-intérêts, d’une amende de

«100 francs, et d’être, en cas de récidive, suspen

«dus de leurs fonctions pendant trois mois, sauf

«néanmoins l’exécution des lois et règlements sur

«le droit de l’enregistrement, et de celles relatives

«aux actes qui doivent être publiés dans les tribu

«naux».

Ces deux articles de la loi de ventôse prévoient et réglementent trois modes de divulgation des minutes:

La divulgation très exceptionnelle par la voie de déplacement de minutes;

La divulgation orale, par voie de lecture de la pièce en présence des parties qui en veulent avoir connaissance;

La divulgation par voie de délivrance d’une expédition.

D’autre part, les dispositions de la loi de ventôse, mettent en dehors de la protection du secret professionnel «les actes qui sont destinés à être publiés devant les tribunaux».

Dans le but de limiter le champ de notre étude, nous allons tout d’abord nous demander quels sont ces actes dont l’article 23 entend parler, et quels sont, au regard des actes en question, les droits et les devoirs du notaire.

Actes auxquels ne s’applique pas le secret des

minutes.

Quels actes a voulu viser l’article 23 de la loi de l’an XI? Il est assez difficile de le dire. Les auteurs répondent bien en nommant le contrat de mariage des commerçants. On peut mentionner encore d’autres actes qui ne sont pas secrets, mais qui ne doivent pas être «publiés devant les tribunaux», tels les inscriptions d’hypothèques, les transcriptions de mutations immobilières; les actes de société sont également astreints à une publicité qui répondrait mieux à la définition de la loi de ventôse, puisqu’elle consiste dans un dépôt au greffe du tribunal de commerce et au greffe de la justice de paix.

Mais, ces mesures de publicité édictées au regard de certains actes sont en général postérieures à la loi de ventôse an XI.

Certes, elle a pu songer aux inscriptions d’hypothèques et aux transcriptions de mutations immobilières, parce que l’on vivait alors sous le régime de la loi du 11 brumaire an VII, et cependant cette loi n’organisait pas une publicité devant les tribunaux. Le Code de commerce n’existait pas, le Code civil n’était qu’en préparation.

On parle encore des dispositions entre vifs ou testamentaires en laveur des hospices, et des établissements de bienfaisance ou d’utilité publique, car le notaire rédacteur ou dépositaire de l’acte, doit aviser les administrateurs de l’établissement avantagé ; mais cette mesure n’a été prescrite que par un arrêté du 4 pluviôse an XII, confirmé par des décrets de 1807 et de 1809.

Nous croyons pour notre part que l’article 23 s’est fait l’écho d’idées qui flottaient dans l’air, sans qu’on pût prévoir la forme définitive qui leur serait donnée, et qu’il a posé le principe d’une dérogation au secret des minutes en vue de dispositions qui pourraient être édictées ultérieurement.

Il y a aujourd’hui incontestablement un certain nombre d’actes, qui doivent être portés de façon ou d’autre, à la connaissance du public. Contrats de mariage des commerçants, séparations de biens, rétablissements de communauté, actes de constitution, de modification, de prorogation, de dissolution de sociétés.

Quelles sont, au regard de ces actes, la portée et les conséquences de la réserve formulée dans l’art. 23?

On peut se poser deux questions: 10 Le notaire a-t-il le devoir de délivrer une expédition de ces actes au premier venu qui la lui demande, ou de lui donner lecture de la minute?

2° Si l’on admet que le notaire n’est pas astreint à cette obligation, en délivrant expédition ou en donnant lecture de la minute, encourt-il une responsabilité quelconque, pénale, civile, ou disciplinaire?

A la première question, nous nous croyons autorisé à répondre que le notaire n’est nullement obligé à délivrer une expédition ou à donner lecture de la minute. La loi a organisé un système de publicité. Ce n’est pas pour que les notaires demeurent assiégés de demandes de renseignements qui, pour n’être plus indiscrètes, ne cesseraient pas d’être importunes.

Et nous admettons sans scrupule que le notaire renvoie le curieux ou l’intéressé, à la conservation des hypothèques, au greffe du tribunal de commerce ou de la justice de paix, au siège d’une société dont il veut consulter les statuts. Il n’est pas un des renseignements dont il s’agit ici qu’on ne puisse obtenir sans le secours du notaire.

Mais si le notaire délivrait bénévolement une expédition, où s’il consentait à lire l’acte, nous estimons qu’il ne saurait encourir aucune responsabilité d’aucune sorte.

Où se place en effet le principe de la responsabilité ? Dans la divulgation d’un secret confié ; or, il ne peut être question de secret en ce qui concerne des actes dont la loi ordonne la publication.

Remarquons que la prescription de la loi du 10 juillet 1850, qui oblige les époux à déclarer en se mariant, à l’officier de l’état civil, s’ils ont fait un contrat de mariage, et à lui remettre, en cas d’affirmative, le certificat du notaire qui a rédigé le contrat, n’est point une règle de publicité.

Le contrat de mariage demeure parfaitement secret au regard de tous autres que les parties contractantes, mais la mention portée à l’acte de mariage, en avertissant les tiers, permet aux personnes qui auraient à contracter avec les époux de les mettre en demeure de leur faire connaître leurs conventions matrimoniales. Il ne résulte pas du tout de la loi de 1850 que les tiers puissent se mettre en rapport direct avec le notaire. Et celui-ci ne pourrait, sans tomber sous l’application, soit de l’article 23 de la loi de ventôse, soit même sous l’application de l’article 378 du Code pénal, délivrer expédition, donner lecture de la minute, ou faire connaître les clauses du contrat, à moins d’y être invité par les époux eux-mêmes.

Il va sans dire que la responsabilité disciplinaire et civile de l’officier public se trouverait en outre engagée.

M. Planiol, au sujet de la loi du 10 juillet 1850, écrit: «Grâce à ces déclarations inscrites sur des «registres que chacun peut consulter (les registres

«de l’état civil), la loi établit une publicité plus com-

«plète et plus durable que les affiches ordonnées

«pour le contrat de mariage des commerçants. Les

«tiers sont ainsi avertis de l’existence du contrat et «de la résidence du notaire qui l’a reçu, et chez qui

«ils peuvent en prendre connaissance» .

Ils peuvent en prendre connaissance? soit; mais pas sans l’autorisation des contractants. Nous pensons bien que c’est avec cette restriction qu’il faut entendre les expressions du savant professeur. Sans cela, le premier venu, sous prétexte qu’il a quelque affaire à traiter avec les époux, pourrait surprendre des renseignements qui ne regardent personne.

Ce système n’est pas admis par tout le monde. Nous lisons en effet dans le Répertoire de Me Labori: «Le tiers qui traitera avec une femme mariée, s’il est prudent, s’informera auprès d’elle, du lieu et de la date de son mariage, et se fera remettre par l’officier de l’état civil de la commune où il aura été célébré, un extrait de l’acte de mariage (art. 45 C. civil). Il y verra ce qu’il a intérêt à savoir: s’il y est dit que les époux ont fait un contrat de mariage, il refusera de traiter, tant que l’expédition ne lui aura pas été communiquée. Il pourra se la procurer lui-même, puisque le nom et la résidence du notaire seront indiqués dans l’acte de mariage ».

Si le rédacteur de l’article veut dire par là, que le tiers pourra obtenir une expédition avec l’autorisation des époux, nous sommes d’accord avec lui; s’il admet, au contraire, qu’un tiers puisse obtenir cette expédition, sans l’autorisation des époux, nous repoussons nettement sa solution.

Et toute cette question est dominée par une considération de bon sens. La loi n’a point voulu, qu’avant d’engager des pourparlers avec les conjoints, peut-être même sans intention d’en engager, un indiscret pût se mettre au courant des secrets d’une famille.

Nous croyons donc que le notaire qui, sans l’ordre de ses clients, délivrerait une expédition de leur contrat de mariage s’exposerait aux peines de l’article 23, sans préjudice des condamnations disciplinaires et civiles qu’il pourrait encourir.

Le secret professionnel des notaires

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