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CHAPITRE IV

Table des matières

Interdiction des communications globales.

Nous avons à fixer un point dont la solution nous parait préliminaire à toute étude de détails. Il y a des cas où la communication des minutes s’impose, soit parce qu’elle a été demandée par une partie contractante ou par des ayants droit, soit que des minutes doivent être produites à titre de pièces de comparaison dans une procédure de faux incident civil (art. 236, C. pr. c.), ou même de vérification d’écriture (art. 200 ibid), soit encore qu’un compulsoire ait été ordonné par un juge compétent (art. 846 et 852 ibid); dans ces divers cas il peut y avoir lieu à communication sous une forme quelconque, d’une minute ou de quelques minutes du notaire, mais jamais à une recherche dans les minutes d’une étude.

Non seulement c’est le droit du notaire de se refuser à toute communication générale, mais c’est son devoir absolu.

Nous avons vu, dans un précédent chapitre, comment les choses se passaient dans notre ancien droit, alors que l’inscription des actes sur un registre ou protocole en rendait l’isolement matériel plus difficile; un huissier prenait copie de la pièce Aujourd’hui, aux termes de l’article 849, c’est d’ordinaire le notaire qui procède lui-même et seul , soit qu’il délivre expédition, soit qu’il donne lecture ou communication de l’acte, soit enfin qu’il s’en dessaisisse dans les cas exceptionnels, en vue desquels l’article 22 de la loi de ventôse a admis le principe du déplacement de la minute; mais, quoiqu’il arrive, la communication ne peut dégénérer en communication globale. C’est un point qui a été résolu à maintes reprises par les tribunaux .

Le compulsoire, que les articles 22 et 23 de la loi du 25 ventôse an XI et les articles 846 et suivants du Code de procédure civile autorisent les tribunaux d’ordonner à l’égard des minutes d’un notaire, ne peut s’appliquer qu’à des actes déterminés . Voilà le principe; et il ne comporte à notre sens aucune restriction.

Il avait été méconnu cependant par le tribunal de première instance de Lure, dans des conditions assez curieuses. Il s’agissait d’un acte obligatoire qu’une plaideuse prétendait avoir été signé à Ronchamps, en l’étude d’un notaire de cette localité, et non à Héricourt en l’étude d’un autre notaire; — la demanderesse avait obtenu du tribunal de Lure le compulsoire de toutes les minutes signées dans les deux études dix jours avant, et dix jours après la date de l’acte incriminé ; cela dans le but de comparer les encres dont on s’était servi pour rédiger et signer ces divers actes, avec celle qui avait été employée pour la signature de l’acte incriminé.

La Cour de Besançon remit les choses au point, en réformant la décision des juges de Lure.

La Cour de Besançon ne faisait d’ailleurs que se conformer à une jurisprudence établie de la Cour de cassation, jurisprudence dont la décision la plus caractéristique est ainsi résumée par les arrêtistes:

«L’arrêt qui autorise, dans un intérêt privé, la communication de tous les actes, livres, registres et papiers d’un notaire, sans prendre aucune précaution pour assurer le secret des opérations faites par le notaire au cours de son exercice, doit être annulé comme contraire au principe du secret professionnel et aux règles établies en matière de compulsoire par la loi du 25 ventôse an XI.

«Il en est spécialement ainsi, ajoute l’arrêt de la décision qui ordonne que tous les actes et papiers d’une étude seront déposés au greffe d’une justice de paix pour y être laissés pendant un temps indéterminé à la disposition d’un tiers qui pourra y faire des recherches pour qui bon lui semblera» .

Nulle espèce d’ailleurs n’était mieux faite pour poser la question que celle qui donna à la Cour suprême l’occasion d’affirmer sa jurisprudence. Il s’agissait de la veuve d’un notaire qui émettait la prétention de faire déposer au greffe, par le successeur de son mari, toutes les minutes de l’exercice de celui-ci, afin qu’elle pût y puiser les renseignements dont elle avait besoin.

Cette prétention avait été admise par le tribunal de Charolles, et, pour des raisons sur lesquelles nous n’avons pas à nous expliquer ici, n’avait pas subi l’épreuve de la Cour d’appel .

Cette jurisprudence peut être tenue pour constante; car, aux solutions que nous venons de relever, et dont l’importance nous paraît décisive, on pourrait encore ajouter:

1° Un arrêt de la Cour de cassation (ch. civile) du 19 janvier 1870, suivi, après renvoi d’un arrêt de la Cour d’Agen du 16 avril 1872 , dont le sens est que les tribunaux ne peuvent ni autoriser ni ordonner la communication générale des minutes d’un notaire en faveur d’un intérêt privé.

Le prédécesseur du notaire avait assez mal tenu sa comptabilité — négligence qu’il faisait d’ailleurs retomber sur son clerc — et il demandait seulement la communication des notes écrites en marge ou au pied des actes afin de constater le paiement des honoraires et frais par lui reçus... La modestie de cette réclamation ne parvint pas à désarmer la rigueur de la Cour .

2° Un arrêt de la Chambre des Requêtes du 28 janvier 1874 qui pose en principe que «les textes prescrivant ou permettant, dans certains cas, la communication générale des minutes d’un notaire, ne peuvent être étendus par voie d’analogie à d’autres cas; spécialement cette communication ne peut être ordonnée à l’appui d’une demande de réduction de prix d’un office et à l’effet de constater la nature, l’importance, l’utilité et la légitimité des actes reçus et la légitimité des honoraires perçus par le vendeur .»

Un arrêt de Cour d’appel rendu dans le courant de 1886 faisait surgir et résolvait une question que nous avons effleurée dans un précédent chapitre. Il s’agissait encore du déplacement des minutes, mais cette fois dans un cas où la loi l’autorise spécialement, dans le cas où elles doivent servir de pièces de comparaison au cours d’une procédure de vérification d’écritures. Il fut décidé que:

«Lorsqu’un arrêt a ordonné que les minutes d’actes notariés seraient déposés au greffe de la Cour pour y servir de pièces de comparaison dans une vérification d’écritures l’exécution de cet arrêt ne saurait être suspendu du fait du notaire, détenteur des dites minutes, sous le prétexte que celles-ci auraient été reliées avec d’autres en divers volumes. Toutefois les parties dans l’intérêt desquelles le déplacement est ordonné doivent indemniser le notaire des frais qu’entraîneraient la destruction et la remise en état des reliures» .

La question qui se posait incidemment dans l’affaire est celle de la reliure des minutes.

Cette pratique est assez usuelle en Belgique. La preuve c’est que M. Rutgeerts se demande «si un notaire peut faire relier ses minutes hors de chez lui» , et il reconnaît qu’on admet assez généralement qu’un notaire peut faire relier ses minutes dans sa propre demeure, car il peut veiller dans ce cas à ce que le secret ne soit pas violé. S’il les faisait relier ailleurs il manquerait à son devoir tant au point de vue du secret que du dessaisissement.

Mais si Rutgeerts constate cette pratique il est loin d’en reconnaître la légalité : «En effet, dit-il, bien que la loi de ventôse ne se prononce pas expressément à cet égard, elle a cependant toujours été interprétée en ce sens qu’elle ne prescrit plus l’inscription des actes comme autrefois sur des registres ou protocoles. Chaque acte doit être, aux termes mêmes de la loi, écrit sur des feuilles isolées.

«Cette interprétation consacrée par une lettre circulaire du Grand Juge, Ministre de la Justice du 15 février 1809, résulte implicitement de la disposition de l’article 22 de la loi de ventôse. Par suite il y a lieu de décider qu’il n’est pas permis aux notaires de réunir parla reliure tous les actes de chaque année. Comment, en effet, sans violer le secret dû aux conventions des parties, les notaires pourraient-ils se dessaisir d’un acte dans les cas autorisés par la loi, si tous les actes d’une année étaient reliés en commun? »

L’arrêt précité d’Alger souligne d’un trait pratique cette théorie de M. Rutgeerts. Remarquons toutefois que la Cour n’admet point l’illégalité de la reliure des minutes puisqu’elle condamne la partie dans l’intérêt de laquelle le déplacement est ordonné à indemniser le notaire des frais qu’entraînent la destruction et la remise en état des reliures.

Nous croyons avec la Cour d’Agen, et contrairement à M. Rutgeerts, que la reliure des minutes constitue seulement un inconvénient, mais non une illégalité : nous ferons d’ailleurs cette réserve que les minutes doivent être reliées chez le notaire.

Le secret professionnel des notaires

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